Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2014

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811111250

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

JEàN-FràNcOIS DUpàQUIEr
POLITIQUES, MILITAIRES ET MERCENAIRES FRANÇAIS AU RWANDA
KARTHALAsur internet: www.karthala.com (paiement sécurisé)
Couverture : Cyrille Fourmy.
©Éditions Karthala, 2014 ISBN : 978-2-8111-1125-0
Jean-FrançoisDUPAQUIER
Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda
Chronique d’une désinformation
e Préface de M ÉricGILLET
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
DU MÊME AUTEUR
L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Paris, Karthala, 2010. Burundi 1972, au bord des génocides, avec Jean-Pierre Chrétien, Paris, Karthala, 2007. La justice internationale face au drame rwandais(dir.), Paris, Karthala, 1996. Rwanda, les médias du génocide, sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, avec Marcel Kabanda et Joseph Ngarambe, Paris, Karthala, 1995. « Rwanda : le révisionnisme, poursuite du génocide par d’autres moyens », in e Rwanda, un génocide duXXsiècle, sous la direction de Raymond Verdier, Emmanuel Decaux, Jean-Pierre Chrétien, Paris, L’Harmattan, 1995.
Ce livre est dédié à deux admirables « lanceurs d’alerte », Jean Carbonare † Président de Survie, 24 août 1926-17 janvier 2009) et AgatheUwilingiyimana, Première ministredu Rwanda (23 mai 1953-7 avril 1994).
REMERCIEMENTS
J’exprime mes remerciements à Fanny Bernier, à Marguerite Carbonare, à Jean-Pierre Chrétien, à Hélène Dumas, à Pierre et Yvonne Galinier, à Jacques Morel et Méryiem Puill dont l’aide documentaire et la relecture ont considérablement faci-lité la réalisation de cet ouvrage, à Xavier Audrain et Robert Ageneau, des Éditions Karthala et leur équipe ainsi que Michel Soulard.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR
En kinyarwanda (langue nationale du Rwanda), les termes désignant les catégo-ries tutsi et hutu sont des substantifs invariables auxquels on ajoute un préïxe pour indiquer le singulier (mu) ou le pluriel (ba). On dit ainsi un Mututsi, des Bahutu... Et un sufïxe signale le genre au féminin (par exemple une Mututsikazi pour une femme tutsi, des Bahutukazi pour des femmes hutu, etc.).Unusage universitaire constant est de ne conserver que le substantif invariable, même si d’autres auteurs, notamment des journalistes, les francisent et, comme adjectifs, les accordent. Nous avons opté ici pour l’invariable, qui nous semble le plus commode pour le lecteur.
Prologue
D’après le protocole, le président Habyarimana, parce qu’il était le doyen d’âge, devait partir en premier. Il arriva à l’aéroport peu avant 19 heures, heure de Tanzanie, soit 18 heures à Kigali. Il faisait nuit. Les hommes du protocole tanzanien n’avaient pas informé l’équipage de l’heure du départ du président, aussi le Falcon 50 se trouvait-il sur un parking. L’équipage français semblait attendre conïrmation que le vol était reporté au lendemain, comme promis. Après un échange assez sec entre le pilote Jacky Héraud et le président Habyarimana, toujours le ïchu protocole : il fallut préparer l’avion et l’amener de son aire de stationne-ment jusque devant le salon d’honneur. Impeccable, la GP rwandaise s’est mise au garde-à-vous. Le président Habyarimana avait proposé au président du Burundi de l’emmener avec lui, aïn de le faire déposer à Bujumbura après l’escale de Kigali. Dans le Falcon 50 ont donc pris place le président Juvénal Habya-rimana, le général major Déogratias Nsabimana, chef d’État-major de l’armée rwandaise, l’ambassadeur Juvénal Renzaho, conseiller à la prési-dence, le colonel Élie Sagatwa, secrétaire particulier du président, le doc-teur Emmanuel Akingeneye, médecin du président, le major Thaddée Bagaragaza, ofïcier d’ordonnance. Côté burundais, le président Cyprien Ntaryamira était accompagné des ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi. Même les strapontins étaient occupés. Au terme d’une enquête très détaillée, une commission d’enquête rwandaise, la « Commission Mutsinzi », relève un élément troublant : « Alors que le président Habyarimana est déjà à bord, il remarqua l’ab-sence dans l’avion du chef d’état-major de l’armée, le général Nsabimana, r qui était resté sur le tarmac avec le D Akingeneye, ne voulant pas embar-quer. Le président Habyarimana ressort aussitôt de l’appareil et leur intime immédiatement l’ordre de monter dans l’avion avec lui ». Le Capitaine Senkeri, témoin direct de la scène explique : « D’ordi-naire, quand nous voyagions avec le Président, il entrait dans l’avion en dernier lieu, et c’est comme cela que ça s’est passé quand nous étions à Dar-es-Salam. Lorsqu’il est arrivé dans l’avion, il a constaté que le général r Nsabimana et le D Akingeneye manquaient. Ces derniers se cachaient près de l’une des ailes de l’avion. Le président Habyarimana est sorti de l’avion, ce qui n’arrivait jamais, et a dit à haute voix : “Oùest Akinge-neye ?Celui-ci s’est manifesté. “Oùest Nsabimana ?Il s’est également manifesté. Puis, il leur a demandé : “Pourquoi vous n’entrez pas dans
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l’avion ? » Ils ont répondu qu’ils croyaient qu’il n’y avait plus de places parce qu’on y avait mis des Burundais. Le président Habyarimana leur a alors dit : “Entrez vite et on y va. Ils sont entrés et l’avion a décollé ». Il était 18 h 30, heure de Kigali. À 20 h 30, tous ces gens étaient morts.
