La Nouvelle Calédonie vers un destin commun ? , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2010

EAN13

9782811103422

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

La Nouvelle Calédonie vers un destin commun ?
Sous la direction de Elsa Faugère et Isabelle Merle
KARTHALA
LA NOUVELLE-CALÉDONIE,
VERS UN DESTIN COMMUN ?
Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre
KARTHALAsur internet : http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
Couverture : Création Isabelle Héraud.
© Éditions Karthala, 2010 ISBN : 978-2-8111-0342-2
SOUS LA DIRECTION DE Elsa Faugère et Isabelle Merle
La Nouvelle-Calédonie, vers un destin commun ?
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Mémoire et actualité du Pacifique K A R A P A A
Collection dirigée par Alban Bensa
Sociétés et États du Pacifique jouent de leurs héritages anthropologiques et historiques pour constituer des mondes originaux. Cette collection accueille des études de sciences sociales de première main qui montrent comment et en quoi les populations de l’Océanie d’aujourd’hui puisent en elles-mêmes et dans leurs interrelations les ressources de leur destin. Karapaa, la pirogue double qui permit le peuplement de l’Océanie, figure ce long travail d’accomplissement de soi dont les travaux ici publiés sont les témoins
Introduction
Isabelle MERLEet Elsa FAUGÈRE
Les accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) ont profondé-ment modifié le paysage institutionnel, politique, économique et social de la Nouvelle-Calédonie. Mais pas seulement. Ils ont aussi permis et favo-risé une dynamique de recherche en sciences sociales. On ne peut que souligner le développement soutenu des recherches menées localement dans divers domaines scientifiques et sous l’égide de plusieurs institu-1 tions telles que l’Agence de développement de la culture kanak , l’univer-sité du Pacifique, l’Institut d’agronomie calédonien (IAC), l’Institut de recherche et développement (IRD). On ne peut que se féliciter du renou-vellement problématique que connaissent certains secteurs de la recherche, nous citerons – l’histoire sans aucun doute sous l’angle en particulier d’une nouvelle sensibilisation au patrimoine, d’une volonté de recueillir et protéger l’histoire orale kanak, d’un souci pédagogique s’articulant à la nécessaire adaptation des programmes dans le cadre des transferts de compétence, de l’exploration de nouveaux objets – l’anthropologie du fait de l’émergence de nouvelles questions, foncières, juridiques, écono-miques, environnementales et développementalistes ou, plus récemment, touchant à la santé publique – la littérature, la musique et les arts, enfin, qui, localement, se sont à la fois renforcés et diversifiés. Les Accords de Matignon et de Nouméa ont eu un impact évident en Nouvelle-Calédonie mais aussi en Métropole, stimulant l’intérêt de jeunes chercheurs pour ce territoire qui, vu de France, apparaît si lointain. Depuis 1988, une nouvelle génération est venue poursuivre les efforts d’investigation entrepris par la précédente dans les années 1970. C’est sous l’impulsion en particulier de l’anthropologue Alban Bensa qu’un certain nombre de travaux – une dizaine de thèses de doctorat et de nombreux autres produits finaux – ont été menés à bien au cours de ces quinze dernières années dans le domaine tant historique qu’anthropolo-gique. De là est né un collectif de travail formalisé en 2003 dans le cadre
1. Nous respectons dans le texte la forme invariable du mot kanak proposé par l’Aca-démie des Langues Kanak et adoptée dans les textes officiels.
