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Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de l’inauguration de la rétrospective « Werner Schroeter, la beauté incandescente », et projection du film « La Mort de Maria Malibran », au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou
Paris, le 2 décembre 2010
Monsieur le Président, cher Alain Seban, Chère Ingrid Caven, Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Parler de Werner Schroeter après Ingrid Caven qui a si bien connu le cinéaste et son travail est une gageure. Ingrid Caven fait en effet partie de celles qui ont été pour Schroeter des « Alice au pays de ses merveilles », pour reprendre la belle expression d’Isabelle Huppert. Je tenterai néanmoins de relever le défi en quelques mots avant la projection deLa Mort de Maria Malibran.
L’homme au chapeau noir et au perfecto nous a quittés il y a quelques mois. Comme la production et les tournages sont par définition les moments qui font des films une œuvre collective, je crois que Werner Schroeter aurait été particulièrement heureux de voir ici ce soir ceux qui ont donné à ses créations leur dimension multiple: la production, la photographie, les costumes, la décoration, la scénographie, le montage -vous avez tous répondu présents pour cet hommage à une œuvre qui célébrait la réalisation de soi par l’expérience de la passion et la création artistique.
Les catégorisations les plus variées ont tenté de cerner l’homogénéité d’une esthétique dont l’ambiguïté, la folie et l’étrangeté sont souvent les protagonistes. Pour certains, Werner Schroeter représentait un Lautréamont qui se serait reconverti dans un cinéma de l’excès. Une chose est sûre : la musique et les corps sont les matières dont il s’est saisi, avec vous, d’une main de maître. Un cinéma que la musique pénètre de part en part, de Maria Callas à Janis Joplin et à lapopallemande. Uncinéma qui procède aussi à une cette « anarchisation du corps » que Michel Foucault avait vu dans laMalibran.
Lesgender studiesparleront alors de collageskitschou d’esthétiquecamp. S’agit-il d’un cinéma postmoderne, d’un cinémaunderground? Rainer Fassbinder avait relevé très justement les limites de ces étiquetages dont l’œuvre de Schroeter faisait l’objet, et qui classaient d’emblée ses films « dans la catégorie des belles plantes, mais des plantes exotiques, celles qui fleurissent si loin et si différemment de chez nous qu’on ne se sent pas vraiment concernées par elles, et surtout pas obligés d’être concernés par elles ».A cette botanique pour théoriciens je préfèrerais peut-être l’ambiguïté du mot maniérisme, un peu à la manière dont l’historienne de l’art Patricia Falguières a redéfini cette classification tardive d’un pan entier de l’art de la Renaissance: celle d’une avant-garde, qui n’hésite pas à déformer les codes et les corps pour pousser jusqu’au bout un projet esthétique. Fassbinder, Wenders, Herzog ne s’y sont pas trompés, eux qui ont reconnu l’influence majeure que son œuvre a pu exercer sur la leur.
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