L’enjeu des droits de l’homme dans le conflit colombien , livre ebook

icon

374

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2010

Écrit par

Publié par

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe et accède à tout notre catalogue !

Je m'inscris

Découvre YouScribe et accède à tout notre catalogue !

Je m'inscris
icon

374

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2010

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2010

EAN13

9782811104436

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Science Politique Comparée
L’enjeu des droits de l’homme dans le conflit colombien Sophie Daviaud
Karthala - Sciences Po Aix
L’ENJEU DES DROITS DE L’HOMME DANS LE CONFLIT COLOMBIEN
Visitez notre nouveau site KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture : Photographie réalisée par Merly Guanumen à Bogotá lors de la manifestation des victimes des crimes paramilitaires, le 6 mars 2008.
Éditions KARTHALA, 2010 ISBN : 978-2-8111-0443-6
Sophie Daviaud
L’enjeu des droits de l’homme dans le conflit colombien
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
Sciences Po Aix 25, rue Gaston de Saporta 13625 Aix-en-Pce Cedex 1
4
Remerciements
5
Cette recherche n’aurait jamais abouti sans le soutien d’un grand nombre de personnes. Je souhaite tout d’abord remercier Daniel Pécaut qui a accepté de diriger la thè se de doctorat dont es t issu cet ouvrage. Je lui dois de m’avoir encouragée à travailler sur le sujet des militants des droits de l’homme en Colombie et de m’avoir transmis sa passion pour ce pays. Je tiens à remercier l’Institut Français d’Etudes Andines (IFEA) qui m’a permis de bénéficier du statut de boursière pendant deux ans à Bogotá et d’effectuer un long séjour de recherche en Colombie. Que son directeur à cette période, Jean Joinville Vacher, trouve dans ce travail l’expression de ma reconnaissance. Toute ma gratitude également à Jean-Michel Blanquer et à l’IHEAL pour m’avoir permis d’occuper pendant deux ans un poste d’ATER. Je remercie Olivier Dabène et Sandrine Lefran c pour leurs conseils dans le cadre du re maniement du texte de la thèse. Merci aussi à mes collègues politologues de l’IEP d’Aix, Jean-Pierre Gaudin, Christophe Traïni et Florian Kosthall pour l’intérêt qu’il s ont porté à mon travail et pour leu r relecture attentive. Un financement de l’AC I Prosodie « Grammaires de la réconciliation internationale» dirigée par Sandrine Lefranc à l’Institut des Scienc es Sociales du politique m’a donné la possibilité de réaliser un travail de terrain en Colombie en août 2007 et de m’intéresser aux nouveaux enjeux dans le domaine des droits de l’homm e depuis la démobilisation des groupes paramilitaires. Mais cet ouvrage n’aurait jamai s vu le jour sans l’appui d’un grand nombre de personnes en Colombie qui ont ac cepté de me recevoir et de répondre à mes questions avec beaucoup de gentilles se : les membres d’ONG, les fonctionnaires gouvernementaux, les militants des associations de victimes de la violence, les membres d’organisations internationales travaillant en Colombie, les membres de la « Commission Nationale de Réparation et de Ré conciliation » (CNRR) et son président Eduardo Pizarro. Je tiens à remercier tout particulièrement Jaime Prieto, Hector Torres et Alvaro Tirado Mejía qui m’ont accordé de nombreux rendez-vous et se sont vivement intéressés à ma recherche. Je suis également très reconnaissante envers les membres du Colle ctifs d’avocats « José Alvear Restrepo » qui m’ont donné la possibilité de découvrir le monde des droits de l’homme en Colombie et tout particulièrement l’avocate Pilar Silva. Merci à ceux qui m’ont accompagné au quotidien dans l’épreuv e de la rédaction : mes parents et ma sœur bien sûr mais aussi Francine, Juan Carlos, Eduardo, Delphine et Julien. Enfin, ce livre est dédié à ma fille Anna. Elle est venue au monde avant la fin de ma thèse et a parfois trouvé difficiles tous les moments que sa Maman consacrait aux droits de l’homme. C’est elle qui avec ses sourires m’a donné le courage de la terminer et de po ursuivre mes recherches sur un pays qui est aussi le sien.
6
Introduction
7
