Le discours du griot généalogiste chez les Zarma du Niger , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845866259

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Sandra Bornand
Le discours du griot généalogiste chez les Zarma du Niger
accompagné d’un cédérom présentant les discours étudiés en version bilingue avec musique et photos
KARTHALA
LE
DISCOURS DU GRIOT GÉNÉALOGISTE CHEZ LES ZARMA DU NIGER
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Le griot Djibo Badjé dit « Djéliba ». Photo de Pierre Ducret.
¤Éditions KARTHALA, 2005 ISBN : 2-84586-625-9
Sandra Bornand
Le discours du griot généalogiste chez les Zarma du Niger
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Avant-propos
Une nuit, alors que j’assistais à un mariage à Niamey, je vis le jeune marié se mettre à trembler à l’écoute de sa généalogie. J’ai alors voulu comprendre pourquoi ces mots le faisaient réagir de la sorte… Cette recherche – qui est mon travail de thèse mené à l’Université de Lausanne – est un voyage au cœur de la société zarma et de ses pratiques discursives. Un voyage initiatique par excellence, puisqu’il comprend plusieurs étapes auxquelles correspondent des niveaux de connaissance différents. Mais un voyage qu’il m’est impossible de mener jusqu’au bout, puisque je n’échapperai pas à ma condition de chercheuse universitaire européenne, les Zarma ayant cet avantage sur moi de « ‘penser’ (plus ou moins consciemment) dans un grand système de représentation qui leur est propre et qui m’échappe pour une grande part » (Dournes 1989, p. 442). Comment alors éviter le piège de l’ethnocentrisme ? En interrogeant les conceptions et les représentations émiques proposées par les Zarma au sujet de leurs paroles, on peut 1 espérer étudier quelques aspects des discours dej a s a r e(griots généalogistes et historiens d’origine soninké) et ainsi comprendre les réactions des locuteurs comme des auditeurs zarma face à ces discours. Il faut cependant rester conscient que l’étude des représentations émiques ne constitue pas une valeur absolue :
[…] mais relative ; toutefois, et je le maintiens, il me semble nécessaire, pour toute analyse, de partir de cette vision-là, ce qui nous évite l’ethnocentrisme, nous porte à plus de rigueur objective, mais exige aussi que nous réétudions, en fonction de critères plus universels, l’imaginaire propre des premiers intéressés. (Dournes 1989, p. 458)
Cette citation de Jacques Dournes explicite ce qui fut dès le départ l’intuition de ma recherche : d’une part, la nécessité de travailler à partir des conceptions des locuteurs zarma et, d’autre part, la relativisation des points de vue tant du chercheur que des informateurs. Car si « L’occhio 1. Les noms zarma apparaissent dans le texte sous la forme de leur radical (singulier indéfini). Les verbes sont, quant à eux, mis sous leur forme infinitive (terminaison –ya). J’ai choisi de ne pas traduire certains termes zarma à chacune de leurs apparitions. Un glossaire situé à la fin de ce volume contient les différentes définitions.
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2 dello straniero vede ciò che vuole vedere » , les dires des informateurs sont également sujets à caution. C’est pourquoi il est nécessaire de confronter les témoignages des informateurs en tenant compte des intérêts qu’ils peuvent avoir à donner telle ou telle explication. Au centre de ce voyage, on trouve les pratiques discursives, celles des jasareen particulier. A l’image d’une société zarma en pleine évolution, leurs pratiques discursives se modifient, voire disparaissent, sous les influences souvent conjuguées de l’islam et de l’Occident. Ainsi, dans beaucoup de foyers, la télévision ou la radio ont remplacé les contes. Ceux-ci sont par ailleurs dénigrés par de nombreux marabouts qui en condamnent la nature mensongère. Et que dire des proverbes que les femmes proféraient autrefois au rythme du pilon ? Comme ils sont aujourd’hui considérés comme des péchés du fait de leur nature parfois injurieuse, les femmes – même dans les campagnes – les abandonnent progressivement. La situation desjasaren’est guère meilleure. Autrefois à la charge des chefs, ils ont dû – suite à la colonisation et aux mutations qu’elle a entraînées dans la société zarma – trouver une autre profession pour subvenir à leurs besoins. L’apprentissage qu’ils suivaient dès l’âge de sept ans et qui faisait d’eux les maîtres de la parole et la mémoire des chefferies fut, par conséquent, progressivement réduit. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux ne connaissent plus que les louanges ainsi que les généalogies des chefs et nobles de leur région.Au cours de mes différents 3 séjours en pays soje n’ai rencontré qu’un seulay-zarma , jasaresachant réellement raconter des récits de guerriers ou des récits d’ancêtres : Djibo 4 Badjé dit « Djéliba » (terme soninké signifiant littéralement « grand griot »). Grâce à son père (unjasareréputé), il a pu suivre très l’apprentissage dans son intégralité, même si – comme il le dit lui-même – celui-ci n’est jamais terminé.
