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Français
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2016
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Publié par
Date de parution
25 mars 2016
Nombre de lectures
4
EAN13
9782342049954
Langue
Français
La présence de la mère est prépondérante dans la tragédie racinienne. Serait-ce un hasard ou une recherche subliminale de la nature de la mère ? Les études de C.G. Jung montrent l'importance de la perception de la mère aux yeux de l'enfant, les unes étant des « mères aimantes », les autres des « mères terribles ». De "La Thébaïde" jusqu'à "Bérénice" la « mère terrible » semble avoir pris le dessus, mais à divers degrés. "Bajazet" échappe de justesse à la problématique, mais dès "Mithridate" la « mère aimante » se manifeste, soit par sa bienveillance, soit par son amour indélébile, soit par une réhabilitation morale inattendue. C'est ce parcours psychologique, propre à Racine, que le présent ouvrage cherche à élucider.
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Date de parution
25 mars 2016
Nombre de lectures
4
EAN13
9782342049954
Langue
Français
Thématique de la mère dans la tragédie racinienne
Constant Venesoen
Connaissances & Savoirs
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Thématique de la mère dans la tragédie racinienne
Avant-propos
Pourquoi entreprend-on une étude sur le théâtre de Racine ? Est-ce étourderie, audace, ignorance ou goût du risque ? La bibliographie de Racine est parmi les plus riches au monde : tout a été dit, examiné, épluché, psychanalysé. Des éditions innombrables, des études par milliers, incluant les articles qui lui ont été consacrés, tout pointe vers l’impossible tâche de dire du neuf au sujet de Racine. Restent l’angle, le point de vue, l’attrait du thème, le regard, l’approche (excusez l’anglicisme), l’optique, et toute autre analyse, alambiquée ou rationalisée, propres à ouvrir les portes au monde racinien. Pourquoi cet engouement, cette séduction, cette soumission à un texte clair qui cache des secrets que l’on veut découvrir pour soi, plus que pour les autres ? C’est que l’œuvre tragique de Racine est un véritable aimant dont l’attraction irrésistible, comme les Sirènes, invite « à se jeter à l’eau » L’œuvre de Racine a mille visages dont chacun veut explorer le sourire, l’angoisse, les rides. Racine fait appel, à son insu, à la sensibilité propre à l’individu. Chacun éprouve son Racine, à l’aide de l’autre, certes, mais surtout au gré d’une sensibilité personnalisée. Il n’y a pas de « vrai Racine » qui éliminerait tous les autres. Il y a des Racine qui alimentent l’imagination critique de tout un chacun, qui enflent les richesses communes des connaissances, qui sont irrésistibles et justifient l’entrée dans l’antre du mystère. Ma carrière a été traversée par des jeunes gens, garçons et filles, qui voulaient faire une thèse doctorale sur le théâtre de Racine. J’eus beau leur dire qu’ils s’attaqueraient à un « gros morceau », mais rien ni fit : ils ou elles étaient déterminés, les uns voués à la réussite, les autres à l’échec. Mais quelle que fût l’issue, « l’expérience Racine » les avaient enrichis et firent d’eux des aficionados à vie. Voilà le mystère de Racine auquel j’ai succombé deux fois déjà, avec un succès mitigé mais néanmoins satisfaisant, sinon pour les autres, du moins pour moi. Étonnamment, ou non, mes deux ouvrages ont un point en commun : souligner la mansuétude de Racine devant l’évidence du mal, dans Racine et le procès de la culpabilité 1 , daté de 1981. Puis dans un essai en 1987, consacré au Complexe maternel dans le théâtre de Racine 2 , reconnaître l’importance de la femme et de la mère dans l’œuvre de Racine, et y déceler une fois de plus cette bienveillance de l’auteur. Les héroïnes raciniennes m’ont toujours paru être les personnages les plus fascinants, et les plus attachants, et particulièrement dans les rôles de mère. Ce sont en quelque sorte les deux études du passé qui sont à l’origine du présent livre intitulé Thématique de la mère dans la tragédie racinienne. On remarquera une inégalité de longueur des chapitres consacrés aux tragédies de Racine. Il s’agit avant tout d’un indice et d’un index de mes préférences.
Un mot sur le choix de l’édition de l’œuvre de Racine. Il y a eu des éditions remarquables, comme celle de Paul Mesnard, de Raymond Picard, de Jean-Pierre Collinet, et j’en passe. Celle toutefois qui nous a particulièrement séduit est l’édition de Georges Forestier, tome 1, une mine inépuisable du corpus racinianum 3 , éblouissante par l’érudition et la profondeur des analyses. Ce qui nous a également attiré, c’est que l’édition de Georges Forestier offre le texte original des tragédies lors de leur première publication. En d’autres mots, le texte initial que Racine a écrit, et non celui qu’il aurait voulu écrire vingt ou trente ans plus tard, comme dans l’édition de 1697, deux ans avant sa mort. Un détail sans doute, mais qui vient à point lors de l’étude d’ Andromaque. Enfin, un mot sur la nouvelle édition parue chez Garnier, signée Alain Viala et Sylvaine Guyot. Nous n’avons pas eu l’occasion de consulter cette édition, mais le commentaire nourri de Maxime Cartron, « (Ré)éditer Racine », Acta fabula , vol. 15, n° 5, Éditions, rééditions, traductions, mai 2014, URL, nous a suffisamment renseigné sur la qualité exceptionnelle de cette édition qui de toute évidence projette de nouvelles lumières sur l’œuvre de Racine 4 . On voudra bien nous excuser cette lacune dans notre bibliographie.
