État et corruption en Afrique Une anthropologie comparative des relations entre fonctionnaires et usagers (Bénin, Niger, Sénégal) , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2007

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845868922

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

SOUS LA DIRECTION DE G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan
État et corruption en Afrique
Une anthropologie comparative des relations entre fonctionnaires et usagers (Bénin, Niger, Sénégal)
APAD - KARTHALA
ÉTAT ET CORRUPTION EN AFRIQUE
Mise en page :
Denise Bally (SHADYC, EHESS-CNRS).
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Éditions KARTHALAet APAD, 2007 ISBN : 978-2-84586-892-2
ÉTAT
SOUS LA DIRECTION DE G. Blundo & J.-P. Olivier de Sardan
ET
NAFRIQUE CORRUPTION E
Une anthropologie comparative des relations entre fonctionnaires et usagers (Bénin, Niger, Sénégal)
APAD Centre de la Vieille Charité 13002 Marseille
Karthala 22-24 boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
Étudier la corruption quotidienne : pourquoi et comment ?
G. BlundoetJ.-P. Olivier de Sardan
Cet ouvrage a pour origine deux ans d’enquêtes de terrain et d’enquêtes documentaires menées au Bénin, au Niger et au Sénégal, en 1999-2001, sur le thème de la « petite corruption quotidienne », banalisée et systémique, au 1 sein de la sphère publique (administrative et politique) . Les enquêtes ont concerné plus précisément les domaines suivants : les transports et la douane (dans les trois pays), la justice (dans les trois pays), la santé (au Bénin et au Niger), les marchés publics (au Bénin et au Sénégal), la fiscalité locale (au Sénégal), le traitement de la corruption dans la presse (dans les trois pays), les projets de développement (à travers l’exemple du « scandale » de la coopéra-tion italo-sénégalaise) et les politiques de lutte contre la corruption (dans les trois pays). L’équipe était composée de six chercheurs (originaires de cinq pays diffé-2 rents) et a utilisé les services de quatorze assistants de recherche formés par 3 nos soins sur le terrain . Les résultats de notre recherche ont d’abord été resti-tués et discutés dans les trois pays concernés, puis ils ont donné lieu à un
1. La Commission européenne et la DDC suisse ont assuré le financement de cette recherche, sur la base d’une proposition de recherche faite par notre équipe. 2. N. Bako Arifari, T. Bierschenk, G. Blundo, M. Mathieu, J.-P. Olivier de Sardan, M. Tidjani Alou. 3. A. Imorou, C. Nansounon, L. Adjahouhoué, A. Morat Lafia, R. Sariki, et A. Badou, pour le Bénin ; A. Moumouni (coordonnateur), H. Moussa, Y. Issa et A. Tidjani Alou pour le Niger ; P. Monteil, C. T. Dieye, A. Ndao, Y. Bodian pour le Sénégal. Les dépouillements documentai-res ont été faits par C. Akpovo, A. Tomon, E. Adjovi, M. Boucari (Bénin), A. Alborkirey, M. Boukar Maï Ali (Niger), Y. Bodian, C. Ba et M. Ndoye (Sénégal). Les laboratoires ayant servi de cadre à cette recherche sont le SHADYC (EHESS-CNRS, Marseille, France), le LASDEL (Niamey, Niger) et l’Institut d’Ethnologie de l’Université J. Gutenberg (Mayence, Allemagne).
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ÉTAT ET CORRUPTION EN AFRIQUE
4 rapport et à un numéro thématique de la revuePolitique Africaine(Blundo & Olivier de Sardan 2001b). Le présent ouvrage, publié simultanément en 5 anglais et en français , s’éloigne considérablement de ces deux publications antérieures, tant dans sa construction que dans son écriture, tout en incorpo-rant des analyses nouvelles et une bibliographie élargie et mise à jour. Il s’agissait alors de la première enquête de type socio-anthropologique systématique et approfondie, menée à l’échelle de plusieurs pays, sur le thème spécifique de la corruption quotidienne en Afrique. Nous avons utilisé les 6 outils classiques de la socio-anthropologie , mais avec quelques adaptations nécessaires, que nous allons présenter ci-dessous. Mais, tout d’abord, pour-quoi avoir choisi de travailler sur la corruption ?
