Écrivains francophones en exil à Paris Entre cosmopolitisme et marginalité , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2012

EAN13

9782811106362

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Xavier Garnier et Jean-Philippe Warren (dir.)
Écrivains francophones en exil à Paris
Entre cosmopolitisme et marginalité
KARTHALA
ÉCRIVAINS FRANCOPHONES EN EXILÀPARIS
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Couverture :«Minuit», inMaurice Cocagnac, dominicain peintre et voyageur, Paris, Karthala, 2008.
Éditions KARTHALA, 2012 ISBN : 978-2-8111-0636-2
Xavier Garnier et Jean-Philippe Warren (dir.)
Écrivains francophones en exil à Paris
Entre cosmopolitisme et marginalité
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
Cet ouvrage est publiéavec le concours du Centre de recherches« Écritures de la modernité » de luniversitéde la Sorbonne Nouvelle.
INTRODUCTION
Traversées de l’exil
L’exil est une école de vertige. (Cioran)
Paris soigne son image de villeaccueillante pour les artistes 1 et lesécrivains venus du monde entier . Depuis très longtemps, en effet, ils furent nombreuxàadopter cette destination comme 2 une sorte de patrie cosmopolite de lart et de la littérature . LAméricain Henry Miller et lEspagnol Juan Goytisolo sy 3 sontétablis , tandis que Samuel Beckett et Hector Bianciotti 4 allaient jusqu’àadopter la langue française dans leur pratique littéraire. Des travaux récents nous ont mieux fait connaître les
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Occultant le fait quelle fut aussi génératrice dexilsne pensons ici qu’àVictor Hugo. Voir par exemple Efstratia OKTAPODALUet Vassiliki LALAGIANNI, «Le véritable exil est toujours intérieur : imaginaire et métissage chez lesécrivains francophones grecs»,French Forum, vol. 30, n°3, automne 2005, p. 111139. Ou encore la troisième partie intitulée«Le Paris des lettres»(avec des textes de Carolyn Burke, Mario Carelli, Christiane Séris, François Livi, Hana VoisineJechova et Ewa Bérard Zarzycka) de louvrage dAndréKASPIet Antoine MARÈS(dir.),Le Paris des étrangers depuis un siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1989. Claude GOROKHOFF,«Les Paris de lexil»,Revuebelge de philologie et dhistoire, Tome 59, fasc. 3, 1981, p. 597619. Axel GASQUET,«Lesécrivainsétrangers dexpression française», introductionàun numéro spécial deLEsprit créateur, vol. 44, n°2,été 2004, p. 310.
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ÉCRIVAINSFRANCOPHONES EN EXILÀPARIS
trajectoires de cesécrivainsqui ont fait de la capitale française leur terre dadoption, ce qui a permis de découvrir les tensions inévitablesparfois stériles, souvent fécondesqui ont accom pagnéces différents cheminements. Sil est connu que Paris sest retrouvée, pendant la plus e grande partie duXXsiècle, la capitale de la république mondiale 5 des lettres , il semble que la vie du groupe desécrivains franco phones qui sy sont installés na pas encoreétéassezétudiée systématiquement. On sait pourtant que Paris a occasionnel lement généréchez ces derniers des sentiments concurrents dattachement et de déracinement plus aigus que chez des immi grants qui n’étaient pas de langue française. Fuyant la persécution ou simplement lexiguïtéde leur patrie dorigine, ces «expatriés du dedans de la francophonie»se sont sentisàla fois accueillis et repoussés par une France qui ne cessait de les fasciner. Cest ainsi que, resserrant les interrogations qui ont entre autres servi de base aux réflexions du livre collectifDans le e6 dehors du mondeExils d’écrivains et dartistes auXXsiècle, il paraît instructif d’étudier, comme dans un miroir grossissant, les phénomènes didentification, de rejet et de sublimation qui
