Manger au quotidien La vulnérabilité des familles urbaines en Afrique , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2007

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845869530

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Virginie Briand
Manger au quotidien
La vulnérabilité des familles urbaines en Afrique
IRD - KARTHALA
MANGER AU QUOTIDIEN
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
¤IRD et KARTHALA, 2007 ISBN (IRD) : 978-2-7099-1640-0 ISBN (KARTHALA) : 978-2-84586-953-0
Virginie Briand
Manger au quotidien
La vulnérabilité des familles urbaines en Afrique
IRDÉditions 213, rue La Fayette 75010 Paris
KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
La publication de cet ouvrage a bénéficié du concours financier de l’Institut de recherche pour le développement et du support de l’unité de recherche 106 Nutrition, Alimentation et Sociétés dirigée par Francis Delpeuch.
Introduction
 Le fait alimentaire est au cœur de la vie économique, sociale et culturelle des ménages. Les besoins par exemple s’ils sont d’abord physiologiques,besoins en nutriments variés, sont aussi psychiques (lutte contre la sensation de faim), sociaux (consommation de biens socialement acceptés et partagés par tous) et culturels (correspondant aux goûts et aux habitudes) traduisant le fait que l’alimentation est unfait social total. Ils ne sont pas les mêmes selon que l’on mange entre soi ou avec un voisin, un parent ou encore un collègue de travail.  En dépit de la place de l’alimentation dans la vie sociale, économique et culturelle des familles de l’Afrique subsaha-rienne, la sécurité alimentaire peut quant à elle ne pas être un objectif premier. Les familles sont prises dans des contraintes multiples, dans des réseaux sociaux aux objectifs variés, font face aux aléas de la vie en société, aux instabilités de leurs ressources et aux dépenses imprévues et de ce fait peuvent ne pas avoir systématiquement comme objectif immédiat celui d’accéder à des ressources alimentaires correspondant à leurs besoins et à leur goût. Est-ce à dire qu’il faut abandonner toute tentative d’appréhender et d’étudier l’insécurité alimentaire en tant que telle. Sûrement pas. L’objectif de cet ouvrage est au contraire de montrer qu’il est plus que jamais nécessaire de recentrer la recherche et les actions politiques sur ce qui reste un des problèmes fondamentaux de la vie des populations de l’Afrique subsaharienne : leurs capacités à se nourrir réguliè-
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rement et de façon continue en vue de mener une vie saine et active en accord avec leurs goûts et leurs préférences culturelles et sociales.
 L’insécurité alimentaire est un problème qui ne peut pas être isolé des autres questions économiques. Son caractère sensible explique que la « faim » ne soit plus au centre des priorités des théories économiques. Pourtant, par essence, elle est au cœur des interrogations de la théorie économique, comme le montrent d’ailleurs les travaux des pères fondateurs de l’économie qui ont tous mis cette question au centre de leurs travaux. Sa dimension économique est évidente dans la mesure où l’insé-curité alimentaire est à la fois déterminée par et pèse sur la situation économique des ménages. Mais elle ne peut être comprise et analysée sous un angle économique stricto sensu. Elle est un problème humain, lié à l’incertitude du lendemain, aux inquiétudes de ne pas pouvoir nourrir sa famille, au stress de ne pas savoir quand aura lieu la prochaine prise alimentaire. Elle est aussi un acte par lequel se font la socialisation et l’ouverture aux autres. C’est pourquoi, afin d’appréhender et comprendre la multidimensionnalité de l’insécurité alimentaire, il convient de remettre l’acteur au cœur des interactions existantes entre l’économie, le social et l’environnemental.  Les familles ne sont pas en situation d’insécurité alimentaire, elles sont vulnérables aux instabilités socio-économiques de leur environnement et se voient contraintes, compte tenu des caractéristiques de leur environnement, de multiplier les stra-tégies, de se créer des réseaux, de développer des recours pour faire face aux difficultés et se mettre en situation de capacités d’action. Elles sont prises dans des dynamiques multiples, parfois contradictoires, qui rendent incertain leur accès aux denrées alimentaires et ce quel que soit leur niveau de ressources. Elles ne sont pas dans un état mais dans une dynamique. Elles vont, pendant un certain temps, avoir un accès stable à une alimentation quantitativement suffisante, puis, passer à une situation dans laquelle cet accès ne sera plus assuré. De ce fait les catégories d’analyse habituellement utilisées, notamment
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en terme de pauvreté monétaire, sont insuffisantes. Le niveau de revenu élevé d’un ménage ne lui garantit pas un accès quantitativement et qualitativement sécurisé aux denrées alimentaires. Cet accès est non seulement fonction de son niveau de revenu, mais plus largement de l’étendue de ses ressources sociales, monétaires, cognitives et de la façon dont il va mobiliser ses ressources c’est-à-dire interagir avec son environnement économique et social.
 Ce travail d’analyse des déterminants de l’accès aux denrées alimentaires se base sur trois séries d’enquêtes réalisées dans la 1 ville de Bouaké entre 1998 et 2000 . L’étonnement qui pourrait résulter du choix de ce pays et de cette ville pour cadre d’analyse tient à ce que l’insécurité alimentaire est souvent assimilée à la pénurie alimentaire ou à la famine. Or, jusqu’ en 2000 la Côte d’Ivoire et Bouaké étaient loin d’être dans l’une 2 ou l’autre des situations .
