69
pages
Français
Ebooks
2015
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2015
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Publié par
Date de parution
23 novembre 2015
EAN13
9782312037394
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
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Date de parution
23 novembre 2015
EAN13
9782312037394
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
SOS HAKUNA MATATA
Thierry Amougou
SOS HAKUNA MATATA
Roman d’un imaginaire tiersmondiste du monde
LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03739-4
Avant-Propos
Donner une image du monde dépend à la fois de nos avis personnels, de nos origines et de la place que nous occupons dans ledit monde. Originaire du Cameroun, un pays de ce qui est généralement appelé le Tiers-Monde, vous avez entre les mains un roman sur un imaginaire tiers-mondiste du monde.
Comment un homme issu d’un pays sous-développé, ayant fait de hautes études universitaires et professeur dans une université occidentale lit-il le monde et ses problèmes à l’heure de la mondialisation ?
Ce roman ne donne nullement des solutions aux problèmes du monde contemporain. Il essaie, en forçant le trait de la réalité, en l’extrapolant de façon inquisitrice par moment, et en empruntant au fantastique par endroits, de faire réfléchir, de faire rire et de reconsidérer nos certitudes sur le sens de l’histoire et ce que le quotidien nous présente comme du progrès.
Nous vous invitons donc à faire avec nous un voyage à la fois réel et imaginaire où l’Afrique réelle, fantasmée, coloniale, indépendante, pauvre, riche, moderne et sauvage, la nature, l’Europe, l’Occident, les migrants, Lampedusa, la mondialisation, le développement durable, Tchernobyl, Fukushima, l’économie, les organes, les atomes et les choses entrent en délire, se dérèglent, entrent en dialogue critique et en télescopage avec les divagations d’un esprit qui va au bout de ses espoirs, peurs et craintes sur le monde. Un esprit qui cherche HAKUNA MATATA, Monde sans soucis.
I
D ÉBUT 9025 : LE MONDE , NOTRE « SHAMBA {1} »
Le feu pleuvait dru, serré, alerte et volontariste. C’était la jubilation sensuelle et dansante des larmes du diable en furie. Il s’était donné rendez-vous avec la pluie, le soleil et le vent, sacré mélange de la matière en jubilation dans le cœur nucléaire du monde en fusion.
Le raphia brûlait depuis quelques instants autant que toutes les grenouilles prisonnières sous son écorce friable. C’est le signe d’un emballement sans discernement des éléments.
Le feu rugissait et sifflait son plaisir de calciner, d’écrabouiller, de griller et de triturer tiques, nids d’oiseaux et gastéropodes enfouis sous les feuilles étirées, crénelées et épineuses du palmier raphia.
Les vers blancs, si succulents une fois assaisonnés aux ingrédients bantous, explosaient dans les entrailles du tronc-oléoduc du palmier. Ils y répandaient de la soupe organique. La soupe hyper protéinée de leur corps unicellulaire de mollusque. Le résultat donnait une choucroute au vin de raphia protéiné. Seul manquait l’« Essok {2} », épaisse écorce jaunâtre, amère et friable qui rehausse le vin de palme. Une écorce amère parce que masculine.
Oui, les sons, les senteurs, les goûts, les attitudes et les mets ont des sexes en Afrique.
Le féminin est sucré et l’amertume masculine. Le masculin reste au village alors que le féminin s’en ira un jour avec son futur amoureux.
Se souvenir d’un village africain est donc automatiquement se souvenir d’un territoire de papa car être un homme en Afrique c’est prendre femme et amener celle-ci dans son village natal car c’est l’homme qui reproduit le lignage et le territoire.
Mon village paternel était encore un endroit où les automobiles passaient très peu car les pistes étaient dans un état désastreux et pas grand monde n’avait une automobile. Les cassis étaient un calvaire en saison sèche et les flaques d’eau décourageaient les plus téméraires des automobilistes en saison des pluies.
C’était tout de même un univers joyeux. Nos jouets étaient des voiturettes en cœur de raphia relié aux épingles de bambou. C’était aussi des lance-pierres fabriqués par nous-mêmes.
Les folles courses derrière les moutons et les chèvres étaient le clou de la journée dans cet endroit où, avec un ballon artisanal fabriqué à base de vieilles écailles enroulées et badigeonnées de latex cueilli dans la forêt, nous jouions parfois au football entre les cours et les allées des cases avec des partenaires très difficiles à battre car ils consistaient parfois en murs voisins, arbres fruitiers et greniers dont la caractéristique était de ne jamais rater de renvoyer un ballon.
