La Chine vers l’économie de marché Les privatisations à Shenyang , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2004

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0

EAN13

9782845865198

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Antoine Kernen
La Chine vers l’économie de marché Les privatisations à Shenyang
Recherches internationales
LA CHINE VERS L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ
« Recherches internationales » est une collection du CERI, dirigée par Jean-François Bayart. Elle accueille des essais traitant des mutations du système inter-national et des sociétés politiques, à l’heure de la globalisation. Elle met l’accent sur la donnée fondamentale de notre temps : l’interface entre les relations internationales ou transnationales et les processus internes des sociétés politiques, que peut symboliser le fameux ruban de Möbius. Elle propose des analyses inédites et rigoureuses, intellectuellement exigeantes, écrites dans une langue claire, indépendantes des modes et des pouvoirs. Le CERI (Centre d’études et de recherches internationales) est un laboratoire de la Fondation nationale des sciences poli-tiques, associé au CNRS.
KARTHALA sur internet : http://www.karthala.com Le CERI sur internet : http://www.ceri-sciences-po.org
© Éditions KARTHALA, 2004 ISBN : 2-84586-519-8
Antoine Kernen
La Chine vers l’économie de marché Les privatisations à Shenyang
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
INTRODUCTION
Shenyang : une cité industrielle en crise
Shenyang est une métropole industrielle située dans le Nord-Est de la Chine à quelque 700 km de Pékin, au cœur des grandes plaines de Mandchourie. Si sa renommée ne dépasse guère aujourd’hui les frontières de la Chine, elle n’en demeure pas moins une ville de première importance tant au niveau de sa population de 6,5 millions d’habitants que de son poids écono-mique. Grâce au charbon extrait à Fushun, Liaoyang, Fuxin ou Anshan, les usines de Shenyang transforment l’acier produit dans les villes de Benxi ou d’Anshan en véhicules, en machines-outils ou en matériel militaire. Centre d’une des régions les plus industrielles et urbanisées de Chine, Shenyang n’est pas qu’une banale capitale provinciale. Sous le nom de Fengtian, puis de Mukden, elle a été naguère au cœur de conflits internationaux pour le contrôle de Mandchourie, ses e richesses minières attisant, dès la fin du XIX siècle, la convoiti-se des empires russe et japonais. D’ailleurs, au-delà des boule-versements et des conflits successifs qui ont marqué cette région, la mise en valeur ses richesses naturelles va être l’emblème d’une véritable continuité politique. L’histoire de Shenyang reste ainsi intimement liée à celle des minerais fer-reux et non ferreux, du charbon et d’une industrie lourde de transformation dans ses rôles successifs de chef-lieu de la pro-vince impériale du Fengtian, de centre politico-administratif du Manchukuo japonais et, enfin, de capitale de la province du Liaoning. Aujourd’hui encore, malgré vingt ans de développe-ment rapide des activités de services, l’industrie emploie près de
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LA CHINE VERS L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ
50 % de la population active de la ville. L’histoire récente de Shenyang se confond donc avec une industrialisation rapide marquée tout au long de ce processus par le rôle central de l’État. Dès lors, son désengagement de la gestion directe de l’économie depuis une dizaine d’années va créer une crise sans précédent. Les réformes débutées en 1978, qui ont marqué une réorientation de la politique économique en faveur de l’industrie légère et des zones côtières, n’a guère profité aux industries lourdes de Shenyang. La ville se trouve ainsi progressivement décentrée par rapport aux nouveaux pôles de croissance de l’économie chinoise.
INTRODUCTION
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Alors que sa richesse faisait rêver les Chinois il y a une ving-taine d’années, la ville est devenue aujourd’hui le symbole du chô-mage et de la nouvelle pauvreté urbaine. Sur les longs boulevards rectilignes bordés de murs de brique rouge qui quadrillent les quartiers industriels de la ville, des marchés où les chômeurs des entreprises d’État s’improvisent marchands pour survivre se multi-plient. Les cheminées des usines ne crachent plus leurs épaisses fumées noires balayées par un vent glacial, qui faisaient la fierté de la population. Ce vestige d’une autre époque est désormais relégué à la marge du processus de modernisation. Le rythme lent qui marquait la vie de cette capitale de l’acier sous le socialisme s’éternise dans une crise économique dont personne ne voit le bout. Pour mener à bien cette étude, j’ai choisi de m’intéresser aux stratégies d’acteurs durant cette période de « réformes écono-miques », en relevant, à la suite de M. Granovetter, que l’action économique est socialement située, encastrée dans les réseaux de 1 relations interpersonnelles . La mise en évidence de ces pratiques permettra de comprendre comment, depuis la légalisation du petit commerce privé, une individualisation de la propriété s’est opérée e avant son officialisation par le 15 Congrès du PC chinois en sep-tembre 1997. En effet, l’analyse des stratégies des citadins face à la transition ne nous cantonne pas dans l’anecdotique du quotidien des acteurs. Elle permet de faire apparaître la « privatisation par le bas » de l’économie à Shenyang, à l’image des « modes populaires 2 d’action politique » énoncés par J.-F. Bayart . Elle montre en parti-culier comment l’économie étatique est restée au centre de la priva-tisation, dès lors que dans cet ancien bastion de l’industrie lourde, le privé se construit essentiellement à partir du public. Les « che-vauchements » (straddling) entre positions étatiques et positions d’accumulation favorisent les mécanismes de reproduction sociale, 3 en ne transformant qu’à la marge les anciennes hiérarchies .
