The Project Gutenberg EBook of Une politique europ enne : la France, la �Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal, by tienne Grosclaude �This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.netTitle: Une politique europ enne : la France, la Russie, l'Allemagne et la � guerre au TransvaalAuthor: tien�ne GrosclaudeRelease Date: October 25, 2004 [EBook #13855]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK UNE POLITIQUE EUROP ENN�E : ***Produced by Michael Ciesielski, Renald Levesque and the OnlineDistributed Proofreading Team.�TIENNE GROSCLAUDEUNE POLITIQUE EUROP ENN�ELa France, la Russie, l'AllemagneEtLA GUERRE AU TRANSVAAL L'Afrique du Sud sera le tombeau de l'Angleterre. BISMARCK.�Prodigieuse contr e, cette Afrique du Sud! on y convertit nos � v ques, � �on y bat nos g n raux et on y r� �sout nos questions europ ennes!� � �Cette tragique boutade, inspir e un homme d' tat anglais par la mort � � �inutilement glorieuse du Prince imp rial au Zoulouland, pourrait bien �rencontrer une application nouvelle dans les v nements qui se d roulent � � �en ce moment autour du Transvaal.Peut- tr�e ne se trouve-t-il plus de missionnaires vang listes � �accessibles la belle simplicit des religions primitives comme le ...
The Project Gutenberg EBook of Une politique europ�enne : la France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal, by�tienne Grosclaude This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Une politique europ�enne : la France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal Author:�tienne Grosclaude Release Date: October 25, 2004 [EBook #13855] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK UNE POLITIQUE EUROP�ENNE : ***
Produced by Michael Ciesielski, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team.
�TIENNE GROSCLAUDE UNE POLITIQUE EUROP�ENNE La France, la Russie, l'Allemagne Et LA GUERRE AU TRANSVAAL
L'Afrique du Sud sera le tombeau de l'Angleterre. BISMARCK. �Prodigieuse contr�e, cette Afrique du Sud! on y convertit nos�v�ques, on y bat nos g�n�raux et on y r�sout nos questions europ�ennes!� Cette tragique boutade, inspir�e�un homme d'�tat anglais par la mort inutilement glorieuse du Prince imp�rial au Zoulouland, pourrait bien rencontrer une application nouvelle dans les�v�nements qui se d�roulent en ce moment autour du Transvaal. Peut-�tre ne se trouve-t-il plus de missionnaires�vang�listes accessibles�la belle simplicit�des religions primitives comme le fut l'�v�il y a encore des gque Colenso, mais �n�raux anglais�battre dans l'Afrique du Sud, et de graves probl�mes europ�ens se dressent attendant une solution qu'il ne serait pas surprenant de voir arriver de si loin. La patience de l'Europe finira quelque jour par se trouver�bout; ce
jour approche; enfin lasse de supporter les provocations outrageantes de l'Angleterre et ses dommageables empi�tements, cette Europe va-t-elle sauter sur l'occasion inesp�r�e de liquider en bloc un compte d�biteur journellement grossi par les acquisitions de l'Imp�rialisme qui s'�tale �la surface du globe sans trouver devant lui la moindre opposition de fait. Des mots, des mots, pas un geste, or si quelque chose pouvait arr�ter cette marche foudroyante, ce n'�tait ni les j�r�miades d'une diplomatie dont le style, d�s longtemps exerc��la fuite, excelle� trouver les d�tours par lesquels on�chappe aux responsabilit�s de l'action,--ni les t�l�grammes�sensation d'un bouillant Kaiser, momentan�ment oublieux des�gards qui sont dus�une vieille grand'm�re... quelle que soit sa condition sociale. Le r�veil de l'Europe,�l'heure o�nous voici, n'aurait assur�ment rien de pr�matur�, mais la condition physiologique la plus n�cessaire pour se r�veiller, c'est de ne pas�tre mort. Il faudrait donc au pr�alable s'assurer si dame Europe est d�funte, ou si elle est seulement assoupie. L'Europe existe-t-elle encore autrement que sur la carte? sur la carte o�l'on voit juxtapos�es des nations, dont les deux plus consid�rables sont s�par�es par un ab�me de ressentiments que rien ne saurait combler,--rien, h�las! de ce qu'il est permis d'attendre d'un consentement pacifique. Au centre: un groupement compact de nationalit�s dont la coh�sion peut�tre subitement an�antie par la disparition d'une dynastie; sur les c�t�s: deux grands peuples qu'unissent�travers l'espace des liens dont la solidit�n'a pas encore�t�soumise au contr�le d'une�preuve d�cisive.
