Paroles d’experts Études sur la pensée institutionnelle du développement , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2006

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845867387

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Jean-François Baré
Paroles d’experts
Études sur la pensée institutionnelle du développement
KARTHALA
PAROLES D’EXPERTS
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
¤Éditions KARTHALA, 2006 ISBN : 2-84586-738-7
SOUS LA DIRECTION DE Jean-François Baré
Paroles d’experts
Études sur la pensée institutionnelle du développement
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Ce livre est dédié à la mémoire de la géographe Doryane Kermel-Torrès, brutalement enlevée à notre amitié le 14 juillet 2005.
1
L’INTERVENTION DE DÉVELOPPEMENT COMME ACTIVITÉ INTELLECTUELLE
JEAN-FRANÇOIS BARÉ
Ce livre réunit un ensemble d’études de cas concernant la manière dont des fonctionnaires et cadres du « développement » pensent leur action, ou plus exactement sur la manière dont cette pensée, inexorablement encadrée par des règles institutionnelles, inexorablement confrontée à des contextes historiques et géographiques donnésconstitueleur action. Il véritablement résulte des travaux d’une unité de recherche pluridisciplinaire de l’Institut de recherche pour le développement, elle-même 1 associée à différentes institutions , auxquelles il a exclusivement fait appel. La vocation centrale de ce groupe est de décrire les problèmes (et les réussites) de l’intervention publique pour le développement (que l’on décompose traditionnellement en politiques, programmes, et projets) ; il en résulte immédiatement une vocation plus appliquée, inséparable de cette vocation générale, celle de contribuer à la discussion méthodologique sur l’évaluation de l’intervention publique de développement. Il nous a paru en effet surprenant que dans la somme considérable de commentaires et d’analyses concernant l’aide publique au développement, depuis que cette expression est compréhensible, il ait été fait si peu de place à des témoignages directs sur ces longues suites « d’acquis empiriques » (ci-
1. L’unité R102, « Intervention publique, espaces, sociétés », qui rassemble des programmes d’anthropologie/sociologie, géographie, politologie et histoire.
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dessous) d’essais et erreurs, de doutes, de compétitions hiérarchiques et de problèmes de définition qui constituent pourtant le tout venant de la pratique quotidienne des fonctionnaires et cadres du développement, pour peu qu’on les 2 écoute . Des cadres ONG aux vice-présidents de la Banque mondiale, ces gens làpensent. Peut-être pensent-ils bien ou mal, il est souvent difficile de le dire sans contestation possible ; mais, malgré les chaînes hiérarchiques omniprésentes (y compris chez des ONG pourtant souvent pénétrées d’une sorte d’anarchisme diffus à un moment de leur histoire), on ne peut traiter ni les uns ni les autres comme de pures médiations instrumentales d’un projet fantasmatique à la Pirandello, situé dans une sorte d’Empyrée inatteignable, celui de personnages en quête d’auteurs. Ces gens-là sont des gens comme vous et moi, ils pensent dans le cadre de « référentiels » indécis, sujets à interprétation, et c’est bien pourquoi ils pensent. Cette constatation assez benoîte ouvre sur des perspectives sociologiques des plus classiques, sur les « champs » de 3 Bourdieu , sur la question de savoir avec Mary Douglas comment pensent les institutionsCar, sans institutions (2004). de régulation, ou d’instititutions au sens du droit, il n’est pas d’aide au développement. Mais bien que les collaborateurs de ce livre aient sans doute vocation au débat théorique, nous avons choisi de ne pas noyer la variété des expériences dans le bain de l’approche théorique ; on peut douter en fait qu’un certain empirisme revendiqué ici soit radicalement antagoniste à l’approche théorique, car il est de grandes choses (générali-sables) dans les petites choses (les cas d’espèce, justement). C’est, pour moi, une bonne définition de l’induction au sens logique. On peut d’ailleurs douter que la pensée du développe-ment, à supposer qu’on puisse discerner à cet égard un corpus cohérent, ne soit pas réductible à un tout petit nombre de
2. Le notable travail de l’équipe de Michael Cernea à la Banque mondiale (1991, trad. française 1998) fait figure d’exception, mais dans un sens un peu différent du propos de ce livre. 3. Notons au passage que la notion de champ politique (political field) est présente dès lePolitical Anthropologyde Schwartz, Turner et Tuden (eds.), 1968.
