Écologie politique d’un désastre Le Honduras après l’ouragan Mitch , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

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0

EAN13

9782845866577

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

André-Marcel d’Ans
Écologie politique d’un désastre
Le Honduras après l’ouragan Mitch
KARTHALA
ÉCOLOGIE POLITIQUE D’UN DÉSASTRE
LE HONDURAS APRÈS L’OURAGAN MITCH
DU MÊME AUTEUR
L’Amazonie péruvienne indigène, Payot, Paris, 1982. Haïti, paysage et société, Karthala, Paris, 1987. Le Dit des Vrais Hommes. Mythes, contes, légendes et traditions des Indiens Cashinahuas, Gallimard, Paris, 1991. Le Honduras, difficile émergence d’une nation, d’un État, Karthala, Paris, 1997. La nuit de qui ?,Desclée de Brouwer, Paris, 2002.
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com
Couverture : À l’aube du 31 octobre 1998, les habitants de Tegucigalpa observent le début de la décrue du fleuve qui a détruit le centre de leur ville au cours de la nuit précédente (Photo : Yuri CORTEZ/AFP).
© Éditions Karthala, 2005 ISBN : 2-84586-657-7
André-Marcel d’Ans
Écologie politique d’un désastre
Le Honduras après l’Ouragan Mitch
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
Aborder l’étude d’une catastrophe dans l’optique de l’écologie poli-tiquerevient à écarter d’emblée l’idée que ladite catastrophe puisse être considérée comme « naturelle ». Certes, il n’est pas douteux qu’au départ 1 de ce qu’il est convenu de désigner sous le nom d’Ouragan Mitchinter-vinrent des désordres météorologiques que les moyens présents d’action humaine sont incapables de contrôler et même de prévoir utilement. Il n’en reste pas moins que les événements qui s’ensuivirent au Honduras, ainsi que dans les autres pays frappés par Mitch, ne peuvent en aucune façon être considérés comme s’inscrivant dans un enchaînement de causes à effets découlant sans ambages de ces circonstances climatiques. À tout moment au contraire nous voyons des facteurs d’ordre écono-mique, démographique, sociologique, psychologique ou culturel inter-férer dans ce cortège de conséquences, sans qu’il soit toujours forcément possible de décider s’il s’agit de causes ou d’effets tant chacun de ces facteurs se trouve pris dans un écheveau d’interactions croisées, constitu-tives du lien vital que toute société est amenée à négocier avec son cadre matériel, en partie façonné par elle, et faute duquel les agissements de ceux qui la composent ne pourraient avoir aucune réalité. L’écologie poli-tiquese donne pour objectif l’étude de ces interactions, d’autant plus déli-cates à cerner que c’est seulement d’une façon approximativement cons-ciente que l’être humain agit sur son environnement. Ainsi par exemple, puisqu’il va être ici question d’un ouragan, rappe-lons que rien ne permet d’exclure que l’aggravation des alternances de sécheresses et d’épisodes exagérément pluvieux découlant de l’oscillation El Niño/La Niña, de même que la répétition inusitée de très violents cyclones sur la zone caraïbe puissent être – au moins partiellement – le résultat d’actions humaines perturbant l’équilibre général de la planète. Auquel cas, ces facteurs de désastres réputés « naturels » que sont les
1. Bien que le présent ouvrage s’applique à démontrer que les dévastations subies en octobre 1998 par l’Amérique centrale ne sont que très marginalement attribuables à l’impact direct d’un cyclone, nous avons opté pour conserver dans notre titre la formulation « Ouragan Mitch », usuelle en français comme en anglais (Hurricane Mitch) pour désigner le processus catastrophique dans sa totalité. Au Honduras en revanche, chaque fois qu’on n’emprunte pas pour en parler la terminologie internationale (qui fait dire également, en espagnol :huracán Mitch), on se réfère à l’événement en l’appelant simplement « El Mitch », le désignant ainsi comme s’il s’agissait d’une personne, de la même façon qu’on a coutume de dire : la Révolution, la Grande Guerre, l’Empire, la Libération, Mai 68, etc.
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ÉCOLOGIE POLITIQUE D’UN DÉSASTRE
ouragans devraient déjà être considérés comme étant des effets anthro-piques. Faute de pouvoir se prononcer définitivement sur ce point-là, c’est en revanche sans aucune crainte d’être démenti qu’on fera remarquer, à l’appui de la pertinence d’une approche politico-écologique des cata-strophes réputées « naturelles », qu’à accident climatique ou tellurique d’importance identique (cyclone ou tremblement de terre, par exemple), selon que celui-ci se produise dans un pays plus ou moins riche, à État plus ou moins fort, à régime autoritaire ou consensuel, l’importance des dégâts matériels et le nombre des victimes qui lui seront imputables varient sensiblement. Il en ira de même pour ce qui est des actions de secours et de réparation qui s’ensuivront : s’opérant sur un rythme et selon des modalités d’exécution parfois très contrastées, ces interventions sont susceptibles de provoquer – surtout lorsqu’il s’agit de pays pauvres et dépendants – des mutations considérables dans la structuration de la société, voire d’entraîner des inflexions inattendues dans la nature du régime politique. Pour prendre la mesure de ces éventuelles mutations, l’observation des suites d’une catastrophe est appelée à se prolonger