Déplacés de guerre dans la ville La citadinisation des deslocados à Maputo (Mozambique) , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2012

EAN13

9782811106294

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Jeanne Vivet
Déplacés de guerre dans la ville La citadinisation desdeslocadosà Maputo (Mozambique)
KARTHALA - IFAS
DÉPLACÉS DE GUERRE DANS LA VILLE
KARTHALAsur internet: http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
Couverture : Vue de labaixafévrier 2006de Maputo depuis Catembe, (Jeanne Vivet). La sculpture représentant desdeslocadosest l’œuvre d’un artisan mozambicain anonyme.
© Éditions Karthala et IFAS, 2012 ISBN : 978-2-8111-0629-4
Jeanne Vivet
Déplacés de guerre dans la ville
La citadinisation desdeslocados à Maputo
Karthala 22-24, bd Arago 75013 Paris
IFAS PO BOX 542 Newtown Johannesburg
L’IFAS
L’Institut français d’Afrique du Sud (IFAS), créé en 1995 à Johannesburg, assure la présence culturelle française en Afrique du Sud. Il est également un organisme de recherche en sciences humaines et sociales dépendant du ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) et destiné à stimuler et soutenir les travaux UNivERsiTaiREs ET sciENTiQUEs fRaNçais sUR l’AfRiQUE aUsTRalE. DEPUis avril 2007, l’IFAS est une Unité Mixte des Instituts Français de Recherche à l’Étranger, l’UMIFRE 25, dans le cadre d’un accord de partenariat entre le MAEE et le Centre National de la Recherche SciENTiQUE. SOUs l’aUTORiTÉ dE sON cONsEil sciENTiQUE, l’IFAS PaRTiciPE à l’élaboration et la direction de programmes de recherche en parte-nariat avec des institutions universitaires ou d’autres organismes de recherche dans les différentes disciplines des sciences sociales et humaines. L’Institut apporte également son soutien aux chercheurs travaillant sur la région pour l’octroi de bourses et de subventions dE REchERchE ET aPPUiE lEs ÉchaNGEs sciENTiQUEs avEc sEs PaRTE-naires sud-africains. Il gère une bibliothèque spécialisée, aide à la publication des résultats de recherche et organise des colloques et conférences. ’INsTiTUT PUbliE dEUx fOis PaR aN UNE lETTRE sciENTiQUE,LESEDI, disponible en ligne sur son site web.
InStItut FrAnÇAIS D’AFrIque Du SuD 66, Margaret Mcingana Street Po Box 542, Newtown 2113 Johannesburg Afrique du Sud
Tél. : + 21 11 836: + 27 11 836 58 5005 61 – Fax Courriel : secretariatrecherche@ifas.org.za www.ifas.org.za/research
Remerciements
Cet ouvrage a été réalisé à partir de ma thèse de doctorat en géogra-phie, soutenue en 2010 à l’Université de Paris-Ouest-Nanterre sous la direction du professeur Philippe Gervais-Lambony que je tiens à remer-cier ici très sincèrement, ainsi que tous les membres du Gecko et du dépar-tement de géographie, où l’ambiance fut toujours stimulante et sympa-ThiQUE. MERci à l’INsTiTUT FRaNçais d’AfRiQUE dU SUd ET à SOPhiE DidiER dE soutenir cette publication. Je remercie également Luc Cambrézy, Alain DUbREssON, VÉRONiQUE assailly-JacOb ET IsabEl raPOsO POUR avOiR lU, commenté et discuté le contenu de cette thèse.
À Maputo, Kanimambo !