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Pascale CASANOVA,La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 2008. Livak Leonid,«Histoire de la littérature russe en exil : la période héroïquede la jeune poésie russeàParis»,Revue desétudes slaves, Tome 73, fasc. 1, 2001. p. 133150. JeanPierre MOREL, Wolfgang ASHOLTet GeorgesArthur GOLDSCHMIDT(dir.),Dans le dehors du mondeExils d’écrivains et e dartistes auXXsiècle, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2010. On consultera aussi avec profit Marc MICHAUD(dir.),«Exil et traditions / Exil ou traditions. Minorités etécrivains de la minorité », Paris,Cahiers du Cirhill, n°27, LHarmattan, 2005 ; Béatrice CACERES (dir.),«Exils et créations littéraires», Paris,Cahiers du Cirhill, n°24, LHarmattan, 2001. Béatrice CACERESet Yannick LEBOULICAULT (dir.),«Lesécrivains de lexil : cosmopolitisme ou ethnicité », Paris, Cahiers du Cirhill, n°25, LHarmattan, 2002. Anissa TALAHITEMODDLEY(dir.),Problématiques identitaires et discours de lexil dans les littératures francophones, Ottawa, Les Presses de lUniversité dOttawa, 2007. Sur Paris conçu comme un lieu de refuge, de création et de légitimation pour les vagues migrantes successives, lire André KASPIet Antoine MARÈS(dir.),Le Paris desétrangers depuis un siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1989. Antoine MARÈSet Pierre MILZA (dir.),Le Paris desétrangers depuis 1945, Paris, 1994.
INTRODUCTION
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ont animélesécrivains francophonesétrangers ayant choisi,au moins temporairement, la France comme pays dadoption. Cest dans la tension entre une langue et un lieu que nous nous proposons de débrouiller,àpartir de quelques cas d’écrivains, ce que lexpérience dun exil parisien pourra révéler 7 comme vision du monde. Les francophones américains, européens, africains ou asiatiques sontils condamnésàvivre en 8 «exil» àEt de quel exilParis ? notion fuyante sil en estparleton ? Quels effets de distanciation ou de fausses compli cités sont générés par le partage dune même langue aux multiples accents ? Lesécrivains francophones sontils mieux placés pour faire apparaître laspect grandiose ouétriquéde la Ville lumière ? Le refus de faire une placeàl’écrivain franco phoneétranger estil seulement un signe de colonialisme larvé? Le francophoneétranger nestil au fond quun«provincial», au même titre que le Breton ou le Marseillais ? Quel Paris (car il y en a plusieurs) aétéimaginéet vécu par les francophones de passage ? Pour répondreàces questions, cet ouvrage collectif offre quelques cas d’écrivains francophones qui ont témoigné, e auXXsiècle, de cette difficultéressentieàse fondre dans le monde parisien des arts et des lettres.
Venir à Paris pour mettre le monde en perspective
Depuis deux ou trois siècles, la force dattraction de Paris sintensifie ou samenuiseàl’évidence selon les générations, les pays et les régions, les genres artistiques et littéraires, les courants esthétiques, les allégeances politiques, les personna
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«Francophones»comprend ici lesécrivains de langue maternelle française et ceux qui ont adoptéle français comme langue d’écriture. JeanPierre MOREL,«Penser lexil,écrire lexil», dansDans ledehors du monde, p. 1120. Lire aussi Charles BONN,«Exil, quel exil ?», dans Anissa TalahiteModdley (dir.),Problématiques identitaires et discours de lexil dans les littératures francophones, Ottawa, Les Presses de lUniversitédOttawa, 2007, p.IV.
