L’affaire Humanæ vitæ L’Église catholique et la contraception , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2008

EAN13

9782811100070

Langue

Français

L’AFFAIRE HUMANÆ VITÆ
Publié avec le concours de la Région Ile de France
KARTHALA sur internet : http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
© Éditions KARTHALA, 2008 ISBN : 978-2-8111-0007-0
Martine Sevegrand
L’affaire Humanæ vitæ
L’Église catholique et la contraception
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
DU MÊME AUTEUR
Chez Albin Michel : Les enfants du bon Dieu. Les catholiques français et la procréation e au XX siècle,1995. L’amour en toutes lettres. Questions à l’abbé Viollet sur la sexualité (1924-1943), 1996.
Chez Desclée de Brouwer : Contribution pour l’avenir du christianisme(sous la direction de), 2003.
Aux Presses Universitaires de Rennes : Vers une Église sans prêtres. La crise du clergé séculier en France (1945-1978), 2005
Aux éditions du Temps Présent : Temps Présent. Une aventure chrétienne. Tome 1 : l’hebdomadaire (1937-1947), 2006.
Intro
duction
« La contraception ne peut jamais être un bien. Elle est toujours un désordre, mais ce désordre n’est pas toujours coupable. Il arrive, en effet, que des époux se considèrent en face de véritables conflits de devoirs. » C’est en ces termes que l’épiscopat français tentait d’atté-nuer le choc de l’encycliqueHumanæ vitæ(25 juillet 1968). À l’approche du quarantième anniversaire de cette ency-clique que le magistère va célébrer comme « prophétique », il est peut-être utile de rappeler les conditions de sa publica-tion et certaines des réactions qu’elle a suscitées. Chacun songe à la désertion de l’Église par nombre de catholiques et en particulier des femmes, parfois même des prêtres. Mais n’a-t-on pas oublié que la plupart des épiscopats du monde ont publié des déclarations qui étaient parfois des interpréta-tions d’Humanæ vitæen atténuant singulièrement la portée ? La Note pastorale, adoptée au début de novembre 1968, par l’Assemblée plénière de l’épiscopat français à Lourdes, est de celles-là. Cette Note pastorale est aujourd’hui totalement oubliée. On chercherait en vain une allusion dans les documents ulté-rieurs des évêques français ; on en chercherait en vain le
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texte dans les librairies religieuses spécialisées. Elle fut pourtant publiée en un petit livre, avecHumanæ vitæ, à la fin de 1968, par les éditions du Centurion. Aujourd’hui, seul le volume de laDocumentation catholiquepour l’année 1968 permet de retrouver cette Note pastorale ; autant dire que son accès est réservé aux chercheurs. À cela, il y a une bonne raison : imagine-t-on désormais des épiscopats ou des évêques publiant des textes « pastoraux » prenant la moindre distance à l’égard d’une déclaration romaine ? En 1968, au lendemain du Concile qui avait affirmé la collégialité, ces déclarations épiscopales étaient possibles. Pourtant, dans un texte confidentiel publié en annexe, le P. Congar critiquait dès 1968 l’instauration, dans l’Église, d’« un régime de monarchie absolue » et, « à partir du e XIX siècle, un gonflement de l’idée de ‘Magistère’ ». Or, depuis le pontificat de Jean-Paul II, le processus de centralisa-tion romaine n’a fait que se développer. Dans ce livre, j’analyse, aprèsHumanæ vitæ,les déclara-tions épiscopales et en particulier la Note pastorale française et le fameux article 16, dont j’ai tiré, au début de cette intro-duction, les trois premières phrases, celles qui ont produit en France, à l’automne 1968, un effet d’apaisement immédiat (chapitre VIII). Trois phrases qui sont une véritable trou-vaille dues à deux évêques, Mgr Pézeril, auxiliaire de Paris, et Mgr Boillon, évêque de Verdun. Le dépouillement méthodique de la presse française montre que celle-ci a transmis fidèlement la bonne nouvelle qui se cristallisa en ces trois phrases simples et percutantes. En quelques jours, le débat et le scandale provoqués dan l’opi-nion parHumanæ vitæfurent, ô miracle, étouffés ! Dans sa Note pastorale, l’épiscopat français avait usé des ressources – quasi inépuisables – de la casuistique. Mais d’autres épisco-pats, on le verra au chapitre IX, allèrent plus loin encore en s’appuyant sur le caractère inachevé – de l’aveu même de Paul VI – de l‘encyclique et donc sur la nécessité de pour-