Préface
Le génocide des Rwandais tutsi est proprement abyssal. J’entends par là que nous n’en connaissons pas la profondeur et que chaque progrès dans la connaissance de ce qui est advenu avant, pendant et après, nous fait apercevoir de nouveaux gouffres et nous donne le vertige de son sens étymologique. En grec ancien, le terme signiïe « sans profondeur ». Ce qui est arrivé au Rwanda en 1994 fut perçu au départ par une bonne partie de l’opinion publique internationale comme quelque chose de très simple, de la simplicité qu’inspirent les stéréotypes : un combat tribal entre nègres. Cette perception a été créée et encouragée par des élites rwandaises et occidentales complices dans le développement du système de représentations qui l’a rendu possible. C’est le piège de l’ethnisme. Deux « ethnies » seraient engluées dans un face à face sans solution. Le colonisateur belge a joué la carte de l’ethnisme depuis qu’il a pris la succession de l’Allemagne au sortir de la Première Guerre mondiale, en s’appuyant sur les Tutsi, considérés comme une race supérieure, pour asseoir son pouvoir. Il s’est tourné vers les Hutu lorsque l’indépendance du pays était en vue, pour soutenir une république fondée de manière en principe démocratique sur la réalité démographique. Les Hutu représen-tant 90 % de la population, il fallait donc désormais se mettre aux côtés du « peuple majoritaire ». Concept dont la bonhommie n’était qu’apparente. Il signiïait en réalité que la minorité était exclue du jeu politique et de l’accès aux droits fondamentaux. Il servira à la fois de moteur et d’écran à tout ce qui allait suivre, à savoir la discrimination systématique des Tutsi. Ce schéma était fondé sur une vision globalisante de ces anciennes caté-gories de la société rwandaise. Il n’empêchera pas des luttes entre leaders politiques hutu à l’ombre d’un consensus apparent. Les Tutsi serviront de bouc émissaire permettant de cacher un ressort essentiel de la politique rwandaise, la lutte entre élites hutu antagonistes. Au soir de sa dictature, le président Habyarimana saura reproduire ce jeu à son proït. Affaibli par son opposition hutu en quête de partage du pouvoir et de démocratie, il désignera à nouveau le Tutsi comme l’ennemi. Il appellera les Belges et les Français à l’aide lors de l’attaque du pays par er le FPR le 1 octobre 1990. Les Belges iront avec des pincettes, et se retire-ront dès que les ressortissants étrangers auront été ramenés en Belgique. Les Français iront pour rester. Cela leur vaudra les faveurs présidentielles et l’amitié du gouvernement rwandais de l’époque, dont on retrouve l’écho jusque dans le rapport d’enquête sur la tragédie rwandaise adopté par une Mission parlementaire de l’Assemblée nationale le15 décembre 1998. Ce
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rapport caractérise l’entrée en matière de la France selon une formule curieuse autant qu’erronée : « Nous entretenons des relations amicales avec le Gouvernement du Rwanda qui s’est rapproché de la France après avoir constaté la relative indifférence de la Belgiqueàl’égard de son ancienne colonie ». Les militaires français investiront donc le Rwanda en guerre contre le FPR et lui fourniront un appui militaire direct lors de chaque épisode guerrier oùle FPR était en passe de prendre l’avantage sur le terrain, au nom de la stabilité nécessaire de l’État rwandais, c’est-à-dire du régime en place. Ils lui fourniront en outre des armes, des munitions et des conseillers, jusqu’au cœur du génocide. La Mission parlementaire de 1998 déplorera que cette aide ait été déployée sans voir la nature autoritaire et raciste du régime. La constitution de la«zone humanitaire sûre » par l’opération Turquoise aura elle-même pour objectif premier de stabiliser le front entre les deux armées. On parlera de la création d’un«pays hutu ». On n’a cessé de se poser la question de savoir ce que suggère le fait que, alors que le génocide était largement en cours, puis pratiquement consommé, les autorités françaises aient pu continueràconsidérer le gouvernement intérimaire, qui apparaissait clairement comme génocidaire aux yeux du monde, comme légitime, comme un acteur de la crise rwan-daise dont il fallait préserver une capacité de négociation et avec qui il fallait«rester en contact » comme avec les autres parties. Ce n’est pourtant pas faute de ne pas avoir été exhortéàfaire le contraire. L’Élysée a été fortement pressé par les organisations de défense des droits de l’homme françaises et internationales (Fédération internatio-nale de défense des droits de l’homme«FIDH » et Human Rights Watch, entre autres)àne pas rencontrer les représentants de l’État rwandais de