Mes pensées vont d’abord aux citadins qui ont accepté de répondre à mes questions. Je leur adresse tous mes remerciements pour leur gen-TillEssE ET lE TEmPs QU’ils m’ONT cONsacRÉ. J’ai EssayÉ d’êTRE dÈlE à lEURs propos tout au long de cet ouvrage. Kanimamboà Julião et Matola, tout à la fois amis, interprètes et guides. Ces longues heures passées ensemble dans les transports, à sillonner les bairrosou assis à l’ombre dans les cours à discuter, m’ont aidée à com-prendre chaque jour un peu mieux le Mozambique et à l’apprécier toujours davaNTaGE. MERci à CaRlOs qUEmbO, QUi m’a OUvERT lEs PREmiÈREs PORTEs. Un immense merci aux familles Chicamisse et Mutisse, en particulier Uisa, ChicOU ET ZÉ POUR lEUR amiTiÉ, lEUR PaTiENcE iNNiE ET lEUR aidE. JE remercie aussi Helder Samo Gudo, qui m’a accompagnée en zone rurale, en tracteur, à pied ou en pick-up, et Bib et Nath, les meninas do Moçam-bique, qui ont ensoleillé encore davantage mes séjours tropicaux. À l’Université Eduardo Mondlane, j’adresse ma reconnaissance aux professeurs Manuel Araújo, Inès Raimundo et JoãoTique pour leur aide précieuse lors de mes différents séjours.
À Johannesburg, Thank you
ÀLoren Landau pour sa disponibilitéet noséchanges toujours intéres-saNTs. MERci à l’IFAS POUR lE NaNcEmENT dE mEs PÉRÉGRiNaTiONs vERs Maputo ou Luanda.
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DépACéS De guerre DAnS A VIe
À Lisboa, Obrigada !
Je remercie sincèrement Cristina Henriques et Isabel Raposo de l’Uni-versité d’Architecture qui m’ont aidée quand je défrichais le terrain. Merci à Marzia Grassi de l’Institut des Sciences Sociales qui m’a encouragée pour réaliser cette publication.
À Lyon, Merci
À toute l’équipe de l’ENS pour m’avoir permis de rédiger ma thèse dans de bonnes conditions, et en particulier à Myriam Houssay-Holzschuch qui me suit et m’encourage depuis mes premiers terrains africains. À Emmanuelle Peyvel et à Yann Calberac pour leurs relectures attentives et stimulantes.
À Paris, Un grand merci
À Virginie, Emmanuelle, Estelle, Morgane, Narguesse,Thomas et Alcidio,àl’ensemble du«BLR Crew». ÀRomain Imbach pour la réalisation de ces belles cartes. Un grand merciàAmandine Spire et Karine Ginisty, avec qui j’ai par-tagéde nombreuses expériences de terrain. Merci pour leurs relectures, pour nos discussions passionnantes et toujours passionnées. Merci d’avoir donnéune dimension collective, partagée et amicaleàcette expérience parfois solitaire qu’est la recherche.
À Luanda, Oslo, Paris et Lisbonne MERci à DidiER
JE REmERciE ENN ma famillE, PaRTicUliÈREmENT mEs PaRENTs POUR lEUR soutien indéfectible, et tous les frères et sœurs de la tribu Vivet, qui m’en-couragent et sont toujours présents, de Paris,Épinal, Tananarive ou New DElhi.
Introduction
Janvier 1998, dans la « zona baixa» 1 duairro Polana Caniço Aà Maputo
Les ouvriers du chantier de construction de la résidence de luxe Sommerschield II dans le quartier de Polana Caniço A mettent en route les bulldozers destinés à raser les paillotes de roseau et les maisons de par-paing des anciensdeslocados de guerra(déplacés de guerre), installés là depuis dix ans. Nous sommes à trois cents mètres de la fameuse Avenida Marginal qui s’étire le long de la baie de Maputo. C’est sur ces terrains en pente soumis à l’érosion que lesdeslocadosavaient trouvé une place pour (re)construire leur maison. Celles-ci s’effondrent rapidement sous l’effet des puissantes machines. En quelques minutes, il ne reste qu’un paysage de ruines : blocs de parpaings, gravats, tiges de roseau ; en revanche, plus une tôle. Les anciens déplacés ont récupéré ce qu’ils pouvaient avant leur départ forcé et leur réinstallation en périphérie. Les ouvriers déblaient le terrain pour dégager les décombres et préparer les fondations des futures