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suivre et d’encourager la recherche théologique sur le mariage. Comment Paul VI en est-il venu à cette encyclique, la e plus contestée du XX siècle ? On ne peut la comparer, du point de vue de la réception, qu’au Syllabus de Pie IX, en 1864, qui avait condamné 80 erreurs, parmi lesquelles celle-ci : « Le pontife romain peut et doit se réconcilier et tran-siger avec le progrès, avec le libéralisme et la civilisation moderne. » Cette condamnation de la contraception n’appa-raît-elle pas à la plupart de nos contemporains comme quelque chose d’aussi incompréhensible ? N’a-t-on pas oublié aussi que, pendant une dizaine d’an-nées, de 1958 à 1968 environ, la recherche théologique, stimulée par l’apparition des pilules de progestatifs, avait rendu possible un changement moral fondamental à ce sujet (chapitre III) ? Dans l’Assemblée conciliaire elle-même, de grands prélats avaient plaidé ouvertement en faveur d’un abandon des positions officielles, n’hésitant pas à les déclarer « dépassées ». Le cardinal Suenens, Primat de Belgique, s’était écrié, le 29 octobre 1964 : « Je vous en conjure, mes frères. Évitons un nouveau ‘procès de Galilée’ » (Chapitre IV). Humanæ vitæest le fruit d’une décision, en apparence personnelle, de Paul VI. Mais quels sont les hommes qui ont su décider en ce sens un pape hésitant pendant quatre ans ? (chapitre V). Il y a donc bien une « affaireHumanæ vitæ» ! J’analyserai l’encyclique pour que son originalité – car il y en a une – et sa portée soient bien perçues (chapitre VI). Mais si certaines déclarations épiscopales ont, quoiqu’en disent les évêques, ouvert la porte à une contraception catho-lique, elles n’ont pas étouffé le débat théologique. Au chapitre X, je décrirai la vigueur de ce débat à la suite d’Humanæ vitæ. Tandis que Paul VI atteint par l’ampleur de la contestation qu’il a suscitée, se tait désormais sur le mariage, un cardinal polonais se distingue, Karol Wojtyla, dans la défense de l’encyclique. Ce n’est pas un hasard, selon certains
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observateurs bien informés, si ce partisan passionné d’Humanæ vitæest élu pape en 1978. Non seulement Jean-Paul II n’a pas cessé de reprendre et de commenter l’ency-clique de Paul VI, mais il en a fait le fondement de la nouvelle doctrine du mariage qu’il a imposée – le mot n’est pas exagéré – à toute l’Église (chapitre XI). J’exposerai cette « affaireHumanæ vitæ» sans toutes les références d’un ouvrage scientifique. J’ai voulu, en effet, que ce livre, tout en ayant le sérieux d’une recherche historique, 1 soit accessible à un large public . Comme historienne mais aussi comme catholique, j’espère qu’il contribuera, modestement, à une prise de conscience du caractère anachronique de cette encyclique de Paul VI et à de ses lourdes conséquences pour l’Église.
1. Je renvoie les lecteurs exigeants à mon livre,Les enfants du bon Dieu, Albin Michel, 1995, 476 pages.
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Bref rappel de la doctrine catholique traditionnelle
La doctrine du mariage enseignée traditionnellement par l’Église est le fruit d’une longue élaboration partant de la Bible pour aboutir aux documents du pontificat de Jean-Paul II. Ainsi, dans le Catéchisme publié en 1992, les 13 pages consa-crées à la sexualité multiplient les références, depuis le premier livre de la Bible, la Genèse, jusqu’aux exhortations et ency-cliques de Jean-Paul II, en passant par l’évangile, saint Paul, saint Augustin, saint Ambroise, l’encyclique de Pie XI sur le mariage (Casti connubii), un discours de Pie XII, des textes de Vatican II et …Humanæ vitæ, citée 5 fois. C’est dire que, pour Rome, il ne saurait y avoir de change-ment mais seulement un développement de la doctrine qui s’explicite et se précise, grâce aux événements et, bien sûr, sous l’inspiration du Saint-Esprit.
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