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lités. De manière générale, on saittoutefois que son hégémonie e culturelle commenceàdécliner dès la fin duXIXsiècle, et 9 encore davantage dans lCela ne lentredeuxguerres . empêche pas dexercer tout au long du dernier siècle une réelle fasci nation sur lesécrivains malgaches, québécois, belges ou algériens, attirance qui va bie n audelàde celle que peuvent exercer dautres métropoles culturelles comme Londres, Vienne, Berlin, Rome, Moscou ou New York. Paris,écrivait Andrée 10 Chedid, est«le plus propice endroit oùlon peutêtre libre». Il y a bel et bien un mythe de Paris«centre du monde»nourri de tous les fantasmes, de toutes les attentes, de tous les préjugés, de 11 toutes les images dune France rêvée . Paris incarne un modèle de bon goût, de bon sens, de modernité, de liberté, de justice. Mais elle est aussiet peutêtre plus encore dans le cœur des écrivains francophilespar ses salons, ses prix, ses maisons d’édition, ses musées, ses galeries, ses théâtres, ses journaux et 12 ses cafés, une véritable instance de consécration . Voilàpourquoi Paris peut générer un sentiment dexil chez ceuxlàmême qui ny ont jamais mis les pieds. Mireille Calle Gruber, dans le chapitre quelle consacreàAssia Djebar, définit lexil comme«la présence dune absence», cette définition qui met lexil sous le sceau du«fantomatique»vaut pour ceux qui en sont absents physiquement et présents mentalement. De fait, Paris est par excellence la ville de lesprit, pour le poète malgache JeanJoseph Rabearivelo, qui na jamais pu sy rendre physiquement mais dont Claire Riffard montre quil yétait constamment présent en esprit. Le«mythe de Paris»crée un sentiment dexil préalable, très fort dans le cas desécrivains des
9. Christophe PROCHASSON,Paris 1900. Essaidhistoire culturelle, Paris, CalmannLévy, 1999. 10. Citée par Robert JOUANNY,Singularités francophones, ou choisir d’écrire en français, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 84. Sur les pôles dattraction culturelle dans l: Liseespace francophone GAUVIN(dir.),Les métropoles culturelles dans lespace francophone, Montréal, Hurtubise, 2011. 11. Titiana VICTOROFF,«Lexil aucentre du monde: les Russesà Paris», dansDans le dehors du monde, p. 2338. 12. JeanYves MOLLIER,«Paris, capitaleéditoriale des mondesétrangers», dansLe Paris desétrangers depuis 1945, p. 373394.
INTRODUCTION
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colonies,qui donnera ensuite une couleur particulièreàlexil parisien, une fois que le voyage tant attendu aura eu lieu. Le rêve de Paris exile lesécrivains de leur lieu dorigine, et l’épreuve de Paris, en malmenant ce rêve, provoque un exil au second degré, qui va nous intéresser ici. Lidée de vivre dans un«haut lieu», toujours dangereuse, peut provoquer diverses réactions : certains se sentiront auréolés dune gloire parisienne quils tenteront de monnayer symboli quement au moment du retour ; dautres craindront de ne pas être la hauteur du lieu et nourriront un complexe dinférioritéou de honte qui sera le déclencheur dune nouvelleécriture. Jean Philippe Warren et Michel Lacroixàpropos des Canadiens e français du début duXXsiècle, Claire Riffard et Xavier Garnier àicains de lpropos des intellectuels afr ’époque coloniale, montrent que lenthousiasme pour Paris est la meilleure façon 13 de préparer le sentiment dMais cette blessure est aussiexil . une formidable occasion d’écrire, lexilétant, comme on le sait, un des moteurs les plus puissants de lexpression littéraire. Cest bienàParis, par exemple, quAiméCésaire aécrit leCahier dun retour au pays natal. Les analyses de Régine Robin sur sa propre expérience dun exil parisien comme effetretour de son exil montréalais et celles de Mireille CalleGruber sur«l’écri ture fugitive»dAssia Djebar entre Alger et Paris convergent quantàla possibilitéde mettreàprofit, par l’écriture, la charge dexil condenséeàParis. Les textes rassemblés ici permettent de comprendre quil est existe un type dexil particulier, attaché àla ville de Paris. Dans saVie de Samuel Belet, CharlesFerdinand Ramuz rend Paris responsable de la séparation de deux amis dont lun est pris par la vie des cafés et le monde des idées. Parce quil ne partage plus les idées de son camarade, Samuel Belet le perdàson grand regret :«Questce queça fait nos idées ? Estce par la 14 cervelle seulement quon se tient ?»Cette ville déterritoria
13. Pascal ORY,«Paris, lieu de création et de légitimation internationale», dansLe Paris desétrangers depuis 1945, p. 359372. 14. CharlesFerdinand RAMUZ,Vie de Samuel Belet[1944], Paris, Gallimard,«LImaginaire», 2005, p. 200.
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