Nous étions donc obligés d’être habiles face à de tels adversaires.
Ce village était aussi celui où la case de ma mère et des autres femmes était appelée la cuisine, alors que le salon désignait celle de papa et des hommes. Il était interdit aux hommes d’être trop fréquemment dans la cuisine s’ils souhaitaient garder leur femme ou se marier au cas où ils étaient encore célibataires. Il valait mieux pour eux qu’ils montrassent qu’ils étaient de vrais mâles en s’écartant des « préoccupations féminines ». Ceux qui ne respectaient pas cette règle couraient le risque de devenir la risée du village et de la contrée. Ils étaient traités d’hommes trop enclins aux activités culinaires. En Afrique cela veut dire des hommes efféminés fourrant trop leurs nez dans les affaires des femmes. De tels hommes gardaient difficilement leurs femmes ou demeuraient célibataires au cas où ils n’étaient pas encore mariés. Aucune femme ne souhaitait les garder ou les avoir comme époux.
En effet, être un homme trop enclin aux activités culinaires était un scandale par rapport aux coutumes africaines faisant d’un homme la poutre capable de tenir le foyer dans tous les domaines de la vie quotidienne. La division du travail en vigueur dans notre village était assez claire et stricte : un homme ne faisait pas la cuisine, ne lavait pas les vêtements, ne portait pas les bébés, ne les changeait pas, ne pleurait jamais même s’il avait une douleur ou de la peine. Pleurer était réservé aux femmes et aux enfants car c’était un signe de faiblesse et d’immaturité.
Ainsi, quand je me faisais mal en jouant au football et que je me tordais de douleur, mon oncle me disait avec sévérité et insistance : « tape ton pied par terre, un homme ne pleure jamais ! ».
Et quand je supportais stoïquement une douleur, il me disait avec des yeux pleins de fierté : « tu es un homme mon petit ! ».
De même, un homme n’allait pas au marché, ne mangeait pas des choses très sucrées, mais plutôt amères question de garder sa virilité et sa vigueur sexuelle.
La forêt africaine pullule d’écorces d’arbres, de fruits et de feuilles très performantes dans ce domaine longtemps avant le viagra.
Un homme ne devait pas se montrer trop préoccupé par son apparence physique et son hygiène corporelle. Chez nous un vrai homme devait sentir le bouc !
Les privilèges des femmes étaient non seulement le contraire des interdictions faites aux hommes, mais aussi tout ce qui pouvait les féminiser. Elles ne sont pas les premiers recours par exemple pour chasser le gibier, abattre des arbres, bâtir des cases, cueillir du vin de palme, jouer au tam-tam, défricher des parcelles, fendre du bois, creuser des puits ou des tombes : ce sont des tâches d’hommes incompatibles avec ce que représente une femme en Afrique traditionnelle.
Il y avait cependant des tâches communes comme la pêche, la récolte des arachides ou la cueillette des cabosses de cacaoyer.
Les outils de travail étaient aussi sexuellement répartis. Si la lime était un instrument commun, houes et machettes légères revenaient aux femmes alors que haches, plantoirs, pioches, machettes lourdes et tronçonneuses étaient réservés aux hommes.
Les enfants et les femmes étaient astreints aux pires interdictions notamment dans le domaine alimentaire. Les enfants ne devaient pas manger les œufs. Ils étaient réservés aux prêtres et aux adultes. Les enfants ne mangeaient pas les serpents eux aussi réservés aux adultes. Celui d’entre nous qui tuait une vipère et la mangeait sans autorisation de ses parents, allait dans sa vie future, développer les mêmes qualités que la vipère. Il allait devenir lent, paresseux et très amorphe vis-à-vis des femmes.
Nous étions obligés de laver les tripes d’animaux tués pendant les fêtes de fin d’année. C’était un mets spécial exclusivement destiné à nos pères, grands frères et grands oncles : c’est une nourriture d’adultes et non d’enfants disaient-ils devant notre regard gourmand et envieux. Par contre les cannes à sucre et divers autres fruits de la forêt pouvaient être mangés par les garçons et les filles. Les oiseaux tués au lance-pierre ou au moyen d’autres pièges ne pouvaient être mangés que par les gar