A l’évocation de la Colom bie, vient spontanément à l’esprit l’idée d’une 1 alchimie contrastée de beauté et d’horreu r, de vie et de meurtre . Le pays de « l’éternel printemps », aux deux océan s, aux trois chaînes montagneuses, aux centaines de lac s et de lagunes, possède des paysages imposants , une grande diversité ethnique , d’importantes ressources en minerais et en pierres précieuses , la plus grande richesse en biodiversité au monde… Il suffit d’écouter un chauffeur de taxi de Bogotá vanter à un étranger les riches ses de sa terre natale. Ce « pays des merveilles » détient aussi un certain nombre de records plus sombres. Il est parmi les plus violents au monde avec un taux d’homicide qui demeure 2 exceptionnellement élevé . La Colombie compte aujourd’hui plus de trois ème millions et demi de déplacés internes, ce qu i la place au 2 rang mondial après le Soudan. Disparitions, exécutions arbitraires, massacres, atteignent des niveaux alarmants depuis la fin des années 1980 . La Colombie peut émerveiller ou révolter mais difficilement laisser ind ifférent. Et pourtant, le drame que vit la population civile depuis plus de vingt ans es t resté longtemps inaperçu. Jusqu’à une date récente , il n’a suscité que peu d’indignation de la part de la majorité de la population colombienne et très peu d’intérêt de la part de la communauté internationale. En Fran ce, l’enlèvement d’Ingrid Betancourt et la campagne pour sa libération ont contribué à attirer l’attention du gran d public sur le conflit colombien sans pour autant éc laircir les enjeux des phénomènes de violence. De surcroît, l’« hyper médiatisation » de la figure d’Ingrid Betancourt a eu tendance à faire oublier qu’elle n’était qu’une séquestrée parmi des milliers de victimes de cette pratique chaque année et que l’enlè vement n’était qu’une des manifestations de l’effet dévastateur du conflit sur les populations civiles. Les atrocités commises par les paramilitair es qui commencent à être amplement dévoilées en Colombie depuis leur démobilisation en 2005, ne font jamais la « une » des journaux dans notre pays. En 1996, nous avons fait le choix d’intégrer l’équipe d’une des principales ONG de défense des droits de l’homme de Bogotá, le «Colectivo de Abogados ‘José Alvear Restrepo’ ». Ces avocats défendent des prisonniers politiques membres des guérillas mais aussi les victimes des cas de violations massives des droits de l’homme impliquant l’Etat et les paramilitair es (disparitions, exécutions arbit raires, assassinats, massacres, déplacements forcés). En tant qu’européenne, nous concevions
1 Ce n’est sans doute pas par hasard si, tout en étant la patrie du « réel merveilleux » pour le prix Nobel de littérature Garcia Marquez, la Colombie s’apparente aux yeux d’un autre écrivain colombien, Fernando Vallejo, auteur deLa vierge des tueurset figure majeure de la nouvelle littérature latino-américaine, à un univers où règnent l’horreur, la haine, l’angoisse et la mort. 2 Même si le taux d’homicide a baissé depuis l’année 2003 et s’élevait en 2009 à 44 pour 100.000 habitants, la Colombie a connu des taux particulièrement élevés dans les années 1990. En 1995, le taux de morts violentes était de 92 pour 100.000 habitants, ce qui plaça le pays parmi les pays les plus violents au monde.
8 l’objectivité et la neutralité comme des objectifs primordiaux pour une ONG et les droits de l’homme nous apparaissaient comme une sorte d’idéal désincarné. Ainsi, dès le départ, le caractère très politique de l’ac tion des ONG de défense des droits de l’hom me nous surprit. Nous travaillions avec des personnes qui affichaient haut et fort leurs pris es de position, leur volonté de ne pas rester neutres , souvent au prix de leur vie. Les défenseurs du Colle ctif portaient des gilets pare-balles, d’autres étaient accompagnés par des jeunes volontaires des «Peace Brigades 3 Internationalils évitaient de sortir seuls dans la rue de peur d’être» , victimes d’un attentat. Au bout de quelques mois, certaines prises de positions éthiquement contestables défendues par le Collectif, notamment le fait de ne pas con sidérer les enlè vements commis par les guérillas comme des crimes de guerre, commencèrent à nous étonner. Nou s nous sentions « tiraillée » entre la représentation de la Colo mbie que les avocats souhaitaient nous transmettre et la réalité qu’une connaissance plus approfondie du pays nous laissait percevoir. Ce n’ est qu’à l’issue de cette première expérience au sein d’un uni vers militant que nous avons éprouvé le besoin de mieux saisir la complexité de la situation colombienne. Au moment d’écrire ce livre, nous ne pouvons manquer de nous remémorer les réactions suscitées à l’annonce de notre sujet de recherche : les droits de l’homme en Colombie. Les personne s en Colombie étaient généralement partagées entre l’admiration et la compassion. En France, en revanche, ce sujet suscitait avant tout l’étonnement. Ef fectivement, réfléchir aux droits de l’hom me dans un pays où ils sont constamment bafoués peut paraître vain. Et pourtant, même si le pays est en proie à de nombreux phénomènes de violences, il n’est pas resté étranger aux dis cours des droits de l’homme. L’espace des droits fondamentaux est même devenu le domaine politique par ex cellence dans la mesure où les princ ipaux conflits se définissent par rapport à eux. La position des acteurs à l’égard des droits humains, leurs conceptions et usages de ces derniers dessinent en réalité les principaux clivages politiques. Malgré la violence, les droits de l’homme ont permis de maintenir un lieu d’échange. Même si le président Uribe s’est distingué de ses prédécesseur s en privilégiant l’option militaire face aux FARC, avec l’adoption en juillet 2005 de la lo i « justice et paix » offrant un cadre juridique aux paramilitaires démobilisés accusés de crimes contre l’humanité, le jugement de ces mêmes paramilitaires, la mise en place d’une « Commission Nationale de Réparation et Récon ciliation » (CNRR) en octobre 2005, la recrudescence des exécutions arbitraires, le scandale 4 des « faux-positif » qui éclabousse les forces armées depuis 2008 , les droits de l’homme continuent à figurer au centre des discussions politiques.
3 « Brigades de Paix Internationales » est une ONG qui promeut la non violence et qui a pour mission de protéger les défenseurs des droits de l’homme en situation d’insécurité dans des situations de conflit armé ou de violences. L’organisation possède une équipe de 35 volontaires en Colombie, 10 au Guatemala, 21 en Indonésie, 10 au Mexique et 6 au Népal. 4 Elle concerne en réalité des cas d’exécutions arbitraires réalisés par des militaires sur des civils, présentés ensuite comme des guérilleros tués au combat dans le but de « faire du chiffre ».
9 En outre, depuis le présiden t Virgilio Barc o (1986-1990), tous les gouvernements se sont efforcés de mettre en plac e des politiques publiques des droits de l’homme. En définitive, l’ampleur des atteintes contre les droits fondamentaux est allée de pair avec un recours abondant à la thématique des droits de l’homme. Dans cet ouvrage, nous avons souhaité nous interroger sur la relation particulière qu’entretient la Colo mbie avec le s droits de l’homme. Notre objectif est alors d’analyser, à travers l’exemple colombien, les significations politiques du recours aux droits humains dans un conflit. La manière avec laquelle le gouvernement colombien se rallie aux discours dominants sur la scène internationale mérite d’être soulignée. En effet, la Colombie n’est pas restée insensible au phén omène d’internationalisation des droits de l’homme qui débute aprè s la seconde guerre mondiale et contribue à l’instauration d’un système international de protection de s droits de l’homme. Même si ce système s’est institutionnalisé, il a été quasiment paralysé pendant la guerre froide, les droits de l’homme épousant les clivages de la scène politique internationale. La chute des régimes totalitaires , le dépérissement des espéranc es révolutionnaires, la crise de toutes les représentations de l’avenir, et notamment de l’idée de progrès, ont très logiquement coïncidé avec un retour en force de l’« idéologie des droits de l’homme ». Marcel Gauchet se réfère à l’avènement d’une nouvelle religion : « Le sacre des droits de l’homme est à coup sûr le fait idéologique et politique majeur de nos vingt 5 dernières années» . Dans les années 1990, la nouveauté ne rés ide pas seulement dans le succès des droits de l’homme mais dans le rôle que l’on compte leur faire jouer. On ne voit plus dan s les droits de l’homme une arme contre l’autre camp mais l’instrument de construction d’un nouvel ordre international. Les politique s étrangères des Etat s se trouvent redessinées par ces nouveaux principes et l’on assiste à l’émergence de ce 6 que David Chandler nomme des « politiques étrangères éthiques » . Force est de constater que la Colo mbie participe pleinement à cette nouvelle conjoncture internationale des droit s de l’homme. Ainsi, le gouvernement a souscrit la plupart des ac cords internationaux entre les années 1960 et 1980 . Les gouvernants érigent les droits de l’homme en nouveaux fondements de l’action politique . Les droits fondamentaux sont conçus comme des issues face au conflit, comme des instruments de « reconstruction ». Pourtant, on ne peut qu e constater le décalage entre l’adoption des principales dispositions juridiques internationales et les faits. Ces politiques des droits de l’homme semblent se heurter à la réalité du terrain : celle des violences et de l’intensification du conflit. Accentuation de la crise des droits de l’homme et inflation du recours aux droits de l’homme sont allés de pair.
5 M. Gauchet, « Quand les droits de l’homme deviennent une politique »,Le Débat, n°110, mai-août 2000, p.257. 6 D. Chandler, chapitre 3, « The attraction of ethical foreign policy »,From Kosovo to Kabul, Human Rights and International Intervention, London, Pluto Press, 2002, pp.53-88.
Voir icon more
Alternate Text