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LA NOUVELLE-CALÉDONIE, VERS UN DESTIN COMMUN ?
d’un groupement de recherche (GDR) du CNRS, placé sous la direction de Michel Naepels (anthropologue et chercheur CNRS) qui trouve sa cohérence dans des intérêts et des affinités scientifiques et amicales par-tagés et dans un programme et une épistémologie communes. S’il est à dominante anthropologique, ce groupe rassemble également d’autres spé-cialistes (venus de la psychologie, des sciences de l’éducation, de l’his-toire, de la géographie, de la sociologie) et s’inscrit dans une perspective où toutes les sciences sociales ont leur place, dans un dialogue fécond avec d’autres disciplines (santé publique, statistiques, économie, dévelop-pement durable, sciences de la nature). Le livre présenté ici est largement le résultat de cette dynamique col-lective, même si tous les membres du GDR n’ont pu y contribuer. Il donne un bon aperçu en premier lieu de choix épistémologiques résolu-ment inscrits dans une conception des sciences sociales qui place au cœur du travail l’enquête, fondée sur la production et l’analyse de données de premières mains (ethnographie de terrain, entretiens, récits de vie, obser-vations, archives, enquêtes quantitatives, etc.), attentive à l’interdiscipli-narité et aux réflexions méthodologiques que celle-ci engage, attentive aussi à saisir les processus sur la longue durée et dans la diachronie. Il donne aussi un bon aperçu de la diversité des travaux entrepris et assume la part d’éclectisme inhérente à l’exercice : le regroupement de textes qui reflètent des recherches impulsées par des choix et orientations singuliers. Cela étant, on sait à quel point les sciences sociales y compris historiques sont éminemment influencées et interpellées par les enjeux du moment. Les textes proposés témoignent de questions qui, aujourd’hui, traversent et travaillent la société calédonienne dans son ensemble. Ils évoquent de « nouveaux chantiers, nouveaux objets » dont on a pu voir certains échos dans le débat public local et dont on peut supposer qu’ils connaitront des développements dans les années futures. Organisé en trois volets, ce livre ouvre d’abord une réflexion sous le titre « Mémoires coloniales et destin commun » qui s’attache à explorer, sur la longue durée, les modalités d’un « pacte fondateur » aujourd’hui remis sur le métier par l’Accord de Nouméa. Il aborde ensuite une théma-tique consacrée aux nouveaux enjeux économiques et environnementaux, au cœur desquels on trouve les questions minières, la biodiversité et l’usage des ressources naturelles – questions étroitement liées à l’émer-gence de nouvelles formes de revendications autochtones. Le troisième volet porte sur les rapports de genre et d’âge, sujet qui a donné lieu ces dernières années à un intense débat public suite à la publi-cation de l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVFF) dont s’inspire l’étude « santé, conditions de vie et de sécurité des femmes calédonniennes » menée par Christine Salomon et Christine Hamelin en 2002-2003. La question de la citoyenneté calédonienne, placée au cœur de l’Ac-cord, est, dans le texte d’Isabelle Merle, travaillée au regard d’une his-toire coloniale et postcoloniale caractérisée par un étonnant paradoxe. La
INTRODUCTION
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Nouvelle-Calédonie fait figure de cas extrême dans l’histoire de l’Empire français où la population dite « indigène » fut longtemps et particulière-ment ignorée du droit, exclue jusqu’à 1932 et en réalité jusqu’en 1946, de toute possibilité d’accès à la citoyenneté française. Elle est aujourd’hui, reconnue comme l’une des deux seules « communautés autochtones » au sein de la République, pièce maitresse d’une citoyenneté calédonienne fondée sur un double statut juridique « coutumier » et de droit commun, dont la mise en œuvre n’a pu être possible qu’avec une réforme de la constitution française. Ce texte s’attache à retracer les méandres de la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie, illustrant à propos des Kanak, l’his-toire d’un déni juridique puis d’une reconnaissance qui fait aujourd’hui figure d’un modèle innovant quoiqu’en principe transitoire – processus de décolonisation oblige – en matière de droit coutumier au sein de la répu-blique française. L’Accord de