La Traque de Hissène Habré - Juger un dictateur dans un monde d'impunité , livre ebook

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Dans ce récit palpitant, l’avocat Reed Brody raconte l’exceptionnel combat, pendant dix-huit longues années, d’une poignée de survivants déterminés, engagés dans la poursuite d’un tyran qui pensait avoir échappé à la justice. L’auteur retrace en détail comment lui et son équipe d’enquêteurs internationaux et de victimes sont parvenus à exhumer des preuves, à saisir des tribunaux, à convaincre des gouvernements réticents et à sensibiliser l’opinion publique afin de faire traduire en justice Hissène Habré, ancien dictateur du Tchad. Habré, dont la violente prise de pouvoir et le règne sanglant (1982-1990) ont bénéficié de la complicité de la France et des États-Unis, a fait emprisonner, torturer et assassiner des dizaines de milliers de personnes, dans un pays désespérément pauvre et à la merci de son ambition et de sa cruauté. Riche en rebondissements, le récit de l’affaire Habré démontre que, malgré l’impunité dont ils se croient assurés, les dirigeants responsables des pires atrocités peuvent désormais être poursuivis à l’échelle internationale, traduits en justice, et condamnés.
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Date de parution

21 mars 2023

EAN13

9782384091140

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

7 Mo

REED BRODY
DE HISSÈNE HABRÉ
JUGER UN DICTATEUR DANS UN MONDE D’IMPUNITÉ
KARTHALA
Dans ce récit palpitant, l’avocat Reed Brody raconte l’exceptionnel combat, pendant dix-huit longues années, d’une poignée de survivants déterminés, engagés dans la poursuite d’un tyran qui pensait avoir échappé à la justice. L’auteur retrace en détail comment lui et son équipe d’enquêteurs internationaux et de victimes sont parvenus à exhumer des preuves, à saisir des tribunaux, à convaincre des gouvernements réticents et à sensibiliser l’opinion publique aîn de faire traduire en justice Hissène Habré, ancien dictateur du Tchad. Habré, dont la violente prise de pouvoir et le règne sanglant (1982-1990) ont bénéîcié de la complicité de la France et des États-Unis, a fait emprisonner, torturer et assassiner des dizaines de milliers de personnes, dans un pays désespérément pauvre et à la merci de son ambition et de sa cruauté. Riche en rebondissements, le récit de l’aaire Habré démontre que, malgré l’impunité dont ils se croient assurés, les dirigeants responsables des pires atrocités peuvent désormais être poursuivis à l’échelle internationale, traduits en justice, et condamnés.
Nicaragua, Timor oriental, Tibet, République démocratique du Congo ou Guantanamo… l’avocat et ancien procureur Reed Brody a consacré sa vie à enquêter sur les violations des droits humains.Il s’est battu aux côtés des victimes de Hissène Habré et a contribué à poursuivre d’autres dictateurs comme le Chilien Augusto Pinochet, l’Haïtien Jean-Claude Duvalier ou Yahya Jammeh en Gambie. Il est l’auteur deFaut-il juger George Bush? (GRIP, 2013).
REED BRODY
LA TRAQU E DE H ISSÈN E HABR É J UG E R U N DICTATE U R DANS U N MON DE D’I M PU N ITÉ
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Lucie Delplanque
Ouvrage publié avec le concours de l’Association Rose Lokissim
© Éditions Karthala, 2024 22-24, boulevard Arago – 75013 Paris www.karthala.com
ISBN : 978-2-38409-114-0
Conception graphique : Bärbel Müllbacher Photo de couverture : © Aliou Mbaye/Panapress via Maxppp
Ce livre est dédié aux victimes de Hissène Habré. À la mémoire de Michael Ratner. Et à mon fils Zachary.
Préface
Retrouver un bout de leur dignité perdue. Voilà le but du combat que nous avons mené pendant deux décennies, avec Reed Brody. Rendre aux milliers de victimesdurégimedeHissèneHabréunpeudedignité.Par haine de l’injustice. Par haine de la servitude. Je suis une orpheline. À onze ans, je n’avais ni père ni mère. Je n’ai pas eu la même enfance que les autres enfants. J’ai appris à me battre seule. Mais même môme, j’exécrais l’injustice, un peu comme La Boétie qui écrivait qu’il « n’y a rien au monde de plus contraire à la nature, toute raisonnable, que l’injustice ». Voir une personne victime d’une injustice me rendait profondément triste. Je disais tout le temps « ce n’est pas juste » quand je marchais avec mes amis pour aller à l’école. C’était mon expression préférée. Alors, même petite, quand quelque chose n’était pas juste, j’étais capable de poursuivre seule l’auteur du forfait. Les autres me regardaient. Je voulais leur montrer que je pouvais me battre seule. Et j’ai compris qu’avec la haine de l’injustice et un peu de courage, on pouvait déplacer des montagnes. Les exactions commises par Habré et ses sbires en1978-1979, avant qu’il ne devienne président, m’ont poussée à l’exil à Brazzaville. Même loin de mon pays, je voyais que le régime Habré engendrait beaucoup d’orphelins. Ça me laissait un goût vraiment amer de voir des enfants dont les parents étaient morts à cause de la dictature, de la violence d’État, de la mégalomanie d’un homme brutal. Je me mettais facilement dans leur peau.
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La traque de Hissène Habré