passageàParis. Les ONG de défense des droits de l’homme ont fait valoir avec force que cette rencontre légitimerait un gouvernement occupéà perpétrer un génocide. Elles ont fait valoir que cette véritable légitimation internationale du génocide ne ferait qu’en rendre la poursuite possible. Pourquoi donc les autorités françaises, misesàl’époque devant la réalité brutale des conséquences d’une telle légitimation, ont-elles persévéré dans leur attitude, alors qu’il n’était plus possible, comme avant le déclenche-ment du génocide, de feindre le simple manque de discernement ou l’er-reur d’appréciation ? Il est en effet difïcile de se réfugier derrière l’afïrmation trouvée dans le rapport de l’Assemblée nationale que«faceàla monstruosité des événe-ments, il est certain qu’aucun esprit doué de raison, même des plus pessi-mistes et des plus connaisseurs de l’Afrique, ne pouvait envisager ce qui dépasse l’entendement ». En matière de génocide l’entendement des Euro-péens avait été dépucelé assez récemment tout de même. On avait même martelé qu’il n’y aurait«! Encore en juin 1994plus jamais ça » àOradour-sur-Glane dans la bouche de François Mitterrand ! Alors pourquoi ? La question est d’autant plus grave que, au bout du chemin, il y aura ce qui, comme l’abandon des réfugiés de l’École Don Bosco par les soldats
PRÉFACE
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belges à Kigali, restera gravé comme un des signes les plus tragiques de la trahison des valeurs portées par l’Occident : le drame de Bisesero. Ces deux mille rescapés tutsi retranchés depuis des semaines dans les plus inhospitalières collines de la crête Congo-Nil, se manifesteront à l’ap-proche des soldats d’élite français, espérant leur salut après des semaines de combats pour la survie. Mais les Français étaient anqués des milices génocidaires. Ces rescapés seront laissés sans secours ni protection pen-dant les trois jours qui sufïront aux milices pour en achever la plupart, parce qu’il n’était pas question « de s’engager d’un côté », dira le lieute-nant-colonel qui les commandait. Au bout du chemin, il y a aussi le soutien aux génocidaires qui organi-sent une nouvelle société rwandaise en exil sans qu’on arrête les présumés coupables pour les mettre à la disposition de la justice. A nouveau sollicité par la FIDH, le gouvernement français refusera de faire taireRTLM, réfu-giée elle aussi dans la « zone humanitaire sûre », puis à Bukavu et dans les camps de réfugiés du Kivu, oùse reconstituait une administration en tous points ïdèle à celle qui avait présidé au génocide, pratiquant menaces, exactions, exécutions sommaires et manipulations des foules. L’aidequi sera déversée par la Communauté internationale, tout à coup accourue au secours d’une crise humanitaire créée de toute pièce par le régime génoci-daire, deviendra le carburant d’une nouvelle machine de mort, dirigée notamment contre les communautés tutsi de l’Est du Zaïre. C’est là-bas que se poursuivra«le travail », interrompusimplement suspendu dans l’esprit de beaucoupau Rwanda lui-même. Si ce génocide est abyssal, c’est parce qu’il fut perpétré par une machine à tuer d’une incroyable sophistication. D’une efïcacité bien supé-rieure à l’appareil nazi, malgré son contexte rural. Tout l’appareil politique et administratif du pays y fut engagé, de même que les entreprises publi-ques et les commerçants. Les contributions des institutions internationales à l’agriculture furent détournées pour le ïnancer, notamment pour l’achat massif de machettes. Les autorités religieuses furent complices lorsqu’elles ne furent pas actrices. Tout ce qui pouvait être perçu comme un progrès vers la paix fut détourné comme une étape de perfectionnement de la machine à tuer : la liberté de la presse décrétée dans le cadre d’un pro-cessus de démocratisation impulsé par la communauté internationale dans la foulée du discours de La Baule a permis la création des médias de la haine et la diffusion de la propagande. La formation, dans l’esprit d’un partage du pouvoir, de gouvernements de transition ouverts à des person-nalités de l’opposition, rendait impossible la poursuite du ïnancement direct des milices par l’État. Mais des personnalités politiques furent immédiatement disséminées dans les entreprises publiques pour que celles-ci deviennent un mode de ïnancement alternatif autrement redou-table. Les accords de paix d’Arusha eux-mêmes, déjà qualiïés de « chif-fons de papier » au cours des négociations en novembre 1992 par le prési-dent Habyarimana, devinrent une source inïnie d’inspiration pour la propagande, un écran derrière lequel la préparation du génocide pouvait
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