Parades postcoloniales La fabrication des identités dans le roman congolais , livre ebook

icon

170

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2006

Écrit par

Publié par

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

170

pages

icon

Français

icon

Ebook

2006

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2006

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845868410

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Lydie Moudileno
Parades postcoloniales
La fabrication des identités dans le roman congolais
KARTHALA
PARADES POSTCOLONIALES
Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
« La source », détail, inLa Peinture de Jean-Pierre Hammer, Presses universitaires de Nancy, 1992.
!Éditions KARTHALA, 2006 ISBN : 978-2-84586-841-0
Lydie Moudileno
Parades postcoloniales
La fabrication des identités dans le roman congolais
Sylvain Bemba, Sony Labou Tansi, Henri Lopes, Alain Mabanckou, Daniel Biyaoula
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
1
Parade, identité, authenticité
Mon intention est de reprendre la question de l±identité dans le roman africain contemporain. Plus particulièrement, telle qu±elle se manifeste, surtout mais pas exclusivement, dans cinq e romans congolais publiés à la fin duXXsiècle, de 1979 à 1998, soit pendant deux décennies marquées d±un changement de cap notoire. En effet, après avoir d±un commun accord attribué à des textes commeLe Devoir de violencede Yambo Ouologuem et Le Soleil des indépendancesd±Ahmadou Kourouma un rôle déterminant dans le renouveau bien connu des lettres africaines autour de 1968, critiques et historiens reconnaissent, tout aussi consensuellement, l±importance capitale d±un«tournant de 1980», au cours duquel des mutations spectaculaires se sont opérées. Fragmentation, explosion de l±identiténarrative, sub-version des codes romanesques, innovations linguistiques sont les pratiques invoquées pour rendre compte de ce virage décisif vers uneécriture postcoloniale résolument moderne, voire post-moderne. Ce phénomène se repère sans douteàtravers diverses littératures nationales et dans diverses œuvres ; mais on remarque que les Congolais Sony Labou Tansi et Henri Lopes figurent systématiquement parmi la dizaine d±auteurs régulièrement cités 1 par les critiques .
1.
Notamment chez Kesteloot, Dabla, Ngal.
6
PARADES POSTCOLONIALES
Si effectivementLa Vie et demiede Sony Labou Tansi ouLe Pleurer-rired±Henri Lopes sont exemplaires des nouvelles écritures des années 1980, quels aspects particuliers de la litté-rature congolaise ont-ils illustrés ? Il est évident qu±il s±agit en premier lieu de la problématique de l±identité. Depuis 1979, celle-ci est déployée non seulement par Sony Labou Tansi et Henri Lopes, mais également par d±autres écrivains du Congo qui ont choisi, eux aussi, dans des projets romanesques, par ailleurs très différents, de mettre l±écriture au service d±une interrogation de l±identité postcoloniale. Ou, plus exactement, il s±agit de cerner les caractéristiques du sujet postcolonial telles qu±elles apparaissent dans des fictions plus récentes, à la fin des années 1990, tout en déclenchant des innovations qui renou-vellent les projets romanesques de la décennie précédente. Pour saisir au mieux cette problématique, il faut s±installer à l±intersection de deux axes de réflexion : le sens de l±évolution d±une littérature nationale d±une part, et, de l±autre, la nature de la thématique spécifique qui servira de fil conducteur, à savoir la représentation des identités postcoloniales. En ce sens, ce travail poursuit inévitablement des réflexions amorcées dans quatre études majeures :LImaginaire dans le roman africain, de Roger Chemain (1986) ;Littérature et politique en Afrique noire;, de Koffi Anyinefa (1990) Écriture et identitédans la littérature africaine, d±André-Patient Bokiba (1998) etNation-Building, Propaganda and Literature in Francophone Africa, de Dominic Thomas (2002). Ces ouvrages témoignent d±une diversité d±approches, par rapport auxquelles il convient de situer ce projet. Il ne s±agira pas ici d±inventorier les modalités rhétoriques privilégiées par les écrivains, où l±on chercherait par exemple à savoir quel discours sur l±identité postcoloniale elles véhiculent. C±est la tâche que s±était donnée Roger Chemain dansLImagi-naire dans le roman africain. Son propos était d±identifier la prédominance de certains«régimes de l±image»dans trois sous-genres romanesques : le roman de la contestation, le roman de combat et le roman initiatique. S±appuyant sur un corpus de romans publiés avant 1980, Chemain démontrait, par le biais
PARADE, IDENTITÉ, AUTHENTICITÉ
7
d±approches psychocritiques, socio-historiques et phénomé-nologiques, comment la présence de certaines constellations d±images traduisait de manière plus ou moins consciente une vision de l±Afrique spécifiqueàchaque auteur. Les analyses de Chemain portent, en effet, sur l±écriture en tant que lieu où l±imaginaire individuel des auteurs (champs sémantiques, méta-phores, concordances) compose une grille distincte de lecture de l±Afrique. Son corpus, cependant, s±arrête en 1979. Il est donc utile, voire nécessaire, de reprendre la question de l±ima-ginaire dans une perspective de miseàjour des théories litté-raires plus récentes et, parallèlement, nourrie de textes plus contemporains. Outre l±imagination personnelle de l±auteur qui produit nécessairement un discours sur l±Afrique et les identités africaines contemporaines, la fiction de ces vingt dernières années est régie, au niveau intradiégétique, par divers modes de manipulation de l±imaginaire.