L’anticléricalisme dans la Caraïbe francophone Un « article importé » ? 1870-1911 , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

EAN13

9782845866836

Langue

Français

Philippe Delisle L’anticléricalisme dans la Caraïbe francophone
Un « article importé » ? 1870-1911
KARTHALA
L’ANTICLÉRICALISME DANS LA CARAÏBE FRANCOPHONE
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture : Trois leaders républicains en Martinique e auXIXsiècle. De gauche à droite : Ernest Deproge, Victor Allègre, Marius Hurard. Collection privée.
¤Éditions KARTHALA, 2005 ISBN : 2-84586-683-6
Philippe Delisle
L’anticléricalisme dans la Caraïbe francophone
Un « article importé » ?
1870-1911
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
En 1976, René Rémond avait dressé un premier tableau de e l’anticléricalisme français auXIXsiècle. Explorant la presse, les discours ou les romans, il s’était attaché à tracer les contours 1 d’une véritable idéologie politique . Depuis lors, d’autres histo-riens se sont penchés sur le thème, l’abordant sous des angles un peu différents et permettant aux connaissances de s’affiner. On pense notamment à la magistrale étude de Jacqueline Lalouette sur la Libre Pensée en France, de la Seconde 2 République à la seconde guerre mondiale . Les travaux sur la laïcité, c’est-à-dire la mise en place d’un État sans références religieuses, ou encore sur la sécularisation, processus social de perte des valeurs chrétiennes, touchent évidemment de près ou de loin à la question de l’anticléricalisme. On peut ainsi citer les récentes études de Jean Baubérot sur la constitution d’une morale nouvelle, de Patrick Cabanel sur les racines protestantes de l’idée laïque, ou encore d’Émile Poulat sur la mise en place 3 d’un régime public de neutralité religieuse . Une vague de commémorations est d’ailleurs venue renforcer l’intérêt des
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René Rémond,L’anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Paris, Fayard, 1976, rééd. : Complexe, 1985, 378 p. Jacqueline Lalouette,La libre pensée en France 1848-1940, Paris, Albin Michel, 1997, 636 p. Jean Baubérot,La morale laïque contre l’ordre moral, Paris, Seuil, 1997, 362 p. ; Patrick Cabanel,Le Dieu de la République. Aux sources protestantes de la laïcité (1860-1900), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, 282 p. ; Émile Poulat,Notre laïcité publique, Paris, Berg international, 2003, 415 p.
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L’ANTICLÉRICALISME DANS LACARAÏBE FRANCOPHONE
historiens pour les questions de l’anticléricalisme et de la laïcité. Le centenaire des lois anti-congréganistes de 1901 et de 1904 a donné lieu à plusieurs colloques, historiques aussi bien que 4 juridiques . De même, l’anniversaire à venir de la loi de Séparation entre l’Église et l’État suscitera à coup sûr de 5 multiples initiatives . Les études sur l’anticléricalisme français accordent en général peu de place au problème des colonies. On connaît évidemment la célèbre formule prononcée par Gambetta en 1876, et reprise par Paul Bert quelques années plus tard : « l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation ». Certains exemples paraissent confirmer cette sentence. Ainsi, les travaux de Joseph-Roger de Benoist montrent qu’au Soudan français, entre 1888 et 1900, alors que l’anticléricalisme triomphe en métropole, l’adminis-tration collabore au quotidien avec les missionnaires catho-liques. Jugeant l’action scolaire des ecclésiastiques favorable à l’œuvre coloniale, elle subventionne des établissements comme celui de Kita, en accordant des fonds pour l’habillement et la nourriture des élèves, l’entretien des bâtiments ou encore la rétribution des interprètes. Un mouvement de laïcisation des écoles sera lancé à partir de 1903, mais les tensions retomberont 6 rapidement . Cependant, comme le fait observer Émile Poulat dans sa récente synthèse sur la construction de la laïcité publique, l’attitude de l’administration coloniale varie très largement selon les territoires pris en compte. L’auteur souligne par exemple que la loi de Séparation de 1905 ne sera jamais étendue à l’Indochine, alors qu’elle est appliquée en Martinique 7 et en Guadeloupe en 1911 .
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Les actes de certains de ces colloques ont déjà été publiés. Voir, par exemple, Jacqueline Lalouette et Jean-Pierre Machelon (dir.), Les er congrégations hors la loi ? Autour de la loi du 1 juillet 1901, Letouzey et Ané, 2002, 304 p. Dès les 23 et 24 janvier 2004, une rencontre a été organisée à l’Université de Lyon III sur le thème : « La séparation des Églises et de l’État : les hommes et les lieux ». Joseph-Roger de Benoist,Église et pouvoir colonial au Soudan français. Administrateurs et missionnaires dans la boucle du Niger (1885-1945), Paris, Karthala, 1987, p. 69-234. Émile Poulat,op. cit., p. 92-101.
INTRODUCTION
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Nos travaux sur l’histoire religieuse des Antilles françaises nous ont d’ailleurs permis de saisir toute l’importance de l’anticléricalisme dans cette région. Dès les années 1880, une offensive anti-congréganiste se développe en effet en Martinique et en Guadeloupe. Mieux, il nous est apparu que dans les deux îles, à l’inverse de ce qui peut être observé dans la plupart des autres possessions françaises d’outre-mer, le discours anticlérical émane non seulement de l’administration, mais aussi et surtout de la population locale. Un tel phénomène renvoie aux caractères spécifiques des « vieilles colonies ». Les Antilles françaises sont en effet peuplées en majorité d’anciens esclaves, qui ont été libérés en 1848 et dotés en même temps des droits civiques. Dès les débuts de la Troisième République, le rétablissement du suffrage universel, mis entre