sur une durée assez longue. Pour la présente étude, nous avons pris l’option d’y consacrer cinq ans. Enfin, compte tenu du fait que les facteurs qui engendrent les cata-strophes que l’on dit « naturelles » sont d’échelle planétaire, et que dans notre monde de communications généralisées l’écho que ces calamités provoquent déborde largement de l’endroit où elles se sont produites (suscitant de par le monde des réactions diversifiées, allant de la simple curiosité à l’ingérence grossière, en passant par les stades intermédiaires que définissent la compassion ou l’intérêt), il est devenu impératif d’éviter de concentrer le regard sur le seul site où le désastre est survenu. Il importe au contraire de l’élargir à la dimension d’une géopolitique globalisée. Tels sont, ramenés à l’essentiel, les principes théoriques qui ont guidé la recherche dont le présent ouvrage offre le résultat.
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Relever comme nous nous préparons à le faire le défi d’une analyse politico-écologique articulant la compréhension des effets matériels – forcément locaux – de la catastrophe avec la mise en évidence des facteurs sociologiques et politiques dont, à l’échelle nationale aussi bien qu’internationale, tout à la fois le désastre procède et tend à provoquer la mutation, implique une nécessaire prise de distance vis-à-vis de l’inten-sité de l’émotion suscitée par l’événement brut. Vis-à-vis de celui-ci, l’auteur du présent ouvrage bénéficiait dès le départ d’une double extériorité : il n’est pas Hondurénien et ne se trouvait pas dans le pays lorsque la catastrophe s’y est produite. Disposant en
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revanche, du fait de ses travaux antérieurs, d’une assez bonne connais-sance du pays, de sa géographie et de ses institutions, il était particulière-ment bien placé pour mesurer avec sérénité les effets du désastre là où il a sévi, et juger de la pertinence des réactions qui allaient s’ensuivre de par le monde, et singulièrement en France où l’auteur réside, et où il se trou-vait à l’heure où Mitch dévastait l’Amérique centrale. Pour aborder les choses avec distance, la première tâche qui s’impo-2 sait était de reconstituer le déroulement précis des faits . Objet du premier chapitre de notre ouvrage, cette minutieuse reconstitution de la nature et de la succession des épisodes catastrophiques s’avéra difficile à établir, tant il est vrai que le propre d’un événement comme Mitch est de manquer absolument de témoin global et distancié. Certes, chacune des victimes est une source d’informations précieuses, mais dont le récit ne peut porter que sur ce qui s’est produit dans son environnement immé-diat. Et encore : même à cette échelle très limitée, l’objectivité des témoins est souvent sujette à caution, tant le souvenir épouvanté qu’ils ont gardé des faits s’avère perméable aux informations – vraies ou fausses – qui leur sont parvenues pendant la catastrophe (transmises par la rumeur publique, ou par l’intermédiaire des postes de radio à piles), ou révèle l’empreinte des récits normatifs qui se sont imposés par la suite. D’autre part, compréhensiblement marqués par le légitime souci de mettre en évidence l’importance spécifique des préjudices subis par les populations qu’ils ont sous leur juridiction – et d’affirmer ainsi leur droit prioritaire aux secours et aux réparations –, les bilans qu’établissent les autorités locales sont notoirement portés, quartier par quartier, région par région et pays par pays, à accentuer la dramatisation de leurs diagnostics, au détriment de la compréhension du phénomène d’ensemble. Bref, on ne peut se contenter d’enregistrer sans les passer au filtre d’une critique attentive, ni les récits individuels, ni les bilans constitués par les pouvoirs publics.
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Ceci étant, on serait porté à penser que plus le regard jeté sur les événements est extérieur, plus on devrait pouvoir miser sur son objecti-vité. Le deuxième chapitre de notre étude fera litière de cette rassurante illusion. En effet, rapportée à la restitution méticuleuse des phases de l’événement qui a fait l’objet du premier chapitre, l’analyse de la façon dont la presse internationale (plus particulièrement européenne et fran-çaise) a rendu compte de ces mêmes faits, révèle des distorsions considé-rables.
2. Cf. Annexe 1 : « Chronologie brute des événements (18 octobre – 30 novembre 1998 ».
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Imprécision sur la nature des faits tout d’abord, découlant notamment de la labellisation de l’événement en tant qu’Ouragan Mitch. Or, ouragan 3 il y eut certes – et d’une magnitude exceptionnelle – mais dont les effets directs, concentrés sur l’espace maritime, ne se firent nullement sentir sur l’isthme centre-américain, où aucune destruction attribuable à la violence des vents n’a été relevée. Seule la petite île de Guanaja a subi de plein fouet la fureur du cyclone. Sur l’espace continental en revanche, c’est la surabondance des pluies péricycloniques qui s’avéra catastrophique, quand leurs effets vinrent s’ajouter aux inondations désastreuses qui, sans que les médias internationaux y aient prêté la moindre attention, déso-laient déjà le nord du Honduras bien avant l’arrivée de