Aveugl�e par le tourbillon des craintes et des esp�rances particularistes, l'agglom�ration europ�enne n'a point une vision suffisamment d�gag�e pour discerner au dehors le p�ril qui la menace dans son ensemble et pour reconna�tre l'int�r�t qu'il conviendrait de soutenir en commun. Il est toutefois incontestable que, depuis un certain temps, les deux groupes antagonistes, ob�issant l'un et l'autre au seul instinct de la conservation, portent parall�lement leurs efforts vers un unique objectif, qui est la paix de l'Europe; ce n'est un secret pour personne que, d�s son origine, la Triplice eut un caract�re exclusivement d�fensif, pr�voyante entreprise de cimentation du bloc improvis�dans l'Europe centrale et longtemps expos��un retour offensif de ceux�qui l'on en avait arrach�la derni�re pierre. Or, en d�pit de toute vraisemblance et peut-�tre aussi de toute logique, les angoisses, qui, durant une vingtaine d'ann�es, troubl�rent le sommeil des conqu�rants, se sont apais�es�mesure que se trouvaient d��us les ardents espoirs de la nation mutil�e qui, depuis le d�sastre, n'a pas eu un gouvernement capable de lui commander le devoir et de lui imposer la confiance. On a laiss�le temps faire son oeuvre et une sorte de prescription s'�tablir, bien qu'il n'en soit aucune d'admissible pour certains forfaits de l'histoire. Henri Heine reprochait�ses compatriotes de n'avoir pas encore,�l'heure o�il�crivait, pris leur parti du meurtre de Conradin de Hohenstaufen par Charles d'Anjou; cette critique�tait le plus bel�loge qu'on p�t faire d'une race qui ne s'expliquera jamais comment certains peuples se d�pouillent en quelques ann�es des souvenirs que les autres conservent�travers les si�cles. Les causes de cette d�saffection publique sont-elles dans la l�g�ret�de l'esprit fran�ais? dans un abaissement des caract�res d�prim�s par la plus stup�fiante humiliation nationale? dans une d�moralisation cons�cutive�l'accroissement et�la vulgarisation du bien-�tre mat�riel, qui r�tr�cit les id�es au calibre des petits int�r�ts imm�diats? dans le cosmopolitisme financier, qui subordonne les principes aux effets et les sentiments aux profits palpables? Peut-�tre faudrait il les rechercher surtout dans deux ordres de ph�nom�nes
dont l'un est n�faste et gros de menaces, tandis que l'autre, en compensation, nous ouvre un avenir plein de promesses et soutient les plus radieuses en m�me temps que les plus solides esp�rances de la patrie fran�aise:�notre passif, le d�couragement o�ce pays est enfonc�chaque jour davantage par le pessimisme d'une presse acharn�e� ne fouiller que le mal,�n'�taler que les plaies,�ne publier que les hideurs d'une nation dont la sant�n'a jamais�t�plus exub�rante, dont la f�condit�au bien et la facult�du beau ne font doute que pour elle-m�me, et dont la principale cause de faiblesse est dans ce r�gime �nervant qui la r�duirait bien vite�une hypocondrie plus d�sastreuse que ne le seraient de v�ritables infirmit�s. Pour ce qui est de notre actif, avec quelle encourageante satisfaction on y inscrit le prodigieux mouvement d'une expansion coloniale, qui, depuis vingt ans, a suscit�tant d'admirables�nergies, secou�la torpeur des�nergies industrielles et commerciales, ranim�l'esprit d'entreprise somnolent depuis un si�cle, fait r�appara�tre l'initiative individuelle dont l'effacement nous mena�ait d'une d�cadence irr�m�diable, et ouvert�l'activit�, par cons�quent�la prosp�rit� nationale, un vaste empire dont le spectacle doit suffire�nous rendre le sentiment indispensable de notre force et de notre valeur! Voil�ce que nous a donn�notre politique coloniale; il est vrai que nous n'avons pas�t�seuls�en b�n�et qu'elle a valu la paixficier � l'Europe. On lui en a fait un crime. Le grief�tait-il fond�? Il l'�tait sans aucun doute, si l'on a lieu de croire que, sans l'oeuvre absorbante qui nous a successivement occup�s en Tunisie, au Tonkin, au Soudan et�Madagascar, nous