L’image des quartiers populaires dans le roman antillais , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845863934

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Alexandra de Cauna L’image des quartiers populaires dans le roman antillais
KARTHALA
L¡IMAGE DES QUARTIERS POPULAIRES DANS LE ROMAN ANTILLAIS
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Le quartier Texaco, tableau, collection privée.
Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-393-4
Alexandra de Cauna
L¡image des quartiers populaires dans le roman antillais
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
Martinique et Guadeloupedeuxîles sœurs auxquelles sont immédiatement associés parfums, saveurs, sons et odeursbref, autant de mythes forgées par l’imaginaire romanesque depuis des siècles. Or, la littérature antillaise ne s’est pas arrêtée àde simples clichés touristiques, loin de là. C’est l’univers créole dans toute sa plénitude qu’elle a cherché au fil des époquesàretranscrire : un univers « mangrovien», complexe et foisonnant, aux contours sans cesse mouvants et qui aujourd’hui encore semble connaître de véritables mutations. Ces mutations, qui intéressent plus particulièrement le géographe, ne sont en fait qu’un rebondissement de plus dans l’histoire déjà« chaotique»de l’espace antillais. Il y a des siècles, l’économie de la plantation avait en effet organisé les territoires et populations antillaises. Les habitations ont ensuite laissé placeàl’économie des mornes faites de petits jardins créoles approvisionnant villes et campagnes. A son tour, cette période s’efface pour laisser les terres en friches et donner place àdesîles urbaines, dont la population se concentre dans la capitale. C’est làqu’elle travaille ou habite en reproduisant tant bienquemallemodèleeuropéen.LaMartiniquenest-ellepas qualifiée de « ville-île»; et quelle différence fait-on entre Pointe-àeuqialedreit-Ptenmioptrqeeullevilleunpeudynam métropole ? ZI, ZUP, rocades, HLM décrépis : rien ne manque au tableau. En fait, la période contemporaine est marquée très schématiquement par deux étapes : – en premier lieu, l’afflux des ruraux vers la ville, pendant les années 1950-1960, lors de la crise économique qu’ont connus les DOM. C’est cette population pauvre, ayant comme seule richesse sa force de travail et son savoir faire, quiàdonné naissance aux nombreux quartiers insalubres de la périphérie ;
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LES QUARTIERS POPULAIRES DANS LE ROMAN ANTILLAIS
– ensuite, ces îles connaissent, depuis les années 1970, une période très active de remise en ordre urbanistique (rénovation, réhabilitation). Ainsi, il nous a semblé intéressant d’étudier les grandes mutations de la géographie urbaine antillaise,àtravers l’exemple des quartiers d’habitat spontané, espaces concernés de façon toute particulière par ces bouleversements socioculturels. Globalement, il s’agit pour nous de mettre en lumière une géographie urbaine de plus en plus complexe, semblable, par de nombreux aspects,àcelle de toutes les grandes métropoles mondiales. Le phénomène de l’habitat spontané est dans une certaine mesure comparableàcelui des banlieues des métropoles européennes. Cette analyse est donc généralisableàcelle des espaces dits périphériques. Or, les traits communsàces espaces sont principalement les suivants : – ce sont des lieux de retombées. La périphérie reçoit ce dont le centre s’est débarrassé, en partie ou en totalité (décharges, cimetières), mais aussi des hommes (pauvres ou riches) venus des campagnes environnantes et aujourd’hui d’autres pays, voisins ou non (les quartiers insalubres guadeloupéens abritent de plus en plus une population haïtienne très pauvre) ; – ce sont des lieux aux activités spécifiques ou de subsistance : encore une fois, des activités que l’on ne peut trouver au centre (stations d’épuration, dépôts de carburants) ou des activités agricoles et d’autosubsistance telles celles que l’on pouvait trouver avant ; – ce sont des lieux de migrations journalières et de toutes sortes de flux invisibles (de l’entraide, du voisinage ou encore des réseaux économiques locaux jouant un rôle essentiel de quotidien) ; – ce sont des lieux de métissage, de conflits et de contradictions. Or, ces conflits sont parfois créateurs : il y a une oscillation permanente chez les jeunes entre l’affirmation identitaire culturelle et l’expression régressive. La périphérie exprime la double face de la ville, excluant et incluantàla fois, séparant et rapprochantElle se nourrit aussi bien d’anonymat de convivialité, d’aléatoire que de certitudes ; – enfin, les espaces périphériques sont aujourd’hui le champ d’action privilégié des urbanistes, qui essayent souvent de
INTRODUCTION
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concilier l’inconciliable et de trouver des palliatifs aux problèmes posés par la gestion de l’espace. L’habitat insalubre se situe majoritairement en périphérie, mais, malgré tous ces traits communs, il ne faut jamais perdre de vue la spécificité des quartiers antillais et de chaque espace. L’urbanisation effrénée des années 1950-1960 a engendré des paysages différents selon la géographie des lieux, le niveau de vie, les qualités d’adaptationDans les quartiers d’habitat spontané, oùl’on trouve encore 30 % de la population foyalaise par exemple (données INSEE 1990), la précarité des conditions de vie est visibleàtravers un habitat ne répondant pas aux normes occidentales de salubrité et de sécurité dites « standards». Ce sont toutes les facettes de la marginalité que nous allons étudier dans ces quartiers :àsavoir, le rapport de ces quartiers aux autres structures de « l’urbain antillais», leur fonctionnement interne, l’impact de l’espace sur les modes de vie et représentations socioculturelles d’une part et, d’autre part, l’influence de la culture sur les modes d’organisation de l’espace. Pour analyser tout cela, il faut donc s’en remettreàla complexité des lieux : celles des architectures, des réseaux des métiers, mais des hommes aussi. Cette complexité est d’autant plus intéressante qu’elle est, dans les quartiers populaires, le véritable reflet de toute une société, la société antillaise et ses équilibres socioculturels toujours provisoires. Il faut alors bien comprendre que ces lieux conviviaux, déployant leurs propres mécanismes d’organisation, ne peuvent être compris et analysés que par d’autres méthodes d’analyse et de lecture de l’espace fondées sur le vécu afin d’apprécier et de définir de nouvelles stratégies d’opération en matière d’aménagement. Ils ne peuvent qu’être compris et analysés de l’intérieur. L’apport de la littérature apparaît essentiel : en effet, le romancier plus que tout autre ressent et exprime ces évolutions rapides et déstabilisantes de l’urbain, des évolutions qui fascinent et inquiètentàla fois. Comme me l’expliquait E. Pépin, célèbre écrivain guadeloupéen, «àl’heure des Mac Donald, de la télévision et d’Internet, les croyances se sont estompées et l’évolution de l’habitat, la consommation de modèles extérieurs, l’insécurité et la drogue ont changé la matière même de la vie»rtlestueê-.eP écrivains,euxseuls,peuvent-ilsdéchiffrerceslieuxet,parleur
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LES QUARTIERS POPULAIRES DANS LE ROMAN ANTILLAIS
écriture, pousser de véritables cris d’alarme qui méritent d’être entendus. Toujours selon ce romancier, la relation de l’écrivain àun lieu est « liéeàun vécu,àdes émotions, mais aussiàune conscience de l’histoire». Et, c’est grâceàune « connaissance intime, intuitive et poétique»de ce lieu que l’écrivain peut nous en restituer « l’âme et l’identité»(E. Pépin).