Introduction
Une vérité à la Palisse, c’est que le théâtre de Racine est essentiellement un théâtre de femmes, moins par l’abondance que par l’importance. Toutes les femmes de Racine sont nuancées, parfois complexées, passionnées, émotives ou combatives. Elles ont toutes une personnalité captivante, une féminitude séduisante, même si parfois elles sont redoutables ; elles ont des élans d’amour imprévisibles, virevoltants, exigeants, même irascibles. La femme racinienne attire l’attention et la curiosité. Sur la scène elle jette une ombre embarrassante sur les hommes qui l’entourent et qui font souvent pâle figure de pantins manipulés. Le seul homme qui soit à la hauteur de la psyché des femmes est le triste Néron, impulsif comme peut l’être une femme, indécis et craintif, exhibant toutes les caractéristiques caricaturales, soit d’un enfant pubère et évasif, soit d’un jeune homme à la recherche de son identité sexuelle Nous ne nous attarderons pas ici en détail à toutes les faiblesses d’âme et de cœur des héros de Racine. Alexandre, pavanant et indécis, Taxile, pleutre et chancelant. Dès la deuxième tragédie de Racine, la virilité est rarement au rendez-vous. Ensuite, Pyrrhus qui parle mal d’amour, ou réagit à la hussarde ; ou Oreste désaxé et incapable même de frapper Pyrrhus. Britannicus qui a besoin d’une épaule pour pleurer, et forcément Néron. Tite l’indécis et l’amant sans tripes, Bajazet, à qui Racine prétend avoir donné une vraie colonne vertébrale, mais qui a constamment recours aux faux-fuyants, voire au mensonge. Xipharès qui renie sa mère pour plaire à son père. Agamemnon, la poupée de Calchas, incapable de sauver sa fille qui lui tient tête sans rougir. Hippolyte (le misogyne légendaire), craintif et désarmé devant la fougue amoureuse de sa belle-mère. Thésée, le cocu imaginaire, qui causera indirectement la mort de son fils. Le tableau des hommes est terne et seules les femmes y apportent quelque intensité. Çà et là, il est vrai, quelques mâles se manifestent : au premier rang, Polynice et Etéocle, à la rigueur Hémon qui fait surtout de la figuration intelligente. Pharnace, le frère de Xipharès, qui n’a pas froid aux yeux, mais dont l’importance dans Bajazet est minime. Mithridate, fidèle à son image de guerrier, mais infidèle à sa légende. Ulysse et Hector, au deuxième rang, qui jouent des rôles de soutien, enfin Joad dont la masculinité s’exprime par la voix tonitruante de Dieu. Arrêtons ici ce massacre sans méchanceté.
Les femmes dominent dans chaque œuvre, qu’elles soient aimables ou redoutables. Parmi celles qui effraient mais captivent l’attention, on trouve Jocaste, Hermione, Agrippine, Roxane, Athalie, même Œnone, nourrice maternelle, mais à laquelle nous ne nous attarderons pas. Parmi celles qui touchent nous retenons Antigone, Andromaque, Bérénice, Monime, Clytemnestre et sa fille Iphigénie, Phèdre, Aricie et Esther. C’est elles qui occupent la scène, qui font pleurer et qui bouleversent leur public ou leur lecteur.
Notre présente étude ne concerne que quelques-unes de ces femmes, toutes magistrales, émouvantes ou détestables, mais vibrantes de vérité. Ce sont les représentations de mère qui nous ont séduit, car elles traversent l’œuvre de Racine comme l’incarnation d’un leitmotiv troublant qui révèle le ou un secret subliminaire du monde intime de Racine. Loin d’être à la « recherche du temps perdu », nous sommes surtout à la recherche d’un complexe maternel qui semble avoir hanté Racine tout au long de sa vie.
Un peu d’Histoire
Jean Racine est né en décembre 1639 5 . À l’âge de deux ans il devient orphelin de sa mère, Jeanne Sconin. Deux ans plus tard, en 1643, Jean Racine, son père, meurt. Agnès Racine, sa tante, qui s’était occupée de son neveu après le décès de Jeanne Sconin, entre à Port-Royal en 1642. Apparemment son désir de se consacrer à Dieu l’avait emporté sur ses devoirs de tutrice. La veuve du père de Racine, Madeleine Vol, ne semble pas avoir eu de meilleures dispositions envers un enfant de quatre ans. C’est donc son grand-père paternel, Jean Racine, et sa femme, Marie des Moulins 6 , qui le prennent sous leur aile. En 1649, alors que Racine avait dix ans, son grand-père meurt et Marie des Moulins se retire à Port-Royal. Ne parlons pas d’un désistement moral, mais d’une décision dictée par la mort de l’époux dont le souvenir prend le dessus sur les obligations dites maternelles. On ne peut s’empêcher de penser à Andromaque… Enfin, toutes les bonnes âmes de Port-Royal, mues par la charité chrétienne plus que pas l’amour, accueillent l’orphelin, où il pourra s’épanouir intellectuellement et, surtout, spirituellement, au service de Dieu. Dès son enfance Racine était destiné au clergé. On devine et on connaît les déceptions de Port-Royal…
La première réflexion qui s’impose, c’est que Racine en sa jeunesse passe d’une tutelle à l’autre et n’a donc jamais vraiment connu la permanence de la chaleur maternelle, ni l’attachement absolu d’une mère à son fils. Il est vrai qu’il a exprimé sa reconnaissance à son