Nouméa contient un préambule dont la relecture en 2008 est tout à fait intéressante au regard des « crises mémorielles » qui ont marqué l’actualité métropolitaine au cours des années récentes et, en particulier, les protestations provoquées par la loi du 23 février 2005 et son article 4 sur la reconnaissance dans les manuels scolaires du « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Alors que cette loi laisse transparaître la nostalgie de certains pour une œuvre coloniale qu’il conviendrait de défendre, l’Accord de Nouméa, signé 7 ans auparavant dans un autre contexte, tranche singulièrement. En évoquant tour à tour la présence ancienne d’un peuple qui fut nommé 2 e kanak et la venue auXIXsiècle d’une population largement métropoli-taine poussée par les déterminismes de l’époque, il affirme pour la pre-mière fois dans un document officiel la nécessaire reconnaissance du fait colonial et de ses effets destructeurs sur la population autochtone. Loin de s’engager dans la voie morale de la repentance que quelques auteurs 3 dénoncent comme le mal de notre époque , ce texte reconnaît plus simplement et très clairement la violence constitutive du processus colo-nial. Il pose en point 3 du préambule : « Le moment est venu de recon-naître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière. Le choc de la colonisation a constitué un trauma-tisme durable pour la population d’origine [...]. La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie et leur raison de vivre. De grandes souffrances en ont résulté. Il convient de faire mémoire de ses moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer
2. Écrit jusqu’aux années 1970canaqueavant que le terme ne soit repris et reven-diqué par le mouvement indépendantiste qui adopte le motkanak,issu de la forme an-e glaisekanakadont l’origine polynésienne signifiehommeet qui fut utilisée auXIXsiècle pour qualifier les travailleurs importés des îles Salomon et du Vanuatu pour travailler sur les plantations du Queensland. 3. Cf. En particulier Lefeuvre, 2007.
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LA NOUVELLE-CALÉDONIE, VERS UN DESTIN COMMUN ?
au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté partagée dans un destin commun. » Cette reconnaissance française du « fait colonial » et de ses violences, source de tensions et de polémiques lorsqu’il s’agit d’un territoire aussi proche que l’Algérie, a été approuvée sans l’ombre d’une contestation en 1998, à propos d’une île éloignée de la scène politique française dont l’histoire reste en métro-pole largement ignorée. Mais en Nouvelle-Calédonie même, comme le montre Adrian Muckle, en dépit des déclarations d’intention, la mise en œuvre d’une histoire et mémoire partagées reste un exercice redoutable-ment difficile. Partant d’un événement qui eut lieu en 1917 à l’ombre de la Grande Guerre – la rébellion kanak contre les colons et autorités fran-çaises qui se déroula dans le nord calédonien de part et d’autre de la Chaîne au niveau de Hienghène-Koné – Adrian Muckle suit le fil de la mémoire et des représentations qui en résultèrent, des années 1920 jusqu’à aujourd’hui. Une partie de l’histoire resta longtemps cachée dans le huis clos des familles et clans kanak qui subirent les effets de la répression, transmettant la mémoire d’un moment traumatique qui marqua dans la région un véritable tournant : la disparition d’un univers social kanak encore mobile au profit d’un ordre colonial rigide se traduisant par un repli des populations dans les réserves qui leur furent attribuées, l’adhé-sion massive au christianisme, la consolidation des chefferies administra-tives, l’imposition du travail forcé et du régime de l’indigénat. Parmi les Kanak, les uns sortirent vaincus, les autres vainqueurs de cette histoire qui nourrit encore aujourd’hui des souvenirs douloureux. Du côté euro-péen, on s’attela à délégitimer l’événement en faisant d’abord silence puis en construisant une version réductrice d’une rébellion décrite comme le dernier soubresaut de sociétés kanak encore « ensauvagées », malmenées par la conjoncture de la guerre et du recrutement militaire et la marche inéluctable de la colonisation. Cette lecture fait de la « révolte de 17 » un e événement mineur par rapport aux révoltes duXIXsiècle et en particulier celle de 1878, dénué d’actions ou de figures héroïques de la stature