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propositions : un certain type d’évolutionnisme et d’ethno-centrisme (pour ne pas dire, parfois, de racisme) qui ont déjà été dénoncés à de multiples reprises ; un propos interventionniste et républicain aussi et en même temps, au sens de l’extension de la vieille idée de l’intervention publique à l’extérieur de ses frontières d’origine (pour l’ancienneté de l’idée de l’interven-tion publique en France, voir Perrot 1992), le racisme pouvant se nicher un peu partout et à toutes les époques, de même que l’anti-racisme et l’idée d’individu, ou de « personne » ; à quoi il faut adjoindre l’idée extraordinaire d’unintérêt général devenu de plus multilatéral, entre peuples, entre nations, pour le meilleur et pour le pire. Mais ceci une fois dit, on n’a pas dit grand-chose : l’intervention de développement constitue bel et bien une dimension consubstantielle de l’histoire économique et sociale du monde entier, mais seulement quand on la spécifie par la variété des contextes et celle, désormais considérable, de ses modalités. Ce sont à ces dernières, c’est-à-dire aux média-tions institutionnelles telles qu’elles se pensent, que ce livre est consacré. Autant dire que l’exhaustivité en ces matières est une visée illusoire, un peu à la manière des dictionnaires, mais avec moins de sûreté. Les gens qui témoignent ci-dessous parlent d’expériences qu’ils ont vécues de manière plus ou moins proche, mais quand on parle du PNUD au Mexique on ne peut pas en même temps parler de la Banque Interaméricaine de Développement au Pérou. En fait, introduire à ce livre c’est déjà se confronter à des difficultés touchant indéniablement au problème de la généralisation, qui sont celles du livre lui-même. On peut douter que ce qu’il est convenu d’appeler le développement constitue un domaine tout à fait autonomisable des politiques publiques ou du phénomène de l’intervention publique dans l’acception la plus large de cette notion. Soit qu’on y repère des spécificités ou des difficultés d’analyse analogues ; soit que le développement comme concept ne soit pas véritablement discernable dans la masse considérable d’analyses et de contre-analyses relevant de l’économie dite politique, de la géopolitique, de la politologie tout court censées pourtant en traiter ; littérature énorme qu’on ne peut songer à évoquer dans cette courte introduction, parce
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qu’il y faudrait plusieurs livres, ou une encyclopédie de l’indécision conceptuelle ; mais on peut douter aussi que pour leurs propres praticiens les politiques publiques elles-mêmes soient des objets précisément définissables au-delà de définitions minimales et souvent tautologiques. J’ai cru pouvoir soutenir ailleurs que la notion de développement elle-même relève plus des catégories locales de l’anthropologie que d’un concept scientifique au sens de Claude Bernard ou de Karl Popper, susceptible d’expérimentation et de réfutation. Il en va ainsi notamment des liens historiques de la notion avec la révolution industrielle en Europe – elle-même pour partie fondatrice de l’économie politique moderne – et surtout des ambiguïtés sémantiques qui continuent à la relier à des notions telle que croissance dont elle est pourtant censée se distinguer (Baré, 1987). Des œuvres d’une audience considérable, comme celle d’Amartya Sen (voir notamment 1991) ont contribué à la mise au point d’indicateurs prenant en compte les dimensions humaines du développement, comme l’Indicateur du développement humain publié par le Programme des Nations Unies pour le développement. Si la nécessité de cette démarche me paraît tout à fait s’imposer, elle révèle du même coup la dissolution progressive de l’objet, puisque la conjonction d’indices de mortalité infantile, de scolarisation, d’accès aux soins, d’inégalités de revenu, etc. ressortent finalement de préoccupations empiriques – sociales si l’on veut – propres à certains modes de gouvernement, c’est-à-dire d’un ensemble d’idées et de valeurs qu’il est nécessaire de spécifier et qui ne surgissent pas toutes armées du développement comme concept. De nombreuses lectures d’économie du développement et d’histoire économique on peut déduire sans trop d’infidélité que le développement est une sorte de cadeau Bonux que l’on trouve un peu par hasard dans un paquet de croissance économique 4 (1987) .
4. Il est intéressant à cet égard de remarquer que, dans le livre connu (et souvent remarquable)The Elusive Quest for Growth, de l’économiste senior de la Banque internationale pour la reconstruction et… le développement William Easterly, le mot « développement » est absent de l’index (2002).
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La question de différencier l’intervention de dévelop-pement, qui fournit pourtant le cadre central du propos, de l’intervention publique en général est ainsi troublée par les difficultés de définition propres à la notion même de développement, sans parler des difficultés de définition propres aux notions de sciences humaines en général. Il est possible aussi que ces difficultés simplifient le problème, puisque chacun sait bien, empiriquement, ce que revêtent ces termes : soit qu’il s’agisse d’une transformation volontariste de situations écono-miques et sociales à l’échelle du monde par le biais d’insti-tutionsad hoc(de la Banque mondiale aux ONG), soit que l’on adopte un point de vue nominaliste en considérant qu’il y a intervention de développement dès qu’il y a action des institutions spécialisées dans le développement ; c’est la position d’auteurs comme J.-P. Olivier de Sardan, sur laquelle on reviendra brièvement. On se trouve cependant devant d’autres difficultés, car si le PNUD a bien pour vocation explicite le développement, il n’en va pas de même du Bureau international du travail, qui, essayant d’étendre la législation du travail aux peuples « indigènes et tribaux » fait sans doute du développement. L’exemple égyptien de la décentralisation se situe à l’extrême limite de cette ambiguïté ; on ne peut dire qu’il s’agisse à proprement parler de développement, mais quel acteur de la décentralisation égyptienne dirait, si on le sollicite, qu’il ne fait pas du développement ? L’intervention de développement est ici traitée comme un cas particulier de l’intervention publique, étendue à différentes situations du monde, dans le cadre d’une « longue durée » qui e traverse une bonne partie de l’histoire mondiale du XX siècle. Un conseil amical de Jean Copans m’invitait d’ailleurs à préciser mes positions sur cette question car sinon, ajoutait-il à juste titre, nous sommes dans l’analyse du développement au sens le plus banal et ordinaire du terme (en France aussi on fait dans ce cas du
Cela peut revêtir deux significations : soit que le développement soit en fait une forme particulière de croissance économique et donc un concept vide, indigne d’être indexé ; soit que, dans l’action économique multilatérale, il y ait du développement partout, auquel cas il faudrait l’indexer à chaque page.
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