Pourquoi étudier la corruption ?
Les chercheurs membres de l’équipe avaient déjà de nombreuses expérien-ces d’enquêtes dans les trois pays concernés, sur des thèmes relevant de la socio-anthropologie du développement ou de l’anthropologie politique : la décentralisation, les pouvoirs locaux, la santé publique, les projets de dévelop-7 pement, la gestion des ressources locales . Or, lors de ces enquêtes, les thèmes de la corruption et des dysfonctionnements administratifs étaient apparus de façon récurrente dans les propos de nos interlocuteurs. Au fil de nos travaux antérieurs, nous avions été confrontés constamment, sans le vouloir, à la ques-tion de la corruption. Mais nous n’avons jamais considéré que la corruption était un champ de recherche autonome, un construit scientifiqueper se. Nous n’avons jamais voulu fonder une quelconque sous-discipline dénommée « socio-anthropologie de la corruption ». Notre objectif n’a pas été non plus de « traquer » partout les pratiques administratives illicites. La corruption a été clairement pour nous, dès le début de notre recherche, une « porte d’entrée » vers d’autres phénomènes, un indicateur privilégié pour accéder à d’autres réalités, un véhicule pour aller plus loin, au sein de la routine des administrations et de l’État au quotidien, au
4. « La corruption au quotidien en Afrique de l’Ouest. Approche socio-anthropologique comparative : Bénin, Niger et Sénégal ». 5. En anglais :Everyday Corruption and the State. Citizens & public officials in Africa, Londres, Zed books, 2006. La présente édition est enrichie des chapitres 6, 8 et 9. 6. Par « socio-anthropologie » nous entendons une posture de recherche qui se réclame d’un double héritage : la sociologie « qualitative » (cf. école de Chicago) et l’ethnologie. 7. Cf. Bako 1995, 1999, 2000 ; Bierschenk 1988 ; Bierschenk, Chauveau & Olivier de Sardan 2000 ; Bierschenk & Olivier de Sardan 1997, 1998, 2003 ; Blundo 1994, 1995, 1996, 1998 ; Jaffré & Olivier de Sardan 2003 ; Mathieu 2002 ; Olivier de Sardan & Elhadji Dagobi 2000 ; Tidjani Alou 2000, 2001, 2002.
ÉTUDIER LA CORRUPTION QUOTIDIENNE
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cœur des relations entre services publics et usagers. Se sont ouvertes ainsi des perspectives fécondes pour une socio-anthropologie de l’État, des cultures professionnelles, des itinéraires administratifs ou encore de l’éthique de la fonc-tion publique, autrement dit pour ce que l’on pourrait plus généralement 8 appeler une « socio-anthropologie des espaces publics africains ». Le « fonctionnement réel » de l’État dans ces trois pays, au-delà des orga-nigrammes, des textes juridiques ou réglementaires et des déclarations politiques, est en effet très éloigné de son fonctionnement « officiel ». Sans porter nous-même de jugement de valeur, on peut parler d’un « fonctionne-ment informel généralisé ». Si l’on se réfère aux lois et règlements officiels, aux discours publics et aux attentes des usagers, il pourrait même être quali-fié de dysfonctionnement généralisé. Bien entendu, des perceptions généralement négatives de la part des usagers sont aussi le lot de toute « bureaucratie d’interface », même européenne ; c’est en effet une caractéristi-que presque structurelle des services publics que de susciter une demande disproportionnée par rapport à l’offre réelle ou d’ignorer, voire de mépriser, le temps des usagers (Lipsky 1980). Mais les situations concrètes observées au cours de notre étude incitent à ne pas classer les doléances de nos interlo-cuteurs comme de simples variantes locales des stéréotypes courants sur l’univers bureaucratique (cf. Herzfeld 1992). Ce « fonctionnement informel généralisé » ne signifie certes pas une absence totale de règles du jeu, ni que les pratiques corruptives relèvent d’une pure « loi du marché » ou de simples rapports de force. Bien au contraire, la corruption au quotidien est une activité sociale réguléede facto, de façon complexe, enserrée dans un ensemble de codes tacites et de normes pratiques. Ces codes tacites et ces normes pratiques sont fort différents des codes publics et des normes officielles ou légales, et ce fut l’objectif principal de notre enquête et de cet ouvrage que de les mettre à jour (car ils ne sont jamais expli-cités et sont souvent même inconscients). Les codes tacites et les normes pratiques à l’œuvre dans la corruption débordent largement celle-ci et touchent aux comportements habituels dans les administrations ou même dans les sociétés étudiées. Le « fonctionnement informel généralisé » de l’État sert de terreau aux pratiques corruptives, sans pour autant se confondre avec ces dernières. On ne peut par exemple tracer une frontière claire entre le « favoritisme », le clientélisme et le « piston », d’un côté, et les « arrangements » faisant intervenir des contreparties monétaires, de l’autre ; ou encore entre les commissions et gratifications légitimes, d’un côté, et les pots-de-vin ou les rançonnements illégitimes, de l’autre. Pour tenir compte de cette imbrication entre les pratiques corruptives et l’ensemble des pratiques « réelles » quotidiennes des services de l’État, nous