Àl±intérieur de la fiction, quantité de personnages profèrent leur identité, c±est-à-dire se rendent visibles et se distinguent en exploitant les ressources sémio-tiques de la théâtralité, de la corporalité, du rêve et de la méta-morphose. Dans tous les cas, la transition d±uneépoqueàune autre, d±une identité àune autre, et/ou d±un espaceàun autre s±accompagne toujours, dans ces nouvelles fictions, d±une mobi-lisation plus ou moins consciente des ressources de l±imagi-naire. La présenteétude se déplacera ainsi de l±imaginaire du romancier lui-même vers le statut de l±imaginaire dans l±univers romanesque. Le travail de Koffi Anyinefa dansLittérature et politique en Afrique noire, qui regroupe desétudes détaillées de Sony Labou Tansi, Henri Lopes, Emmanuel Dongala et Tchicaya U Tamsi, ouvre la voie en 1990àune analyse axée autour d±une problé-matique spécifique. Dans cetteétude, Anyinefa lit la fiction congolaiseàla lumière de l±histoire réelle de la République du Congo depuis son indépendance en 1960. Cherchantàdéter-miner le statut de la politique dans la fiction congolaise, Anyinefaévalue le rapport de proximité/distance entre l±histoire de la République du Congo depuis 1960 et sa représentation dans les romans des décennies suivantes. La question de l±iden-
8
PARADES POSTCOLONIALES
tité chez Anyinefa se pose donc essentiellement en termes de nation et de communauté. Si, comme le constate Anyinefa, il apparaît clairementàla fin des annéles rapportses 1980 que « littérature/ politique constituent un des traits les plus caracté-ristiques de la littérature africaine d±expression française», dix ans plus tard, cette situation a bien changé. La politique nationale  et en particulier la dictature  demeure une source d±inspi-ration importante, mais elle n±est plus la seule. Comme nous le verrons, des questions telles que l±exil et la migration prennent progressivement le pas sur celle de la politique. Dans le même mouvement, un recentrement notoire s±opère àla fin des années 1990 sur l±identitédans sa dimension pro-prement individuelle et singulière. Sous cet angle surtout thé-matique, c±est d±Écriture et identitédans la littérature africaine d±André-Patient Bokiba que notreétude, plus modeste mais plus précise dans ses analyses textuelles, se rapproche le plus. Bokiba puise ses exemples dans le roman, la poésie, le théâtre et la musique pour donner corpsàce qu±il construit comme e l±expression d±une identitécongolaise auXXsiècle. S±il insiste sur le fait que«l±identités±affirme par le langage, il n±y a point d±identitéqui ne se dise, ne s±exprime», l±auteur s±attache surtoutàrepérer les traits récurrents d±une hypothétique identité congolaise, telle qu±elle se trouverait expriméeàtravers diverses formes esthétiques. En d±autres termes, tout en invoquant,à juste titre, le caractère performatif du langage, l±analyse de Bokiba demeure liéeàune conception métaphysique de«l±iden-titécongolaise», dont les termes seraient révélésàl±issue d±un examen de ses«expressions»artistiques. Làn±est pas notre propos.Àla préoccupation d±André-Patient Bokiba, je substi-tuerai la suivante : comment les personnages, dotés  par leurs auteurs respectifs  d±une imagination qui leur est propre, se chargent-ils de produireàleur tour de l±identitédans l±univers romanesque ? Finalement, les travaux de Dominic Thomas sur la littérature congolaise ont souvent infléchi ou confirméles thèses présentées ici. Dans son excellentNation-Building, Propaganda and Literature in Francophone Africa, 2002, qui examine les méca-
PARADE, IDENTITÉ, AUTHENTICITÉ
9
nismes de la production de l±identitévet de la « érité »sous la rubrique spécifique d±une idéologie nationale, il toucheévi-demmentàde nombreuses questions dont nous traitons ici. Par ailleurs, ses articles sur Alain Mabanckou et Daniel Biyaoula révèlent que nos intérêts et recherches ont convergéces dernières années dans des analyses centrées autour de la question de l±identitéet de l±imaginaire. Cette perspective entraîne inévitablement une discrimination dans le choix des textes et des auteurs. Il est vrai que tout corpus est arbitraire. On s±étonnera ainsi de ne pas trouver dans ce corpus des romans de figures marquantes de la littérature con-golaise telles que Tchicaya U Tamsi ou Emmanuel Dongala. Bien que ces derniers touchent certesàla vaste question des identités et des imaginaires, j±ai privilégiéétude de romans qui, dans leurécriture et leur orientation thématique, témoignent clairement d±une volontéde mettre en relief lesjeuxde la représentation, et invitent consciemmentà «aborder [la fiction] sous la forme d±une mise en scène où apparaissent nombre des 2 principaux acteurs qui la font». D±où la sélection des romans de Sylvain Bemba, Henri Lopes, Sony Labou Tansi, Alain Mabanckou et Daniel Biyaoula, qui, justement, problématisent de manière particulièrement prégnante la fonction de l±imagi-naire dans la construction des identités postcoloniales. Au-delà de la littérature congolaise, cependant, je souhaiterais que ce travail propose, autour du paradigme de la parade, un encoura-gementàcontinueràinterroger d±autres littératures africaines nationales ou transnationales, coloniales ou postcoloniales.
* * * *
La problématique littéraire qui guide cette exploration du roman congolais est celle de l±identitéen tant qu±elle se dérobe àla fixitédans l±espace romanesque. Il s±agit donc d±en finir avec l±authenticitéafricaine en tant qu±objet stable du désir critique, ou, ce qui s±ensuit, de proposer les moyens de remettre
2.
PostfaceàBoniface Mongo-Mboussa,Désirs dAfrique, Paris, Gallimard, 2002.
Voir Alternate Text
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents
Alternate Text