nous fussions trouv�s dans les conditions morales et mat�rielles indispensables pour assurer la r�paration des catastrophes de 1870 et la reprise de l'Alsace-Lorraine. Si, au contraire, en imaginant que ne se f�t pas d�velopp�e cette grandiose�pop�e coloniale, qui, sans d�tourner une proportion excessive de nos forces continentales, nous a valu une immense extension territoriale et un ind�niable rel�vement de notre situation morale, de notre cr�dit europ�en, de notre�standing�, comme disent les Anglais; si l'on est amen�par l'examen de cette hypoth�se�la conclusion qu'en l'absence de toute cette activit�au dehors, nous n'aurions pas davantage tir�parti en Europe de notre libert�d'action,--faute de pouvoir compter sur l'�tat d'esprit indispensable pour mener�bien la plus formidable entreprise militaire des temps modernes,--et que tout se serait born��en parler davantage et�y penser plus longtemps, mais sans rien faire de plus; alors il faut proclamer que notre politique coloniale a�t�un grand bienfait pour la France en m�me temps que pour le reste de l'univers,--�l'exception de l'empire britannique,--et que Jules Ferry fut un des hommes d'�tat les plus avis�s de notre�poque.
En d�pit des efforts constants de l'Angleterre souveraine de toutes les eaux, et qui navigue avec une sup�riorit�particuli�re dans l'eau trouble,--la situation de l'Europe s'est visiblement clarifi�e depuis quelques ann�es; non seulement il appara�t qu'une unit�d'action momentan�e y serait possible dans des cas d�termin�s, mais il semble m�me qu'elle serait facilit�e par le groupement actuel des forces oppos�es en deux faisceaux, que rien n'emp�cherait de diriger�un moment donn�dans le m�me sens, quitte�les laisser reprendre, l'instant d'apr�s, leur orientation habituelle. Cette synergie occasionnelle, il ne faut pas l'oublier, s'est d�j�manifest�e dans les affaires de Chine, o�la France et la Russie, d'accord sur ce point, et sur ce point seulement, avec l'Allemagne, ont�syndiqu�leurs int�r�ts en face de l'Angleterre.
C'est�dessein que j'emprunte au langage des gens d'affaires ce terme significatif, puisque aussi bien toutes les grandes nations out reconnu l'avantage d'emprunter�l'imp�rialisme britannique sa politique de �business�, au moment o�se d�battent en Asie et en Afrique les int�r�ts mat�riels les plus consid�rables et o�sir Charles Beresford, au retour de son importante mission en Extr�me-Orient, s'intitule avec une apparente modestie�le commis-voyageur�de la Grande-Bretagne. Les nations europ�ennes semblent�tre parvenues�ce point de d�veloppement o�l'individu, sentant se ralentir sa facilit�s de produire, met�profit sa vieille exp�rience pour tirer parti du travail d'autrui; c'est pour cela que, sur toute la surface du globe, se d�bat pr�sentement la comp�tition la plus�pre qui ait jamais mis des gens d'affaires aux prises: le partage des contr�es de production entre les vieux pays, dont l'activit�doit se borner d�sormais�une exploitation lucrative. Le proc�d�syndicataire est plus indiqu�que tout autre pour une op�ration de cette nature; il pr�sente notamment l'avantage d'unir les int�r�ts sans lier les parties, qui conservent toute leur libert� d'action en dehors de l'objet sp�cial pour lequel est constitu�le syndicat. Il n'a pas les exigences�troites de l'association, ni ses promiscuit�s; on a des int�r�ts communs, mais cela n'engage�rien pour les relations personnelles, et les porteurs de parts ne sont aucunement tenus de se saluer quand ils se rencontrent. C'est un avantage�consid�rer lorsqu'il s'agit d'un r�glement de comptes comme celui que l'Europe peut avoir�effectuer d'un moment �l'autre, et qui serait singuli�rement facilit�par une association temporaire, dans laquelle seraient totalis�s les cr�dits individuels des divers participants sans qu'il en r�sult�t pour eux l'obligation de se faire des politesses. Laissant de c�t�pour quelques heures les ressentiments