du chef Ataï. Elle a pu être encore soutenue dans les années 1990, au risque de heurter profondément les descendants kanak des révoltés qui défen-dent la mémoire du chef Noël de Tiamou, décapité en 1918. L’enjeu aujourd’hui, comme le souligne Adrian Muckle, n’est pas de construire une version historique consensuelle comme l’ont fait en d’autres temps et d’autres lieux des nations soucieuses de se doter d’une histoire fondatrice, mais plutôt d’accepter, reconnaître, soutenir et assumer la divergence et la contradiction de versions historiques produites par le passé colonial, afin que les uns et les autres puissent « s’entendre » au double sens du terme pour construire véritablement le « destin commun » que l’Accord de Nouméa appelle de ses vœux. Il y eut, dans la vie politique calédonienne, un projet paradoxal, qui entre 1950 et 1970 semblait répondre à ce vœu de destin commun. Sous la bannière « deux couleurs, un seul peuple », l’Union Calédonienne,
INTRODUCTION
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émergea en 1953 comme un parti qui se voulait débarrassé des oripeaux de la période coloniale, capable de rallier les tous nouveaux citoyens mélanésiens et les « petits » parmi les citoyens européens, pour devenir le pilier d’un pays modernisé sous le statut deTerritoire français d’outre-mer.Benoît Trépied revient sur ce que cache ce slogan aussi séduisant qu’étonnant dans un contexte encore profondément marqué par les ségré-gations et clivages de l’entre-deux-guerres. Il le fait en prenant le parti d’une socio-histoire du politique « au ras du sol », saisie sous l’angle d’un espace limité – la commune de Koné – espace d’observation et de terrain d’enquête qui lui permet d’approcher de près les destins croisés des Kanak, Asiatiques et Européens, résidents du lieu. Il nous dévoile les ressorts de la participation politique kanak placée sous la houlette d’asso-ciations missionnaires, protestante (AICLF) et catholique (UICALO), appuyées sur des « notables indigènes », chefs, moniteurs, diacres, qui furent avant-guerre les piliers de l’ordre colonial. Ceux-ci rallièrent l’Union Calédonienne car elle offrait des promesses d’améliorations concrètes des conditions de vie en tribu, dans le cadre d’un programme politique « modéré » excluant toute remise en cause plus radicale du lien à la France et des équilibres locaux. Benoît Trépied nous dévoile aussi les divisions d’un univers colonial européen qui permirent à l’Union Calédo-nienne de rallier lesoutsiders: contestataires anciens des hiérarchies coloniales et de l’emprise des maisons de commerce de Nouméa sur le colonat de brousse, contestataires nouveaux issus du monde ouvrier des mines découvrant, avec l’abolition des statuts d’engagement, de nou-velles solidarités salariales et syndicales. Le slogan « deux couleurs, un seul peuple », en réalité, recouvre deux courants, mélanésien et européen, qui s’ignorent largement, chacun ayant ses logiques propres. Il ne résis-tera pas à la montée des revendications indépendantistes à la fin des années 1970 et au brusque rappel de l’histoire qu’elles sous-tendent, une histoire coloniale clivée et violente. Marie Salaün aborde une autre question clé soulevée par l’Accord de Nouméa : les enjeux linguistiques dans un pays où, outre le français, il existe à l’heure actuelle 28 langues kanak vivantes, c’est à dire prati-quées, dont la défense est confiée à une Académie des Langues Kanak qui a été officiellement créée à l’issue d’un vote au Congrès en 2007. Il s’agit là d’une revendication kanak qui vise à sauvegarder un patrimoine linguistique dont la déperdition du fait de l’oralité est réelle face à la généralisation de l’usage du français et qui vise aussi à instaurer les langues kanak comme langues d’enseignement. D’où la demande expli-cite d’une Académie capable de travailler sur l’harmonisation des gra-phies et orthographes pour produire « des langues moyennes » ou langues standards « opérationnelles ». Marie Salaün explicite le défi que constitue « un acte de magie sociale transformant les “idiomes indigènes” de l’époque coloniale en “langues” vernaculaires, richesses du patrimoine mondial, fondement de l’identité kanak, objets et supports de l’enseigne-ment », et les enjeux de pouvoir dont l’Académie est le siège. Car en tant
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