 Bouaké, ville à la jonction de la savane et de la forêt, capitale du centre de la Côte d’Ivoire, a bénéficié jusqu’en 2000 d’une situation particulièrement favorable en terme de disponibilité alimentaire. Le développement de l’agriculture, nationale et locale, notamment celle du maraîchage, la densification des réseaux d’approvisionnement, sa situation géographique au carrefour d’axes routiers nationaux et régionaux lui ont permis de tirer avantage d’une offre alimentaire continue et stable. Globalement, la Côte d’Ivoire, jusqu’en 2000, ne semblait pas être en état d’insécurité alimentaire. Son rôle de moteur économique de la région ouest-africaine (en dépit de la crise économique traversée), sa relative stabilité politique jusqu’au coup d’État ayant renversé Konan Bédié et son développement
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Trois séries d’enquête ont été réalisées sur un échantillon de 285 ménages. Une première série de type socioéconomique, une seconde sur la consommation alimentaire des ménages et une troisième sur leur mode d’organisation (Briand, 2004). L’insécurité alimentaire est définie comme le manque d’« accès par chaque individu à tout instant à des ressources alimentaires permettant de mener une vie saine et active ».
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agricole important étaient au contraire cités en exemple. Toute-fois, les travaux réalisés sur l’évolution de la consommation en Côte d’Ivoire, et à Bouaké, mettaient clairement en évidence une dégradation de la situation alimentaire des ménages tout au long des années 1990. Toutes les familles semblaient, qui plus est, concernées, quel que soit leur niveau de pouvoir d’achat. C’est pourquoi, une étude sur l’insécurité alimentaire des ménages de Bouaké s’avérait en définitive particulièrement intéressante.
 L’accès au marché des biens et ressources alimentaires peut être étudié sous différents angles. À un premier niveau, il repose sur le degré de valorisation des potentialités naturelles et agri-coles, c’est-à-dire sur la capacité économique de transformer des ressources potentielles en ressources réelles, via les techno-logies mises en œuvre. De ce point de vue, c’est l’ensemble des conditions matérielles et intellectuelles qui permet de tirer parti des systèmes d’outils, des pratiques et des savoirs. Ces derniers participent de la valorisation optimale des ressources qu’il convient d’étudier.  À un deuxième niveau, l’accès aux denrées alimentaires présentes sur les marchés passe par la disponibilité des biens. C’est pourquoi l’étude des facteurs politiques, économiques, physiques et sociaux permet, elle aussi, de mettre en lumière des causes possibles d’inaccessibilité aux biens alimentaires. Ces éléments déterminent les conditions dans lesquelles s’effectuent la transformation, le transport, la commercialisation et la distribution des produits. Quant aux caractéristiques écono-miques et sociales des familles, elles déterminent les choix des agents économiques et conditionnent leurs capacités d’accéder régulièrement et de façon continue aux denrées alimentaires. C’est le troisième niveau de l’analyse. Il renvoie aux détermi-nants des comportements, à la construction des choix collectifs et individuels, contraints et/ou éclairés. Il suppose de comprendre comment le contexte économique et social oriente les compor-tements dans le temps, comment les familles mobilisent leurs ressources en vue de se nourrir ou bien comment, en l’absence
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de ressources suffisantes et/ou stables elles agissent et font face aux difficultés en vue de subvenir à leurs besoins alimentaires.
 Les travaux réalisés à Bouaké nous ont permis de prendre toute la mesure des difficultés de la démarche : la sécurité alimentaire est au cœur des difficultés socio-économique des populations mais elle n’est pas pour autant un objectif premier. Pour comprendre ce paradoxe apparent il nous a fallu élargir le champ d’étude, interroger les catégories analytiques habituel-lement utilisées, mobiliser les référents théoriques permettant de comprendre la complexité observée, de questionner le pouvoir explicatif des théories. En définitive il nous a fallu repenser le comportement des ménages. Cet ouvrage est le reflet de cette démarche. Chemin faisant il rappelle pourquoi la sécurité alimentaire doit être un objectif central des politiques de lutte contre la pauvreté, mais montre dans le même temps toute la difficulté d’un tel objectif. Il ne pourra en définitive être atteint que si l’on est à l’écoute des populations et que l’on essaie d’aller au-delà des catégories d’analyse habituelles en com-prenant la complexité des dynamiques à l’œuvre.
 Cet ouvrage se décompose en six chapitres. Nous avons tout d’abord cherché à apprécier la situation des ménages rela-tivement à leurs capacités de sécuriser leur alimentation (chapitre 1). Partant de cette analyse, il s’est avéré que l’insé-curité alimentaire des habitants de Bouaké est protéiforme. En fonction de leur niveau de ressources, de leurs caractéristiques mais aussi de leur niveau de contraintes économiques et sociales, les familles ont adopté des stratégies et des comportements variables qui ont peu à peu été endogénéisés. Il en résulte que non seulement l’insécurité alimentaire est diffuse mais qu’en plus elle est multidimensionnelle. La gestion des instabilités contraint les familles à des choix difficiles. Les dynamiques à l’œuvre sont d’autant plus complexes à comprendre que, si la sécurité alimentaire est au cœur des difficultés socio-économique des populations elle n’est pas pour autant un objectif premier. Ce paradoxe apparent est révélateur des
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