Comment l’agriculture fabrique ses paysages Un regard géographique sur l’évolution des campagnes d’Europe, des Andes et d’Afrique noire , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2008

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845869974

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Yves Poinsot
Comment l’agriculture fabrique ses paysages
Un regard géographique sur l’évolution des campagnes d’Europe, des Andes et d’Afrique noire
KARTHALA
COMMENT L’AGRICULTURE FABRIQUE SES PAYSAGES
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
La mise en page et la réalisation des figures ont été assurées par Monique Moralès (laboratoire de cartographie et d’infographie de l’IRSAM, Université de Pau et des pays de l’Adour).
La publication a bénéficié du soutien financier du laboratoire SET (UMR 5603, CNRS-UPPA).
Couverture : A l’image de cette mosaïque, le paysage agricole fascine par ses jeux d’ombres et de lumières, ses couleurs saillantes et ses dégradés subtils, ses formes construites et ses combinaisons aléatoires, toujours constitués à partir d’un motif fondamental : la maille parcellaire. Photo : Emma Biggs et Tessa Hunkin, Le grand livre de la mosaïque, Paris, Fleurus, 2006, 174 p.
¤Éditions KARTHALA, 2008 ISBN : 978-2-84586-997-4
Yves Poinsot
Comment l’agriculture fabrique ses paysages
Un regard géographique sur l’évolution des campagnes d’Europe, des Andes et d’Afrique noire
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
Introduction
Les paysages ruraux : reflet d’une société et structure d’un paysage
L’exode urbain constitue une donnée révolutionnaire dans l’histoire contem-poraine de l’Europe, jusqu’alors marquée par une longue désertion des campagnes. En France, le phénomène est attesté par le recensement de 1982 qui, pour la première fois, indique un renversement du dépeuplement rural séculaire. Depuis, il ne fait que s’accentuer et dévoile un visage dont on devine plusieurs facettes. Les navetteurs des périmètres résidentiels ceinturant les agglomérations constituent les plus gros effec-tifs. Néanmoins, les néo-ruraux actifs se multiplient, autour de fonctions agricoles ou agro-touristiques dans un “rural profond” pour certains, ou du télé-travail et des navettes hebdomadaires ou mensuelles depuis des communes situées à 150 ou 200 km des métropoles où résident leurs partenaires professionnels. Bien des retraités, originaires du lieu ou l’ayant adopté par la fréquentation d’une résidence secondaire, s’installent aussi à la campagne, du moins tant que leur mobilité demeure intacte.
Des campagnes à la nature, deux regards pour un même objet
Un nouveau regard sur les campagnes
Ces mouvements témoignent d’un renversement profond du regard porté par les citadins d’Europe sur leurs campagnes. Intervenu en quelques décennies, il découle d’une politique d’équipement massif des espaces ruraux en réseaux de com-munication ou d’approvisionnements intervenue entre 1950 et 1970 pour l’essentiel. Derrière les slogans de “désenclavement”, “d’adduction d’eau”, “d’électrification rurale”, très présents dans la presse régionale et les campagnes électorales provin-ciales de ces Trente Glorieuses, transparaissaient des investissements considérables de l’Etat. En un quart de siècle, ils transforment complètement les conditions maté-rielles d’abord, l’image ensuite, de la vie à la campagne. Avec le goudronnage com-plet du réseau départemental, puis plus récemment de la voirie communale, c’est l’ac-cès par tous les temps et dans de bonnes conditions de confort et de vitesse à tous les logements ruraux qui se trouve garanti. Avec l’adduction d’eau mais surtout le rac-cordement électrique et téléphonique de tous les foyers, ceux-ci accèdent à des condi-tions de confort identiques à la ville. Réfrigérateurs puis congélateurs, machines à
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COMMENT LAGRICULTURE FABRIQUE SES PAYSAGES
laver le linge puis la vaisselle, fours à micro-ondes, télévisions, chaînes hi-fi, micro-ordinateurs, connections Internet, les attributs de la modernité domestique sont aujourd’hui aussi présents dans les foyers ruraux que chez les citadins. Amputée d’une large part de ses “avantages”, menacée par l’essor des coûts fonciers et l’émer-gence de nouvelles nuisances urbaines (pollutions, insécurité…), la ville perd alors nombre de ses attraits “historiques”. A la découverte de ces aménités rurales que les réseaux rendent aujourd’hui accessibles, s’ajoute depuis peu une nouvelle attention à la campagne, plus inquiète, soucieuse des ressources qui en sont issues. L’eau se trouve placée au premier rang de ces nouvelles préoccupations compte tenu de la forte dégradation de sa qualité en certaines régions. Ce statut de “produit phare” lui est néanmoins disputé depuis peu par des denrées alimentaires aux caractéristiques inquiétantes, qu’il s’agisse de la viande bovine, de cultures à caractère transgénique ou de produits frais conservant des traces de pesticides. Ces nouveaux motifs d’intérêts engendrent ainsi une pression sociale et médiatique sur les campagnes qui deviennent par ce biais des milieux (humides, forestiers), des patrimoines aussi (paysagers notamment), des réserves (de biodiversité par exemple), en bref, un environnement. On stigmatise donc souvent une évolution considérée comme néfaste et dont les principaux responsables seraient les agriculteurs.