villas de luxe destinées à l’élite mozambicaine et expatriée. On entend un bruit métallique ; un bulldozer bute sur quelque chose de dur, une kalach-nikov. Ce seront des dizaines de kalachnikovs que les ouvriers découvri-ront enfouies sous terre. eN aRRivaNT EN villE à la N dEs aNNÉEs 1980, chaQUE famillE a PlaNTÉ un arbre sur sa parcelle et certainsdeslocadosont aussi enterré les armes qu’ils avaient pu emmener à Maputo lors de leur fuite vers la capitale. Certains d’entre eux avaient été membres de milices d’auto-défense durant la guerre civile (1976-1992) et il y avait encore beaucoup d’armes en circulation au Mozambique au début des années 1990. Après avoir cons-truit leur maison et reconstruit leur vie en ville, tant bien que mal, les deslocadosn’ont pas récupéré ces armes enfouies sous terre, symboles d’un passé douloureux. Racines métaphoriques des quartiers nés de la guerre, ces kalachnikovs sont exhumées dix ans plus tard, après que leur « chez-soi»a été détruit, une fois encore, pour pouvoir couler le béton des fondations de maisons d’un autre genre. C’est tout un passé, symbo-
1. Cette histoire m’a été racontée par le gérant ducondominio fechadoSommers-chield II, qui a coordonné les travaux de construction de la résidence (Entretien Polana Caniço A, juillet 2009). Lescondominios fechadossont des résidences sécurisées privées haut de gamme.
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DépACéS De guerre DAnS A VIe
lisé par ces kalaches rouillées, qui réapparaît alors, avant de disparaître totalement. Au-delà de l’anecdote, cette histoire met d’emblée en lumière certains enjeux propres à la citadinisation et au « droit à la ville»des populations QUi fURENT dÉPlacÉEs à MaPUTO dURaNT la GUERRE civilE. Dix OU viNGT aNs après avoir trouvé refuge sur des espaces peu propices à l’installation humaine, ces hommes et ces femmes ont subi une nouvelle mobilité forcée, qui témoigne des transitions économiques et politiques plurielles qu’ont connues le Mozambique et sa capitale. Ils se retrouvent ainsi relé-gués en dehors de la ville. Ce travail, centré sur les populations déplacées pendant la guerre civile, se propose d’analyser la construction de leurs ciTadiNiTÉs, dEPUis lEUR aRRivÉE à MaPUTO à la N dEs aNNÉEs 1980, jUsQU’à aujourd’hui.
Déplacements forcés et citadinités
L’étude de la citadinisation desdeslocadosà Maputo, entre géographie URbaiNE ET GÉOGRaPhiE dEs miGRaTiONs, s’iNscRiT daNs UNE RÉLExiON ThÉO-RiQUE sUR la ciTadiNiTÉ d’UNE PaRT ET UNE RÉLExiON sUR lEs liENs ENTRE mObi-lités et territoires d’autre part, liens qui sont plus souvent analysés sous l’angle des mobilités non forcées. Les mobilités forcées transforment et recomposent les liens des hommes à leur territoire d’origine et à leur terri-toire de refuge. Ces mobilités sont une réponse à une situation de crise aiguë, étroite-mENT assOciÉE à dEs cONLiTs aRmÉs. V. assailly-JacOb dÉNiT la mObiliTÉ forcée comme « un mouvement de population qui n’est pas le fruit d’une stratégie, d’une dynamique, d’une pratique préétablies, mais qui résulte d’une crise brutale dont l’ampleur est telle qu’elle ne peutêtre résolue que par la fuite ou le transfert vers d’autres lieux ; un déplacement qui n’est pas induit par la recherche d’un “ailleurs prometteur”, mais par des forces d’expulsion ; une mobilité qui n’est pas “structure” ou “continuité”, mais “rupture” ou “cassure” dans le fonctionnement d’une société et qui repré-sente l’arrachement d’une populationàdes lieux familiers»(1998 : 6). La coercition, la soudaineté et la rupture sont trois éléments caractéristiques de la mobilité forcée, discontinuité radicale déterminant un avant et un après dans la vie des personnes déplacées. Sur un plan plus empirique, cette recherche met en perspective les mobilités forcées des déplacés par rapportàl’ensemble des mobilités durablement constituées dans le sud du Mozambique, par rapport aux mobilités forcées liéesàla guerre d’indépendance etàla villagisation, et ENN PaR RaPPORT aUx mObiliTÉs cONTEmPORaiNEs POsT-cONLiT, aN d’ENvi-sager les éléments de rupture et de continuité de ces différentes mobilités. Ce travail analyse et présente également certaines dynamiques urbaines