Le contexte disciplinaire : la géographie culturelle
Nous avons ainsi choisi de mener notre étude dans un cadre de géographie culturelle qui consisteàanalyser et utiliser les apports de la littératureàla géographie. Globalement, la géographie culturelle s’attache aux interactions entre phénomènes géographiques (espaces, milieux, territoire, région) et culturels (identité, valeur, mémoire, représentation, vécu). Plus particulièrement, elle essaye de cerner l’ensemble des traits distinctifs : spirituels et matériels qui caractérisent la société dans son rapportàl’espace. La géographie humaniste en est l’un des volets, elle essaye surtout de comprendre les motivations et le sens des choix des individus dans l’espace. Le thème des représentations est pour nous très intéressant : les représentations, images mentales émergeant de notre personnalité ou de notre culture, de notre désir de comprendre et de notre volonté d’agir sont devenues un concept géographique fondamental. C’est sans douteàpartir de làque les géographes ont compris que leur discipline pouvait renouveler ces outils de réflexion et de travail en s’attachant aux œuvres littéraires. Ces dernières ne sont-elles pas les principaux supports des représentations socioculturelles d’un peuple ? Ainsi, c’est dans un contexte de renouveau de la géographie culturelle, autour des années 1970, que les liens entre littérature et géographie se sont développés. Dès lors, les lieux ne sont plus seulement forme et couleur, rationalité fonctionnelle et économique, mais ils sont chargés de sens pour ceux qui y habitent et les fréquentent. Ce sont les sites de l’expérience humaine, individuelle et collective. Les travaux sur le sens des lieux, la perception de l’espace, représenté ou perçu, se
INTRODUCTION
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multiplient. Le roman devient de plus en plus un outil de travail : l’intuition subtile des romanciers, leur prise de position par rapport au monde, leur mission de porte-parole, de « retranscripteur » de l’imaginaire collectif, les messages que leurs écrits délivrentsont autant de données fondamentales, riches et instructives pour le géographe. Ce contexte est aussi un contexte de réaction contre la géographie positiviste, « science de l’espace abstraite et désincarnée»(Julien Gracq), « incapable de faire vivre un lieu, reflet d’une société sans territoire niâme»(Tissier). C’est une réaction contre la quantification et modélisation des systèmes. Or, c’est sur ces critères-là(objectivité/subjectivité, quantité/ qualité) que l’on pourraita prioridifférencier géographie et littérature : la géographie ne nous livre-t-elle pas un monde borné, découpé en quartiers, un ensemble contigu, mesuré et décrit selon des méthodes et une intention explicites – alors qu’en littérature, le monde nous est livré dans son foisonnement, c’est un monde dessiné par l’écrivain, un monde reconstitué oùl’imaginaire et le réel se côtoient (Levy, 1997) ? Mais détrompons-nous, la littérature n’est en réalité qu’une autre forme de conceptualisation scientifique. Le langage littéraire permet d’aborder autrement les théories établies. On compose alors un autre discours, certes, mais un discours scientifique. Ce langage possède en fait une foule de concepts géographiques dont il faut chercher le sens afin d’étendre leur significationànotre discipline. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’ont fait ces « grands»de la géographie : Frémont ou Claval et, bien avant, ces précurseurs qu’étaient Dardel ou Vidal de la Blache ? Frémont, tout d’abord, qui, étudiant la région normande et surtout le pays de Cauxàtravers les écrits de Flaubert et de Maupassant, écrivait alors : « Il faut prendre cette œuvre (de Maupassant) comme objet d’étude pour ce qu’elle révèle d’irremplaçable sur les lieux et les hommes, pour ce qu’elle cerne des subtilités de sa perception, làoùse bloquent les analyses scientifiques les plus pertinentes et làoùs’arrêtent les meilleurs calculs»(Frémont 1978). QuantàClaval, il a même élaboré une théorie sur l’espace romanesque et la liaison entre le narratif et le descriptif, en privilégiant non pas l’exactitude des détails (la valeur documentaire des romans) mais la forme romanesque, révélatrice de la structure même de l’expérience humaine et de
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