Une modernisation agricole aux modalités contestées
Ceux-ci travaillent dans un contexte de baisse mondialisée des prix agricoles issue d’une surproduction généralisée et de pratiques de soutiens publics portant sur les producteurs et/ou sur les exportations. Les armes des uns, au Nord, résident dans une mécanisation massive qui permet un accroissement des volumes produits, com-pensateur des réductions de prix, mais engendre un accroissement des surfaces par exploitation, génératrice de désertification rurale et de recompositions foncières majeures. Pour ceux du Sud, la mécanisation n’étant que partielle et surtout réservée aux régions les plus intégrées (d’Argentine, du Chili, de l’Afrique australe, d’Indonésie…), ce sont surtout les faibles coûts de la main d'œuvre et l’abondance de cette dernière, née du croît démographique, qui permettent des prix compétitifs. Par défrichements et fronts pionniers, une extension permanente des surfaces cultivées intervient, destinée à pourvoir en terres les nouvelles générations que n’absorbe qu’en partie le monde urbain. Dans un cas comme dans l’autre, l’artificialisation des milieux est croissante, par technification des pratiques au Nord (par drainage et irri-gation notamment), par défrichement et intensification au Sud. Mondialisation éco-nomique et croissance démographique constituent les deux moteurs du phénomène. Cette poussée humanisatrice des milieux va donc à l’encontre des demandes de la société occidentale et engendre une tension qui interpelle le politique. Il réagit tout d’abord par des mesures visant une réduction des volumes agri-coles et un soutien des prix. Celui-ci peut découler de la baisse des apports, obtenue par exemple par les quotas laitiers, mais aussi par un subventionnement compensa-toire. Attaché dans un premier temps aux volumes produits, il encourageait la produc-tion. Depuis 1992, la PAC inféode plutôt les aides aux surfaces cultivées et invite à
INTRODUCTION
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une extensification. Celle-ci ne progresse que bien peu, par contre les surfaces culti-vées réaugmentent puisque les aides sont proportionnelles aux hectares. Ces quelques éléments soulignent combien le pilotage politique de cette modernisation agricole, qui cherche à concilier un peuplement du territoire, le maintien de revenus agricoles et la réduction des excédents, est difficile, d’autant que les pressions de l’OMC en faveur d’une réduction des aides publiques ne font que croître. Le malaise agricole est donc incontestable, tant par les contraintes économiques que par la versatilité des orientations politiques qui, en 15 ans, ont connu plusieurs inflexions lourdes. Si dans ce domaine, le faisceau des contraintes rend les solutions difficiles à trouver, les demandes en faveur d’une protection des milieux se font toujours plus pressantes. On a donc vu se déployer depuis une quinzaine d’années un arsenal de mesures environnementales. Certaines concernent les paysages, leur conservation face aux excès du remembrement, leur classement parfois, leur labellisation (“pay-sages de reconquête”) ou encore la lutte contre l’enfrichement par des mesures agri-environnementales. D’autres visent à la protection qualitative des ressources en eau par une loi cadre et de multiples directives (“nitrates” par exemple) cherchant à réduire les pollutions d’origine agricole notamment. Plus récemment, des mesures destinées à la protection des consommateurs face à des menaces imprécises mais potentiellement calamiteuses (ESB, OGM, par exemple) ont conduit les pouvoirs 1 publics à modifier les règles et les circuits d’approvisionnements alimentaires . Ces mesures nées de préoccupations environnementales concernent largement le monde agricole. Elle ont donné naissance à des zonages liés à la protection des cours d’eau, à des obligations de stocker les effluents d’élevage, puis de les épandre selon des conditions nouvelles (plans d’épandage). Bien que ne visant pas au premier chef un objectif agricole, ces règles nouvelles sont venues contraindre plus encore une activité dont l’évolution strictement économique était déjà chaotique. L'attrait récent pour les productions nécessaires à la fabrication des biocarburants (betteraves, maïs, colza…) introduit une donne encore nouvelle. La fonction productive de l'agri-culture y retrouvant ses droits, on peut s'attendre, dans certaines régions tout au moins, à des modifications lourdes quant à la nature et aux surfaces couvertes par ces grandes cultures. Au delà, si le mouvement s'amplifie, une recrue très significative des surfaces agricoles aux dépends des friches, voire de la forêt, n'est pas à exclure à l'échelle européenne. Quel que soit l'ampleur que prendra le phénomène dans un futur proche, les agricul-teurs continueront de devoir adapter méthodes de culture ou d'élevage et affectations des sols à un contexte économique mondial instable, qu'il s'impose par la PAC ou par les retournements fréquents des marchés. Dans le même temps et sur les mêmes ter-ritoires, nouveaux habitants ou promoteurs du tourisme continueront d'exiger tran-quillité résidentielle, qualité environnementale et stabilité paysagère. Ces tensions relatives au devenir de la campagne européenne tendent à s'exacerber sur la question paysagère, objet d'un conflit de représentations.
