Le mariage des cultures à l’île de la Réunion , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2008

EAN13

9782811100025

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Françoise Dumas-Champion
Le mariage des cultures à l’île de la Réunion
KARTHALA
LE MARIAGE DES CULTURES
À L’ÎLE DE LA RÉUNION
Cet ouvrage est publié avec le concours du Centre d’études des mondes africains (CEMAF-CNRS)
KARTHALAsur internet : http://www.karthala.com
Couverture : Lemaloya, dansé autour du pilier sacré, lors duservis kabaré de Mme Baba, le 25/04/1992.
© Éditions Karthala, 2008 ISBN : 978-2-8111-0002-5
Françoise Dumas-Champion
Le mariage des cultures à l’île de la Réunion
Préface de Philippe Beaujard
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
A mes enfants, Célia, Daphné et Alexandre.
Île de la Réunion
Préface
« Je ne sais qui j’appelle, Qui j’appelle je ne sais pas. J’appelle quelqu’un de faible Quelqu’un de brisé Quelqu’un de fier que rien n’a pu briser J’appelle... » 1 Henri Michaux,Passages.
« Tu viens d’une mémoire perdue d’avance par un coup de bourrasque, par un coup de rein involontaire de sens une parole de douceur et de silence une mémoire retrouvée à jamais dans le retour de demain » 2 Khal,Cales d’étoiles. Coolitude.
« Un sabot coiffé de voiles, la cale pleine de rats, l’entrepont bourré de Nègres, un chirurgien dément, jouent la vielle et la bombarde, l’Océan 3 prend son temps, craquent les bordages, tout danse, tout danse... » . On a longtemps cherché à oublier comment s’étaient peuplées les Mascareignes. Les descendants d’esclaves eux-mêmes, pensait-on, avaient refoulé le passé. Le voici qui ressurgit aujourd’hui, revendiqué par les 4 milieux populaires de ces îles. Fêtekaf, le 20 décembre, qui commémore l’abolition de l’esclavage à la Réunion en 1848, a longtemps fait partie du domaine privé. « Auparavant, on ne parlait pas du 20 décembre. Ce n’était même pas un jour férié, il ne fallait pas prononcer le mot esclavage. Les
1. Cité par H. Gerbeau, 1998 : 23. 2. Khal, 1992 : 15. 3. H. Gerbeau, 1998 : 61. 4. Le termekaf(du terme cafre), de manière générale, désigne à la fois les descendants de Malgaches et les descendants d’Africains. Il peut aussi désigner, plus précisément, les descendants d’Africains, par rapport auxmalgasoukaf malgas, d’ascendance malgache.
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LE MARIAGE DES CULTURES A L’ÎLE DE LA RÉUNION
5 anciens disaient souventLe Blanc l’a dit. Laet ce n’était pas autrement » reconnaissance officielle vient en 1981 : l’État fait du 20 décembre un jour férié, « il ne faut plus parler de fêtekafmais de “fête de la liberté” ». Dans les années 1990 surtout, la fête prend une dimension particulière, dans un contexte de reconquête d’une identité volée. Un passé et une identité retrouvés ou reconstruits aussi à Madagascar, comme en témoignent, à un niveau institutionnel, les deux colloques réalisés à Antananarivo puis 6 à Toamasina , et sur le plan religieux, le renouveau des cultes à des sources, des montagnes ou des tombeaux princiers, cultes mis en œuvre dans la région d’Antananarivo par les descendants d’esclaves, ditsmainty, 7 « noirs » . Il fallait aux Mascareignes une main-d’œuvre variée, qui ne fût pas tentée de prendre la mer dans des embarcations de fortune, ou de s’orga-niser pour fomenter des révoltes. Les esclaves viennent donc de tous les rivages des océans : « Par leur recherche de l’esclave idéal, les colons provoquent d’étranges ballets : l’Afrique Orientale envoie des captifs jusqu’aux Antilles et l’Occidentale jusqu’aux îles de l’océan Indien. À partir de 1729, des traites sont effectuées au Sénégal et dans le golfe de 8 Guinée à l’intention des planteurs des Mascareignes » . D’autres esclaves 9 viennent du Mozambique ou des Comores . Dès 1670 sont arrivés les premiers Malgaches. On compte 534 esclaves en 1714, 7 000 en 1735 et 51 000 en 1 800. Madagascar continuera à envoyer ses cargaisons d’hommes, de la côte Est essentiellement (baie d’Antongil, Sainte Marie, Foulpointe, 10 11 Tamatave...) . La traite est abolie par le Congrès de Vienne de 1815 ; l’application à Madagascar se fait avec les traités anglo-malgaches de 1817 et 1820. Après l’abolition de l’esclavage à la Réunion en 1848, la traite se fera clandestine. On aura aussi recours à l’engagisme, une forme (à peine) déguisée de l’esclavage. Arrivent ainsi des hindous du pays tamoul, appar-tenant surtout aux plus basses castes, ainsi que des Malgaches et des hommes de la côte du Mozambique.