parenthèses sous le Second Empire, a permis à la bourgeoisie de couleur de s’emparer du pouvoir politique. La nouvelle élite adhère avec passion aux grandes valeurs républicaines, et notamment à 8 l’idéal de laïcité . L’étude de l’anticléricalisme en Martinique comme en Guadeloupe présente donc l’immense intérêt qu’elle ne se limite pas à une simple description des décisions de l’administration coloniale. Par delà le processus d’importation du discours métropolitain, se révèle un mouvement de ré-appropriation, qui nous amènera à nous demander dans quelle mesure l’anticléricalisme antillais forme une idéologie « créole », c’est-à-dire recomposée sur place. Toutefois, de nouvelles recherches sur l’île indépendante d’Haïti nous ont démontré que l’influence culturelle de la Troisième République dépassait parfois le cadre des colonies. Bien qu’elle ait officiellement rejeté la domination française en 1804, la « République noire » conserve en effet des liens intellectuels assez étroits avec son ancienne métropole. Après avoir fait appel à des missionnaires catholiques bretons, les élites dirigeantes, désireuses de prouver au monde que leur jeune pays est capable de rivaliser avec les nations les plus
8.
Philippe Delisle,Histoire religieuse des Antilles et de la Guyane françaises. Des chrétientés sous les tropiques ? 1815-1911, Paris, Karthala, 2000, p. 265-285.
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L’ANTICLÉRICALISME DANS LACARAÏBE FRANCOPHONE
« civilisées », tournent ostensiblement leurs regards vers 9 l’idéologie républicaine française . Une analyse comparative de l’anticléricalisme en Martinique, en Guadeloupe et en Haïti semble donc tout à fait opportune. Elle permettra à la fois de mesurer l’influence réelle de la culture française dans la Caraïbe, et de s’interroger sur les spécificités du discours développé dans chacune des trois îles. Nous avons choisi de privilégier un cadre chronologique propre aux possessions françaises, mais qui n’est pas exempt de sens pour la « République noire ». Les années 1870 sont en effet marquées dans les trois îles par un rapide développement du discours anticlérical. La date de 1911 représente un point d’aboutis-sement pour les Antilles françaises, puisque la loi de Séparation y est alors appliquée par décret. Mais elle précède de peu l’année 1915, qui voit les troupes américaines s’emparer d’Haïti, et donc les débats se focaliser sur de nouveaux problèmes... Pour mener cette étude, nous nous sommes penchés sur un ensemble de textes assez variés. Les documents manuscrits conservés aux Archives nationales de Paris ou d’Aix-en-Provence concernent plus la mise en place d’une législation laïque que l’anticléricalisme proprement dit. Enrichis par quelques sondages dans les bulletins officiels antillais, ils permettent toutefois de fixer le cadre chronologique des débats. Afin de revenir aux acteurs directs, nous avons dépouillé les correspondances entretenues par les loges locales avec le Grand Orient de France. Au milieu de comptes-rendus d’élections, de rapports financiers, ou de demandes de diplômes, on trouve parfois mention de l’attitude des francs maçons antillais vis-à-vis du clergé catholique. Cependant, pour qui veut étudier le discours anticlérical créole, la presse locale républicaine, modérée, radicale ou socialiste, joue un rôle déterminant. Après un premier dépouillement, nous avons observé que certains journaux, tels queL’Indépendanten Martinique, n’accordaient aucune place à la lutte contre le cléricalisme. Pour les autres, nous avons opéré par sondages, la lecture complète des séries
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e Philippe Delisle,Le catholicisme en Haïti auXIXsiècle. Le rêve d’une « Bretagne noire » (1860-1915), Paris, Karthala, 2003, p. 123-145.
INTRODUCTION
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conservées dans les différents dépôts d’archives se révélant peu productive, du fait de la forte tendance à la répétition. Nous avons choisi, lorsque c’était possible, de consulter les années correspondant à des débats importants autour du cléricalisme. Ainsi, pour le journal martiniquaisLes Colonies, nous avons repris de manière suivie les années 1882-1883, au cours desquelles se déploie une offensive en faveur de la laïcisation de l’enseignement, puis l’année 1894, lors de laquelle l’évêque doit affronter de fortes critiques, et enfin l’année 1901, moment de vives polémiques avec le titre radicalL’Opinionautour des questions religieuses. Pour tenter de préciser un peu l’analyse du discours, nous nous sommes penchés sur les récits et études e concernant la Caraïbe publiés au cours duXIX siècle, et qui présentent un caractère anticlérical. Signalons à ce propos que, au moins pour les deux îles françaises, les ouvrages rédigés par des auteurs locaux sont assez rares. Les essais ou récits de voyage composés par des métropolitains sont plus nombreux, et permettent de prendre la mesure de la pression exercée depuis l’extérieur sur les élites antillaises. Pour finir, désireux de ne pas négliger les « cibles » de l’anticléricalisme, nous avons recouru aux fonds des principales congrégations religieuses opérant dans la Caraïbe francophone. Une telle approche s’est révélée très féconde dans le cas de la jeune République haïtienne, peu présente dans les dépôts d’archives évoqués précédemment, puisqu’elle n’entretient plus guère de liens avec l’administration ou la franc-maçonnerie parisiennes. Il convient d’ailleurs de souligner que les archives des communautés missionnaires ne contiennent pas seulement des documents émanant d’ecclésias-tiques, mais qu’elles recèlent aussi nombre de correspondances administratives, d’extraits de journaux, ou de procès-verbaux de réunions des assemblées locales...
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