ineffa�ables et r�servant tous leurs droits sur le grave litige�lev�entre elles il y a trente ans, la France et l'Allemagne peuvent-elles d�cemment entrer dans un syndicat de ce genre, en vue de sauvegarder des int�r�ts communs qu'il leur est impossible de soutenir isol�ment et dont la r�alisation se trouverait compromise par de plus amples d�lais? Telle est la question. Pour la r�soudre, le premier point�examiner, c'est si leurs int�r�ts dans cette affaire sont d'un poids suffisant pour contrebalancer le dommage sentimental que nous infligerait un tel rapprochement? Est-il av�r�que l'expansion britannique constitue pour le genre humain un p�ril, dont nous aurons�supporter le premier choc, et si pressant qu'il nous faille imposer silence momentan�ment�notre profonde rancune pour marcher�c�t�de l'ennemi d'hier, et peut-�tre de demain, contre l'ennemi de toujours? Les int�r�ts de cet associ�de circonstance sont-ils, d'autre part, assez puissants pour le d�terminer�une communaut�de raison,--non du sentiment,--sans aucune garantie de notre part contre les revendications qui nous tiennent au coeur? Ce syndicat, dont la gestion serait, je suppose, confi�e tout d'abord� la Russie, en vue de r�duire les froissements au minimum, disposerait-il de moyens assez puissants pour trancher au profit commun le grand partage mondial, on mettant l'adversaire dans l'impossibilit�de se tailler la part du lion britannique, et assez continus pour assurer� chacun la jouissance pacifique des possessions�quitablement r�parties? Quels seront ses moyens d'action? Sur quels points devront-ils agir? et dans quelle forme? Sera-ce, comme il est d�sirable, dans un d�bat
correct autour d'un tapis vert, sans qu'on en soit r�duit�descendre sur le pr�, et fera-t-on enfin cesser le bruit assourdissant des coups de canon de l'Afrique du Sud pour permettre aux int�ress�s europ�ens d'�changer des observations dans ces formes courtoises que sont toujours enclins�observer entre eux des hommes arm�s jusqu'aux dents? Voil� de formidables probl�mes qu'il serait urgent de r�soudre et qu'il est int�ressant d'examiner en parvenant�ce carrefour historique, devant lequel sont en passe d'h�siter ind�finiment nos diplomates de bureau, comparables�Hercule seulement par une ind�cision qui, en se prolongeant davantage, les assimilerait plus justement au quadrup�de philosophique de Buridan.
I Une caricature, dont la l�gende est pass�e en proverbe, constate que, du temps de Gavarni, les Anglais se consid�raient d�j�comme chez eux partout o�l'eau�tait sal�e; ils ont depuis cette�poque pris go�t� l'eau douce et, apr�s avoir plant�leur pavillon le long de toutes les c�tes hospitali�res et sur toutes les�les en bonne place, ils se sont mis�remonter les fleuves, accaparant les grandes vall�es l'une apr�s l'autre, portant leur effort principal en Chine, sur le Yang-Ts�-Kiang, le M�nam et le M�kong, et en Afrique, sur le Nil et le Niger, tout en empi�tant le plus possible sur le Zamb�se et en recherchant toutes les occasions de s'immiscer dans le Congo. On va jusqu'�pr�tendre que leur influence remonte tel fleuve d'Europe jusqu'au niveau du quai d'Orsay; qu'elle atteint m�me, depuis quelques mois, sur la rive oppos�e jusqu'au Pavillon de Flore. Pour parler statistiquement, l'empire britannique couvre aujourd'hui plus d'un sixi�me de la terre habit�e. L'expansion phag�d�nique de son imp�rialisme d�vorera tout le reste, s'il ne lui est oppos�une m�dication radicale et prompte. Enfant�e par Cromwell et con�ue dans l'Acte de navigation,--aliment�e par les fautes de Louis XIV, provoquant les nations�des guerres inutiles, o�la France et la Hollande s'�puis�rent l'une contre l'autre au seul profit de leur rivale,--grandie en s'incorporant la substance de nos grandes entreprises coloniales qu'abandonnaient aux Indes et au Canada les politiciens de l'int�rieur, la puissance maritime de l'Angleterre a pris toute sa force au moment