1. M. Granovetter,Le marché autrement. Les réseaux dans l’économie, Paris, Desclée de Brouwer, 2000. (Coll. Sociologie économique). 2. J.-F. Bayart, « L’énonciation du politique »,Revue française de science politique35 (3), juin 1985, pp. 343-373; J.-F. Bayart,L’État en Afrique, La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989. 3. S. Berry,Fathers Work for their Sons: Accumulation, Mobility and Class Formation in an Extended Yoruba Community, Berkeley, University of California Press, 1985.
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LA CHINE VERS L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ
Par là même, cette approche s’efforce de faire évoluer la problématique dont se sont inspirées les études consacrées aux réformes chinoises. A travers une grande diversité d’approches et de sujets, ces études ont privilégié le rôle de l’État – ou plutôt 4 de son retrait – dans la gestion du social et de l’économie . L’élargissement de la définition des acteurs des réformes et le parti pris monographique de l’analyse permettent, en donnant un sens aux pratiques qui semblent court-circuiter l’État, de dépasser l’analyse, longtemps dominante, en terme d’érosion de la toute-puissance de l’État à la faveur de la multiplication des réseaux. En effet, la « démaosation » a été souvent analysée sous l’angle de l’effritement d’un État totalitaire face au social ou à la société civile, notamment en France dans les premiers travaux sur les réformes. Certains faisaient dialoguer une socié-té qui reprenait vie après la parenthèse maoste avec un « État » largement extérieur au social. Les études du début des années 1980 mettaient l’accent sur le retour du social dans une perspec-tive diachronique, en relevant certains parallèles avec l’Empire 5 à la fin des Qing . Ces études ont le mérite d’avoir évité le para-digme, alors dominant, de l’avancée du marché et de la démo-cratie, pour expliquer la transition chinoise. Mais leurs limites communes sont d’avoir pensé la réforme comme une érosion de l’État résultant des résistances du social. La plupart se ratta-chaient à une démarche classique qui consiste à analyser des politiques publiques confrontées aux difficultés de leur mise en 6 œuvre . J.-L. Rocca, dans ses premiers travaux, avait déjà tenté
4. A. Kernen, « Shenyang : l’avant-garde du socialisme chinois à l’heure des privatisations », pp. 109-129 in : B. Hibou (dir.),La privatisation des Etats, Paris, Karthala, 1999 (Coll. Recherches internationales). 5. M.-C. Bergère, « Après Mao le retour du vieil homme »,Vingtième siècle Revue d’histoire1, 1994, pp. 31-45; J.-L. Domenach, Hua Chengming, Le mariage en ChineFondation nationale des sciences, Paris, Presses de la politiques, 1987. 6. Y. Chevrier, « Micropolitics and the Factory Director Responsibility System, 1984-1987 », pp. 106-132 in : D. Davis, E.F. Vogel (eds),Chinese Society on the Eve of Tiananmen, The Impact of the Reform, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1990 (Harvard Contemporary China Series. 7); J.-L. Domenach, « La Chine populaire et les aléas du totalitarisme », in : G. Hermet (éd.),Totalitarismes1984; J.-L. Domenach,, Paris, Economica, Chine : l’archipel oublié, Paris, Fayard, 1992.
INTRODUCTION
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de dépasser ce type d’analyse en montrant à travers les dysfonc-tionnements de l’État comment prenait corps une insertion de 7 l’État dans le social . Son analyse des diverses formes de la cor-ruption a rendu compte des chevauchements et des réseaux qui traversaient la société chinoise. L’analyse microsociale des modalités d’érosion de l’État maoste au contact de l’économie marchande et du concret des relations entre l’administration et ses administrés a constitué le principal apport de ses premiers travaux, sans toutefois que la question de la transformation de l’État dans la transition se trouve éclaircie. Il s’y attellera par la 8 suite . Or, comme l’analyse des privatisations à Shenyang va le montrer, ce processus se décline dans de nombreux domaines sur un mode très étatique. Force est donc de reconnaître que l’État chinois ne s’est pas complètement dilué dans le social, il reste un acteur central de la transition même si ses modalités d’interven-tion se transforment. Dès lors, la multiplication des réseaux doit être comprise comme participant de ce « nouveau mode de gou-vernementalité » dans la mesure où l’État continue à se construi-re tout en laissant se développer des pratiques qui a priori l’affai-blissent. C’est ce que je tenterai de montrer dans cette étude des réformes à Shenyang. La notion de « gouvernementalité » que J.-F. Bayart emprunte à M. Foucault « permet de penser l’“hétérogénéité du pouvoir”, c’est-à-dire les relations entre transformations sociales et mutations politiques; elle reformule en termes histo-9 riques et politiques la question centrale de la subjectivité » . Elle
7. J.-L. Rocca, « Corruption and its shadow: an anthropological view of corruption in China »,The China Quarterly130, juin 1992, pp. 401-416; J.-L. Rocca, « L’Etat entre chien et loups : résistance anti-fiscale et racket fiscal en Chine populaire »,Etudes chinoises11(2), 1992, pp. 77-140; J.-L. Rocca, « Pouvoir et corruption en Chine populaire »,Perspectives chi-noises11-12, janvier-février 1993, pp.12-23. 8. J.-L. Rocca, « L’entreprise, l’entrepreneur et le cadre, une approche de l’économie chinoise »,Les Etudes du CERI14, avril 1996; J.-L. Rocca, « Vers un Etat banal ? », pp. 227-245 in : B. Hibou (dir.),La privatisation des Etats, op. cit.; J.-L. Rocca, « L’évolution de la crise du travail dans la Chine urbaine »,Les Etudes du CERI65, avril 2000. 9. J.-F. Bayart, « La “politique du ventre” comme gouvernementalité en Afrique subsaharienne »,Le fait missionnaire : histoire et héritages, approche pluridisciplinaire(Lausanne) 6, 1998, p. 16.
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