8. Cf. Olivier de Sardan 2006.
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ÉTAT ET CORRUPTION EN AFRIQUE
avons adopté, loin des définitions strictement juridiques, une acception aussi 9 large que possible du « complexe de la corruption », c’est-à-dire l’ensemble des pratiques d’usage abusif d’une charge publique (illégales et/ou illégitimes, du point de vue des normes ou du point de vue des usagers) procurant des avan-10 tages privés indus .Nous nous sommes en outre bien gardés de tracer une frontière entre ce qui était de la corruption et ce qui n’en était pas, de façon à pouvoir appréhender les liens entre les pratiques apparemment corruptives et les prati-11 ques apparemment non corruptives qui leur sont proches . Oscillant, comme on le verra, entre la dimension de l’échange et celle de l’extorsion, ces pratiques occasionnent des processus de redistribution informelle des ressources publi-ques et des formes de pouvoir et d’autorité, mais engendrent également des mécanismes d’inégalité et d’exclusion dans l’accès à ces ressources. La corruption nous permet ainsi d’accéder au cœur même des États afri-cains modernes, de leurs administrations, de leurs services publics. Apparemment périphérique, elle fournit un accès au centre. Cet enjeu de connaissance est aussi un enjeu social et politique. Le thème de la lutte contre la corruption et de la promotion de la « bonne gouvernance » revient comme un leitmotiv dans les débats sur la réforme des États africains et la définition de nouvelles politiques publiques. Bonne administration, responsabilisation des fonctionnaires et des élus, transparence et État de droit sont les mots-clefs de cette nouvelle forme de conditionnalité de l’aide, inspi-rée en particulier par le courant néolibéral. On a déjà souligné les limites, les biais idéologiques et les paradoxes de ces réformes anticorruption ou d’amé-lioration de la « gouvernance » : une approche normative et téléologique, mettant l’accent sur des solutions techniques « neutres » à des problèmes préa-lablement dépouillés de leur valence idéologique et politique (Ferguson 1990 ; Polzer 2001), une prétention universaliste à peine dissimulée, l’exalta-tion acritique et naïve d’une « société civile » érigée en contre-pouvoir d’un État toujours suspecté de dérives diverses (Szeftel 1998), une méconnaissance grave des réalités qu’on prétend réformer. Mais les critiques de la « bonne gouvernance », venant pour la plupart d’auteurs post-structuralistes ou déconstructionnistes du développement (cf. Escobar 1991, 1995 et 1997), se cantonnent à une analyse des discours et délaissent de ce fait les pratiques réelles et les processus locaux de récupération et de « détournement » des croi-sades internationales pour l’intégrité publique. Il faut rappeler que, en Afrique contemporaine, le « double langage » est roi, autrement dit que les
9. Cf. Olivier de Sardan 1999. 10. Cf. également la définition souvent citée de Nye, 1967. Les définitions et typologies rela-tives à la corruption abondent (sur ce sujet, cf. Blundo 2000). 11. Tracer une frontière aussi nette que possible entre pratiques est au contraire le propos central des approches juridiques (cf. Boltanski 1982 pour une stimulante comparaison à cet égard entre démarche juridique et démarche sociologique).
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