m�me o�Napol�on lui fut livr�par l'Europe, qui perdait ce jour-l�son dernier d�fenseur. Elle s'�tale depuis lors dans un embonpoint, qui rev�t, sous la pouss�e de l'Imp�rialisme, un inqui�tant aspect de turgescence. Voici d�j� qu'apparaissent�fleur de peau les sympt�mes d'une couperose que l'esth�tique r�prouve et que l'hygi�ne ne saurait tol�rer: p�nibles d�mangeaisons du c�t�des Indes, o�l'an�mie voisine�la pl�thore, fendillement du Canada, tum�faction de l'Australie par l'effet de cette chaleur du sang qui fait�clater les vaisseaux de l'Afrique du Sud. Cette efflorescence est due aux capiteuses doctrines, dont les premi�res gouttes furent distill�es par lord Beaconsfield et que M. Chamberlain r�pand�flots depuis quelques ann�es; c'est�lui qu'il faut s'en prendre si la nation anglaise,�l'exception de quelques t�tes solides, est enivr�e par le suc ferment�de l'herbe guerri�re qui lui a fait perdre la notion des r�alit�s on m�me temps que le sentiment des devoirs. Quand et comment cela va-t-il finir? Il n'y a rien de tel pour d�griser les gens ivres que de voir couler leur sang. C'est le douloureux spectacle offert en ce moment�la nation anglaise. Elle s'en trouvera bien; l'avertissement et la saign�e seront profitables� sa nature apoplectique, congestionn�e chaque jour davantage par la satisfaction abusive d'un�besoin de prendre�que ne limite plus aucune consid�ration de respect humain.
Il faut souhaiter pour l'Angleterre et pour le genre humain que cette intoxication ne se prolonge pas et que la cervelle britannique soit bient�t d�barrass�e des manifestations d�lirantes de ce�jingo�sme� qui met�l'unisson avec les�lucubrations des chansonnettistes de caf�-concert les inspirations d'un admirable�crivain comme Rudyard Kipling et les vers du po�te laur�at qu'est M. Alfred Austin: la �Chevauch�e de Jameson�, la rengaine patriotique d'Hamilton, dont le refrain�Bas les pattes, Allemagne!�fit fureur au lendemain du t�l�gramme de Guillaume II, l'hymne en vogue�l'Alhambra, et la _ _ derni�re pens� Jungle Book , tout cela se ressemble ete de l'auteur du s'assemble, et se confond dans une d�concertante fraternit�des genres litt�raires: Shakespeare lui-m�me se trouve emmen�de gr�ou de force dans la cohue imp�rialiste,�la repr� Kingsentation de John , o�, sous _ _ les yeux de M. Chamberlain, un public en folie salue d'applaudissements fr�n�tiques ou de furieux grognements les passages dans lesquels il trouve place�des allusions aux choses du pr�sent.�Ainsi, quand on a entendu ces vers: _ Stand back, lord Salisbury, stand back, I say! By heaven! I think my sword as sharp as yours? _ (Arri�re, Salisbury, arri�re, te dis-je! Par Dieu, mon�p�e n'est-elle pas aussi tranchante que la tienne?) on a fortement grogn�, nous dit le correspondant d'un grand journal parisien. Cette citation est utile, en ce qu'elle fait comprendre l'attitude du Salisbury contemporain aux observateurs superficiels que trouble la d�sinvolture avec laquelle un homme d'�tat de ce sang-froid et de cette tenue s'est laiss�gagner�la main par le fougueux attelage qu'on le croyait de force�maintenir. On s'explique parfaitement qu'emport�dans ce galop infernal, sur la pente d'une inclination de l'opinion publique aussi accentu�e, un homme de l'�ge du marquis de Salisbury ne se soit pas senti assez vigoureux pour bouter en douceur le char de l'�tat contre la borne d'un v�to souverain, ni assez ingambe pour sauter� terre, et qu'il ait rendu la main. Au bout du foss�l'on verra si ce fut de la prudence. Il est�galement, vraisemblable que M. Chamberlain lui-m�me a�t� entra�n�par ce mouvement populaire fort au del�du but qu'il cherchait �atteindre, et avec une vitesse dont il n'est pas sans�prouver les inconv�nients. C'est un destin auquel se trouvent constamment expos�s les agitateurs publics. �Il y a des hommes que la popularit�devance, presque sans qu'ils l'aient cherch�e, que l'opinion prend par la