1. Si les moteurs de ces évolutions se situent chez les consommateurs du Nord, elles ne sont pas sans inci-dences au Sud. Les producteurs visant les marchés occidentaux (des produits exportés mais aussi des tou-ristes accueillis…) doivent en effet intégrer eux aussi des contraintes environnementales (par exemple pour les produits tropicaux visant le label “AB” - agriculture biologique).
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COMMENT LAGRICULTURE FABRIQUE SES PAYSAGES
Le contemplatif et l’actif : deux regards sur le paysage
Ces différences d’appréhension d’une même réalité sont mises en lumière par la manière dont les uns et les autres représentent par l’image les campagnes actuelles. Ainsi, telle “force tranquille” candidate à l’Elysée en 1981 s’associait-elle sur les affiches à un village entouré de ses champs ; moins nostalgique, voire même moder-niste par sa finalité didactique, le versant cultivé de la figure 1-A ci-dessous, tiré d’un document du Conseil de l’Europe (S. Giorgis, 1995) illustre à merveille le regard du résident non agricole ou du touriste. On y voit la partie aval d’un versant couverte d’un paysage de bocage au centre duquel les bâtiments d’un siège d’exploitation agri-cole sont présents. L’ensemble des éléments structurant le paysage (haies, fossés, couverts végétaux) y sont commentés, indiquant la valeur écologique ou esthétique de chaque constituant et suggérant qu’un agriculteur écologiquement responsable devrait appliquer à ses terres un tel traitement. On y suppose donc que l’ensemble des parcelles représentées appartiennent à celui qui réside dans les bâtiments visibles. Il maîtrise de ce fait, la qualité paysagère et écologique de cet ensemble dont la cohé-rence est saisie, et créée, par le regard “unificateur” de l’observateur. A l’opposé, une approche agricole de ces mêmes campagnes (fig. 1-B p.7) donne à voir des villages n’abritant plus que trois ou quatre sièges d’exploitations et des parcellaires dispersés sur des étendues parfois considérables, où le résidant de telle ou telle ancienne ferme n’a souvent rien à voir avec les terres qui entourent son logement.
rivière
Rôle antiérosif :maintien et gestion de la ripisylve
R ôlebrise-vent ,fau nist iqu e,florist iqu e: Rôleépurat e ur: lagunage haies hautes perpendiculaires à la vallée autour et boisement pour les eaux et des prés et pâtures et le long des jus pollués des bâtiments et ruisseaux reliés au bois du drainage chemin départemental zone drainée
prairies
Rôle épurateur :bande enherbée non pâturée servant de chemin de pêcheur
Rôle paysager - Rôle épurateur : plantation d’une rangée d’arbres hydrophiles conduite pour la production de bois
permanentes
prairie ou cultures
Rôle antiérosif - Rôle de drai-nage :maintien et renouvelle-ment des peupliers ou saules têtards en alignement conduits pour la production de bois.
Fossés ouverts entourant les prairies inondables
prairie ou cultures irriguées
Rôle paysager et drainage : haie basse et alignement d’arbres de haut jet relati-vement écartés.
Bandes enherbées.
Fossés en bord de route
ouverture visuelle
Rôle épurateur et antiérosif et drainage :haies basses et bandes herbées en limite de parcelles cultivées. Haies hautes autour des prairies
Figure 1 A : Le parcellaire agricole comme structure du paysage Schéma de principe d’un aménagement paysager réalisé pour un plan de développement durable dans le Segréen.(Tiré de : GIORGIS S.,Les paysages ruraux européens : principe de créa-tion et de gestion, 1995, Strasbourg, Ed. du Conseil de l’Europe, 71 p.)
1 : Parcellaire d’une exploitation agricole à Sarcé (Sarthe). (Tiré de BLONDEAU P., “L’agrandissement récent des exploita-tions agricoles dans la Sarthe”,Noroisn°170 pp. 375-393)
2 : Parcellaire d’une exploitationagricoleàLaBarge. (Tiré de BLONDEAU P., “L’agrandissementrécentdesexploitationsagricoles dans la Sarthe”,Noroisn°170pp. 375-393)
Figure 1 B : Le parcellaire agricolecommestructurespatiale d’un systèmeproductif
INTRODUCTION
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