Dans le même temps, je poursuivais des études de droit. Je me résignais à devenir avocate pour défendre les sans-voix, pour représenter ceux qui ne savaient même pas qu’ils avaient des droits. Un peu comme Aimé Césaire qui écrivait : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » Dès sa chute du pouvoir, j’ai commencé à imaginer le procès de Habré. Jeune avocate, je voulais me position-ner pour participer à son jugement. Je croyais, à tort, que le gouvernement tchadien chercherait à le poursuivre. Mais rapidement j’ai compris qu’il n’en serait rien. En voyant toutes ces victimes, ces veuves, ces orphelins au sortir des années Habré, la même rage, la même colèreface à l’injustice que je ressentais petite a refait surface. L’affaire Pinochet nous a encouragés : il était possiblede juger un ancien chef d’État. Mais on ne s’attaque pas à un dictateur toute seule. En Reed, j’ai alors trouvé un frère, un compagnon d’armes. Pourtant, tout nous distinguait et nous séparait. Il se battait pour la dignité humaine, pour mettre les puissants derrière les barreaux. Je me battais pour mon peuple, pour mon continent. Il pensait au monde et à l’humanité, je pensais à mes frères, mes sœurs, mes compatriotes. Dans un monde sans crime, nous ne nous serions pas rencontrés, pas connus. Mais le mal, la torture, les crimes de masse, les charniers, le malheur, la souffrance et la détresse des Tchadiens nous ont rassemblés. Dans un monde sans droits humains, nous nenous serions pas rencontrés non plus. Une avocate tchadienne et un avocat américain, quetout sépare, ont uni leurs forces pour la défense de valeurs universelles, et ont gagné. Malgré nos immenses différences et nos échecs répé-tés, malgré nos colères mutuelles et nos bagarres multiples,
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malgrésonathéismeetmonchristianisme,nousavonsrenduun peu d’honneur à des personnes sans voix, à des personnes sans liberté. Ensemble, nous avons partagé le fardeau de la campagne pour le jugement équitable de Hissène Habré. Comme l’a écrit Franz Fanon, Reed et moi, « nous ne sommes rien sur terre, si nous ne sommes pas d’abord lesclavedunecause,celledespeuplesetcelledelajusticeet de la liberté ». Mais que ce fut long ! Que ce fut difficile ! Que ce fut dangereux !
J’ai rencontré Reed pour la première fois à Dakar, en mai 2000. Des victimes venaient de déposer plainte contre Hissène Habré pour torture, crimes contre l’humanité, actes de torture et de barbarie. Nous avions fait le pari fou de saisir les juridictions sénégalaises en vertu de la Convention contre la torture. Au départ, Reed pensait que je ne serais pas à la hauteur de cette campagne. Mais le fait qu’il l’ait pensé et dit à certains de nos amis m’a d’autant plus encouragée à aller de l’avant, à travailler, à chercher, à savoir. Et finalement, Reed m’a beaucoup soutenu. Jamais il n’a occulté ma précarité, mes difficultés. Il a toujours cherché à m’aider. Dès qu’il voyait une opportunité, il pensait à moi.J’ai toujours été très touchée par toutes ces marques d’affec-tion et de solidarité. Elles ont une place indélébile dans mon cœur. Et au bout du compte, la vie de cet homme a été rythmée par la même obsession que la mienne : condamner Hissène Habré. Condamner Hissène Habré, de manière juste et équi-table, pour le Tchad, pour l’Afrique, pour le monde. Condamner un ancien dictateur pour tenir une victoire dans la lutte contre l’impunité. Condamner enfin un bourreau pour envoyer un signal fort aux tyrans qui anéantissent leur peuple et à ceux qui les soutiennent, au prétexte de certains combats, comme la
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La traque de Hissène Habré
guerre contre le terrorisme, au détriment des droits humains et des valeurs fondamentales. Et c’est Reed qui a imposé un rythme soutenu. Il a tiré tout le monde vers le haut, tant il travaillait, tant il avait le souci du détail. Je me souviens qu’à plusieurs reprises il m’a réveillée pour parler d’une nouvelle idée qu’il avait et qui nécessitait mon point de vue. Il ne regardait pas l’heure.Il fallait avancer. Il fallait réussir. Pour lui, il n’y avait pas de « tant pis ». Nous nous sommes beaucoup fâchés. Je lui reprochais de ne pas suffisamment écouter les autres, de n’écouter que lui-même. Au fil des années, il a appris à m’écouter, à aller dans mon sens aussi. Pendant quinze années, les survivants, les veuves et les orphelins du régime Habré, ainsi que nous, leurs soutiens et avocats, avons été les victimes de l’impunité. Alors que des politiciens et des diplomates se renvoyaient la « patate chaude » – comme les journalistes sénégalais surnommaient le cas Habré –, nous avons continué inlassablement à mobili-ser les victimes au Tchad, à enquêter, à documenter les crimes de masse. Nous sommes devenus le poil à gratter de ces hommes et femmes qui ont cherché à instiller la politique dans un combat pour le droit et la justice. Au Sénégal, Hissène Habré s’était tissé un réseau puissant de personnes – politiciens, patrons de presse et même leaders religieux – qui le protégeaient, sans égard pour leurs frères et sœurs tchadiens, morts dans des conditions abominables. Sans égard pour celles et ceux qui avaient fait de la défense de l’intérêt général un sacerdoce. Nous nous battions pour leur mémoire, quand d’autres tentaient de faire d’un despote criminel un sauveur de l’Afrique. Nous étions les avocats d’outre-tombe de ceux qui sont morts, ils étaient les gardiens d’un temple branlant : celui de l’impunité des puissants. Dans chaque grand combat contre l’impunité, dans chaque campagne pour la justice ou pour la transparence,
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