2. Proverbe nzema (ethnie se trouvant au Ghana et en Côte-d’Ivoire), cité par Pavanello (2000, p. 37) dont la traduction est : « l’œil de l’étranger voit ce qu’il veut voir ». 3. Cette extension au pays soay est justifiée par le fait que lesjasaredes deux régions s’attribuent une origine commune et revendiquent explicitement leurs liens familiaux. 4. Au contraire des noms communs qui sont écrits en zarma, les noms propres (noms de personnes et de villages) sont francisés à l’instar de ce qui se fait dans l’administration. Dans le cas d’un nom propre composé tel que « Kambé Zima », le deuxième terme – qui est en même temps nom commun – est francisé, alors qu’il sera écritziima, dans le cas où il signifie « féticheur, “prêtre” des religions du terrroir ».
AVANT-PROPOS
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A cette désintégration d’un savoir ancestral s’ajoute la concurrence d’une nouvelle catégorie de griots, leswaarayko (littéralement « quémandeurs, prieurs, supplieurs », ce terme, dans ce contexte, a pour sens celui de « griot quémandeur »). Sans formation, ils ne font que louer les donateurs potentiels et insulter ceux qui refusent de se montrer généreux. Les griots dans leur ensemble sont de ce fait perçus comme des parasites, et nombreux sont les Zarma qui ne les différencient plus. Ils n’inspirent par conséquent plus que mépris, alors qu’autrefois ils étaient à la fois respectés et craints. Confrontée aux cultures occidentale et 5 musulmane, la tradition orale perd donc du terrain. De ce constat découle l’urgence d’une recherche visant à recueillir ces discours (enregistrement et transcription), principalement ceux desjasare (leurs discours sont actuellement en voie de disparition), et à les fixer dans les représentations que s’en font les Zarma, afin d’en saisir l’importance et la signification à un moment crucial de leur évolution. En outre, les discours dejasareprésentent l’intérêt d’être très explicitement liés au pouvoir, d’avoir des effets physiques (tremblements, transes, etc.) et d’exercer une action psychique et morale (incitation au courage, à la maîtrise de soi, au bon comportement, etc.) sur des individus appartenant à un groupe social plus élevé. Enfin, l’étude de ces discours montre comment la mise en discours reformule des événements pour les restituer (à chaque nouvelle profération) à la communauté, chargés d’une portée idéologique et pragmatique.
Ce travail, d’une part, n’aurait jamais pu être effectué sans l’aide de tous les informateurs rencontrés en pays soay-zarma et, tout particulièrement, sans Djibo Badjé « le grand griot » et les familles zarma de feuamiiruSounna (Liboré Tonkobangou), so Alzouma ay de feu Seydou Seyni (Gotheye) et peule de feu Hamma Poullo (Birni Ngaouré) parmi lesquelles j’ai vécu durant mes différents séjours. Il n’aurait, d’autre part, pas été terminé sans les encouragements et les lectures critiques de mes co-directeurs de thèse, Jean-Michel Adam (professeur de linguistique française à l’université de Lausanne) et Claude Calame (professeur de grec à l’université de Lausanne et directeur 6 d’études à l’EHESSde Paris), notamment dans le cadre duCRELTADni sans celles des deux spécialistes du pays soay-zarma que sont Jean-Pierre Olivier de Sardan (anthropologue et directeur d’études à l’EHESS Shadyc de Marseille et directeur de recherche auCNRSFatima) et 5. Pour une définition de cette expression, lire le chapitre 1 : « Quelle analyse de la tradition orale ? ». 6. Centre de recherches en analyse des discours.
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