Mitch. Dans le centre et le sud du pays, ces précipitations surabondantes entraînèrent une combinaison de crues dévastatrices et d’innombrables glissements de terrains qui provoquèrent, outre la mise hors d’usage de la plus grande partie du réseau routier et des installations téléphoniques et électriques, l’impressionnante dévastation du centre de Tegucigalpa, et de très graves destructions dans le lit majeur des cours d’eau tributaires du Golfe de Fonseca. Dans la Mosquitia, ces mêmes pluies causèrent égale-ment le débordement des fleuves, et notamment d’énormes inondations sur les deux rives du Río Coco qui marque la frontière avec le Nicaragua. Dans ce dernier pays, la sursaturation des sols fut également à l’origine d’importants dommages, provoquant notamment sur les flancs du volcan Casita l’épisode le plus meurtrier de tout le processus Mitch. Dans une moindre mesure, des conséquences tragiques furent également à déplorer au Salvador et au Guatemala.
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L’écho médiatique internationalement accordé à la catastrophe ne pécha pas seulement par une identification inexacte de ses causes, et le braquage trop exclusif de l’attention sur certains épisodes hyper-spectacu-laires (la violence exceptionnelle du cyclone sur la mer, l’engloutissement du centre de Tegucigalpa, l’éboulement du volcan Casita), au détriment d’autres aspects du désastre, presque entièrement ignorés voire carrément passés sous silence : l’inondation des villes et des plantations de la côte caraïbe, la destruction de l’île de Guanaja et les dévastations dans la Mosquitia. Mais ce qui allait en définitive constituer le plus étonnant dérapage du récit médiatique, c’est qu’avec toutes les apparences du « direct », le désastre centre-américain ne fut porté à la connaissance du public international qu’avec une bonne semaine de retard sur le déroule-ment de la catastrophe proprement dite !
3. Cf. Annexe 2 : « Classification des cyclones »
INTRODUCTION
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On peut comprendre les raisons pour lesquelles, au départ, les dépêches concernant ce désastre n’avaient pas retenu l’attention des médias du Nord : l’information qu’elles apportaient concernait des pays mal connus, où les grands de ce monde possèdent peu d’intérêts, et où de surcroît l’ar-rivée d’un cyclone est fait habituel. D’autre part, le hasard fit que cet événement coïncida avec le commencement d’une période de vacances scolaires et le début d’un de ces longs week-ends de l’année (celui de la Toussaint en l’occurrence) au cours desquels, mis à part l’énoncé des résultats sportifs et la déploration des accidents de la route, l’actualité dans les pays du Nord est comme frappée de léthargie. Rappelons-nous en outre que dans le cas qui nous occupe, les médias internationaux étaient déjà restés muets à propos des inondations qui affligeaient le nord du Honduras bien avant Mitch. Pour que fasse « nouvelle » un malheur affectant un pays en état permanent de détresse tel que le Honduras, sans doute convient-il qu’il s’agisse d’une calamité sortant franchement de l’ordinaire... Il faudrait également, soyons justes, que l’alerte ait été donnée par des correspondants de presse d’importance reconnue et séjournant sur place, ce qui est loin d’être le cas au Honduras. Bref, ce n’est qu’au sortir de ce long week-end que la multiplication d’informations en provenance de diverses sources fit qu’on se rendit enfin compte que cette fois, il n’y avait pas de doute : le désastre subi en Amérique centrale avait été d’échelle vraiment médiatisable. À ce moment-là, sans doute eut-il encore été possible de publier laconique-ment que telles et telles dévastations s’étaient produites dans les jours précédents, en des endroits dont l’isolement géographique et la mise à l’écart de l’attention internationale n’avaient pas permis qu’on en saisisse sur-le-champ l’importance. Et le suivi de l’actualité aurait dès lors pu être repris au jour le jour, en temps réel. Au lieu de cela, « l’Ouragan Mitch » passa instantanément du degré zéro de la communication au rang d’événement médiatique de dimension planétaire. Ce basculement sans transition du mutisme de l’information à l’immodération journalistique donne la mesure de la stupéfaction, mais aussi certainement de l’embarras professionnel que ressentit l’univers de la presse, brusquement confronté à la colossale évidence d’une cata-strophe dont l’inexorable approche aussi bien que le fabuleux déchaîne-ment lui étaient demeurés inaperçus. Le hasard voulut également que l’attention internationale ne fût alors requise par aucun feuilleton d’im-portance. Ceci joua certainement son rôle dans le déclenchement de cette stupéfiante précipitation des organes de presse, collectivement lancés dans un reportage de la catastrophe Mitch se donnant l’apparence du « direct » alors qu’en fait il en restituait la progression avec un retard de près d’une dizaine de jours ! Bien entendu, nul n’imagine que cette unanimité résulta d’une action concertée. Tout indique au contraire que seul joua un processus d’aligne-ment mutuel des différentes écuries médiatiques, toutes soucieuses de ne pas se laisser tailler des croupières par aucun concurrent. Avec pour
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