main, pour ainsi dire, auxquels elle commande des crimes en vue d'un programme qu'elle leur impose... Le criminel en pareil cas, c'est la foule, vraie lady Macbeth, qui, d�s qu'elle a choisi son favori, l'enivre de ce mot magique: Tu seras roi! Dans quelle mesure ces lignes de Renan s'appliquent-elles�M. Chamberlain et quelle est la part du dessein conscient dans le g�nie malfaisant de ce politicien qu'une ambition implacable a�lev� progressivement de la manufacture des souliers�la fabrication des �crous, et du coll�ge�lectoral de Birmingham jusqu'�la plus haute situation politique du Royaume-Uni,--qui est peut-�tre�la veille de trouver en lui son Crispi? C'est une question qu'il serait int�ressant de poser, par exemple,�M. _ _ Stead, l'ancien Directeur du Pall Mail Gazette , l'�diteur actuel de la Review of Reviews , qui a sond�les arcanes psychologiques du h�ros _ _ de l'imp�rialisme et en a rapport�dans sa retentissante brochure:
_ _ Avons-nous une raison? de singuli�res r�v�lations sur la mobilit� d'un esprit politique qualifiant jadis de�<scandaleuse immoralit�une campagne que son entr�e au Colonial Office aur�ola subitement de toute la saintet�d'une moderne croisade,--sur la complicit�financi�re de ce politique dans la flibusterie Rhodes-Jameson et sur la collusion avec les coupables du juge-enqu�teur apposant sa signature au bas d'un rapport mensonger; on pourrait aussi, comme l'a fait M. Pierre Mille du Temps , s'enqu�rir l�-dessus aupr�s de l'�diteur du Manchester _ _ _ Guardian ou aupr�s de M. Wilson, qui a nettement d�voil�les _ sp�culations fantastiques dont s'�chauffe le patriotisme des promoteurs _ _ de l'exp�dition sud-africaine, fanatiques d�fenseurs des Uitlanders , ces int�ressants millionnaires, dont la�lande natale�est le parquet de la Bourse, comme le dit, dans le Truth , M. Labouch�re, qui para�t _ _ �tre, lui aussi, fort bien renseign�sur l'homme du jour, sur sa participation personnelle aux petites et aux grandes affaires _ _ du Transvaal et de la Chartered, aussi bien qu'aux op�rations fructueusement liquid�es, gr�ce�lui, par la Compagnie Royale du Niger. Voici l'horoscope que M. Labouch�re tirait, il y a quelques mois, sur ce grand entrepreneur de sp�culation�main arm�e: Si lord Salisbury ne surveille pas avec soin son secr�taire d'�tat, nous nous trouverons engag�s dans une guerre, au Sud-Africain, et non avec le seul Transvaal,--guerre dans laquelle les sympathies de la majorit�des habitants du Cap seront tourn�es vers nos adversaires,--guerre qui n'aura d'autre but que de satisfaire la rancune de M. Chamberlain contre le pr�sident Kr�ger. M. Chamberlain n'est pas un homme d'�tat. Hors du pouvoir, ses projets apparaissent et disparaissent comme les averses d'avril. Une, fois au pouvoir, son grand but est de mettre ses coll�gues dans l'embarras. Si on l'avait laiss�faire, nous aurions eu la guerre avec la Russie, la France, les�tats-Unis et l'Allemagne... Dans ma conviction, M. Chamberlain est le plus dangereux ministre imp�rial qui ait jamais dirig�le d�partement des Colonies. Si lord Salisbury n'avait pas�nergiquement retenu M. Chamberlain, nos colonies en arriveraient bient�t�abhorrer le lien qui les attache�nous, et l'avidit�pour les annexions africaines nous aurait d�j�jet�s dans un conflit avec une ou plusieurs puissances europ�ennes.� Cette page proph�tique marque une des escarmouches de la guerre de broussailles qui se poursuit au jour le jour entre le lyrisme brutal de _ _ Kipling, d'Austin et des pourvoyeurs de music halls , enr�l�s avec eux sous la banni�re de l'Imp�rialisme, et l'humour ac�r�du vieil esprit _ _ critique anglais, dont le directeur du Truth est le protagoniste le plus brillant et le plus redout�. Sa causticit�ronge le foie des puritains d'�tat qui out engag� l'honneur de l'Angleterre dans une guerre effroyable, dont le principe est ce qu'il appelle en argot de bourse un�slump in Kafftirs�--un coup sur