5. A. de Cauna, 2005 : 349. 6. « L’esclavage et ses résurgences contemporaines », 1996, et « La route des esclaves. Système servile et traite dans l’Est malgache », 1999, I. Rakoto (éd.), 1997 et 2001. 7. En opposition à la catégorie desfotsy, « blancs », qui regroupent en Imerina les aris-tocratesandrianaet les hommes libreshova. La catégorie « noire » englobe les descendants de « serviteurs royaux » – qui n’avaient pas un statut servile – et les descendants d’esclaves. 8. H. Gerbeau, 1998 : 48. 9. Entre 1750 et 1820, les Betsimisaraka de la côte Est malgache organisent des expé-ditions annuelles aux Comores, pour y razzier les habitants (J.-M. Filliot, 1974 : 153-154). 10. J.-M. Filliot, 1974 : 53, 57, 128sq. La grande période de la traite se situe entre 1769 et 1793, période pendant laquelle 80 000 esclaves sont acheminés vers les Mascareignes, soit la moitié de la population servile amenée dans ces îles de 1670 à 1810. Filliot évalue cette population comme venue de Madagascar pour 45 %, de lAfrique de l’Est pour 40 %, mais aussi de l’Inde, pour 13 % (ibid. : 69). 11. La Convention abolit l’esclavage par le décret du 4 février 1794, mais les colons des Mascareignes s’opposent à l’application du décret. Bonaparte, Premier Consul, signe une loi qui rétablit l’esclavage le 20 mai 1802.
PRÉFACE
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S’il est vrai comme l’écrit A. Métraux que « Le culte des esprits et des dieux ainsi que la magie furent pour l’esclave à la fois un refuge et une 12 forme de résistance à l’oppression » , il ne faudrait pas imaginer que les rituels des anciens esclaves malgaches ou mozambicains ont été miracu-leusement préservés au fil des siècles dans leur intégrité. Les rituels « malgaches » que nous découvrons aujourd’hui à la Réunion grâce au travail novateur de F. Dumas-Champion, qui a centré sur eux sa recherche, sont largement dérivés des rapports les plus récents avec la Grande Ile, arri-vées Antandroy des années 1920, voyages des Réunionnais à Mada-13 gascar , et des Malgaches à la Réunion. D’autres apports, sans doute plus anciens, sont toutefois perceptibles, venus de la côte betsimisaraka et des Hautes Terres de l’Imerina. Les héritages apparaissent donc de temps multi-ples et d’espaces variés. Madagascar est de plus le lieu de rencontre de grands domaines cultu-rels, eux-mêmes complexes et multiformes, austronésien et bantou, musul-man et chrétien, l’Inde hindoue ayant aussi joué un rôle par le biais des e e 14 Indonésiens arrivés tardivement dans la Grande Ile auxXIIIetXIVsiècle . F. Dumas-Champion propose ici, avec raison, une archéologie symbolique qui reste toujours dans des limites prudentes. De fait, il apparaît difficile, bien souvent, de déterminer si des phases rituelles ou certains éléments symboliques constituent des héritages de Madagascar ou de la côte mozam-bicaine lorsqu’on sait à quel point cette côte est-africaine a influencé l’Ouest et le Sud de Madagascar depuis des siècles, à travers les échanges marchands et les migrations volontaires ou forcées. Cette communauté culturelle, bien perceptible dans la possession, contribue à l’évidence au regroupement sous une même catégorie (nasyon) des Réunionnais d’as-15 cendance malgache (malgas) ou mozambicaine (kafCertains rituels,) . telle l’offrande de riz au lait à des esprits, peuvent par ailleurs être rattachés aussi bien à l’Inde qu’à Madagascar. Le sacrifice et la symbolique de l’es-pace associée au culte des ancêtres présentent des éléments communs dans les rites indiens et malgaches. Dans d’autres cas, les parallèles tiennent à des schémas universaux, ainsi la pratique de déposer une lampe placée près du cadavre, rencontrée à la Réunion et chez les Betsimisaraka ou les catho-liques de Madagascar, ou les fumigations d’encens comme moyen de faire communiquer les mondes des divinités et des vivants, les parfums étant partout associés au divin. Des conceptions ou pratiques parallèles ont pu s’élaborer de manière indépendante : le possédé a ainsi coutume de boire le sang cru de l’animal sacrifié, en Inde du Sud comme en Afrique de l’Est et dans le sud de Madagascar. Globalement, toutefois, F. Dumas-Champion le
12. A. Métraux, 1968 : 25. 13. Les gardiens des lieux de culte « ancestraux » des Hautes Terres de Madagascar témoignent de la venue de nombreux Réunionnais et Mauriciens, à la recherche de « pou-voir » divin. 14. P. Ottino, 1986, P. Beaujard, 2003, 2007a. 15. Cf.supraà propos de ce terme.
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