IntroDuCtIon
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contemporaines de Maputo, peu connues dans le monde francophone (Lachartre, 2000). Cet ouvrage interroge les liens entre déplacements forcés et citadinités en posant les questions suivantes : comment devient-on citadin après la fUiTE ? qUEllEs ciTadiNiTÉs ÉmERGENT à l’aUNE dEs ExPÉRiENcEs viOlENTEs QUi ONT ENTRaîNÉ la dÉTERRiTORialisaTiON dE cEs POPUlaTiONs ? DaNs QUEllE mEsURE la déterritorialisation et la fuite constituent-elles des expériences centrales pour comprendre les modes d’ancrage en ville ? J’utilise le pluriel pour QUaliER dÉPlacEmENTs ET ciTadiNiTÉs, caR il N’y a Pas UN, mais sOUvENT plusieurs déplacements successifs ; entre la campagne et la ville et égale-ment à l’intérieur de la ville, quand les anciens déplacés sont de nouveau cONTRaiNTs à la mObiliTÉ sUiTE à dEs OPÉRaTiONs dE dÉGUERPissEmENT. DE mêmE, jE mONTRE ici QUE la divERsiTÉ dEs PROls, dEs TRajEcTOiREs ET dEs expériences de chacun conduit à l’émergence de citadinités plurielles caractérisant les modes d’être en ville, les pratiques et représentations de ces anciens déplacés. Pour saisir l’impact de la mobilité forcée, de la déterritorialisation et du contexte de guerre civile sur le processus de cita-dinisation, il faut comparer la citadinisation des déplacés avec celle d’aUTREs miGRaNTs. CE TRavail PRÉsENTE dONc UNE RÉLExiON sUR la dichOTOmiE entre migrants forcés et non forcés en analysant les modes d’ancrage et les constructions territoriales et pas uniquement les causes du déplacement. En effet, la déterritorialisation liéeàla guerre ainsi que le contexte d’ar-rivée des déplacés dans une ville en crise engendrent des territorialisations et des modes d’habiterla villE QUi sONT sPÉciQUEs à biEN dEs ÉGaRds. Pour répondreàces questions, des travaux issus de champs de recherche relativement cloisonnés sont mobilisés : lesRefugee Studies(et plus géné-ralement lesForced Migration Studies) et les études urbaines. Peu de travaux ont croisé la littérature sur les mobilités forcées, les migrations ville-campagne plus « classiques»et la littérature existant sur la citadinité et l’urbanisation dans les pays du Sud. Les « Refugee Studies»consti-tuent un champ de recherche pluridisciplinaire (composé de juristes, sociologues, anthropologues, politistes, géographes) largement porté par les anglophones. Les bailleurs anglais, nord-américains et scandinaves qui NaNcENT cEs REchERchEs ONT POUR ObjEcTif d’alimENTER ET d’amÉliORER lEURs décisions politiques et stratégiques, ainsi que le système de réponse aux crises humanitaires provoquées par les déplacements forcés. LesRefugee Studiesont donc un caractère appliqué et de nombreux chercheurs sont impliqués dans des consultances pour des bailleurs ou des organismes 2 internationaux de protection des migrants forcés . LesRefugee Studiesse sont progressivement élargies au-delàde la catégorie juridique du réfugié, qui regroupe environ 15,4 millions d’individus (UNHCR, 2011) pour s’in-
2. Plusieurs revues sont spécialisées sur ces thèmes (Forced Migration Review, Refugee Survey Quarterly, publié par Oxford en partenariat avec le HCR,Journal of Refugee Studies, publication indépendante duRefugee Studies Centre, pôle de recherche sur les migrations forcées de l’Université d’Oxford).
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