les Cafres,--et dont le but humanitaire est de secourir contre les sataniques fermiers boers ces petits agneaux de financiers des mines d'or,�les ilotes du Rand�comme les appelle sir Alfred Milner. Il est vrai que cette qualification avait�t�utilis�e, trois ans auparavant par M. L�onard, l'audacieux mais fugitif entrepreneur de la r�volution de Johannesburg, ce soul�vement impr�vu des mis�res capitalistes, qui a inspir��M. Cecil Rhodes devant la commission d'enqu�te parlementaire ce mot d'une profondeur vertigineuse:�J'ai fourni des fonds pour la r�volution de Johannesburg, mais pas tous; ce n'est pas mon affaire de dire qui a fourni le reste. C'�tait, je le reconnais, une r�volution subventionn�e, comme toutes les r�volutions!� Cet aveu du dictateur de l'Imp�rialisme sud-africain en dit plus que tous les sarcasmes de ses adversaires sur une politique dont on
trouverait la cl�dans une citation de l'�conomiste N�b�nius:�La guerre est le temps de moisson des capitalistes.��crit-il dans ses Consid�rations sur la situation�conomique, de la Grande-Bretagne. _ _ Voil�sans doute pourquoi la sanglante exp�dition engag�e contre le Transvaal soul�ve l'enthousiasme de la bourgeoisie anglaise, compos�e de _ _ businessmen , dont M. Chamberlain est le type le plus accompli; voil� pourquoi, d'autre part, elle a fait retentir jusque dans l'enceinte du Parlement la protestation discr�te et r�sign�e de lord Kimberley et de sir Campbell Bannerman, la r�probation formelle de sir William Harcourt et l'indignation de John Morley, que toute l'Angleterre appelait honest _ John quand elle n'avait pas encore perdu la notion de l'honn�tet�. _ M. Chamberlain est l'ennemi personnel du genre humain, mais sa combativit�s'est rev�tue d'une armure de prudence en Extr�me-Orient, o�il a trouv��qui parler: inqui�tants partenaires aupr�s desquels il fallait�tre le convive��la longue cuiller�, adversaires plus redoutables encore, en face desquels on devrait sortir des armes d'une taille proportionn�e�la cuiller en question. L�, tout s'est born� de sa part�quelques�carts de langage,�des provocations purement verbales pour amuser la galerie. C'est ainsi qu'il fut amen��tourner ses batteries sur l'Afrique, o� ne se trouvait devant lui qu'un comp�titeur en pleine croissance territoriale mais moralement amoindri par une d�moralisation politique qui laissait�la merci du quidam assez audacieux pour en imposer� un esprit affaibli, tout le b�n�fice du travail vaillamment et pers�v�ramment accompli par des membres alertes et vigoureux. Et l'oeuvre r�alis�e en vingt ans d'une initiative coloniale aussi heureuse que vaillante, et favoris�e contre toute attente par un esprit de suite qui faisait d�faut partout alentour, s'est trouv�e compromise par l'effet de la volont�d'un gouvernement incapable d'�tendre son application�d'autres objets que ceux de la lutte des partis. Depuis l'�poque lointaine,--en ce temps-l�M. Chamberlain ne s'�levait pas encore au-dessus de la chaussure,--depuis que le d�sastreux accident d'une fausse manoeuvre parlementaire entre Gambetta et M. de Freycinet nous a fait perdre l'�gypte m�diterran�enne, les sympt�mes progressifs de notre affaissement int�rieur se sont normalement d�velopp�s jusqu'au jour o�il a�t�reconnu que nous�tions m�rs pour l'affolement: alors, il a suffi de la menace de Fachoda,--merveilleusement mise en sc�ne, il est vrai,--pour nous faire abandonner pr�cipitamment le Soudan Nilotique aux mains d'un larron, dont la terrifiante escopette n'�tait pas charg�e d'une autre poudre que celle que l'on jette aux yeux, et dont la seule chance s�rieuse de nous r�duire r�sidait dans son ascendant moral. Ce fut alors que le marquis de Salisbury fit signer�la France, sous le nom de D�claration additionnelle�la Convention franco-anglaise du 14 juin 1898, le billet de Fuald�s, tandis que M. Chamberlain tournait fr�n�tiquement l'orgue de Barbarie de ses Rudyard Kipling. La grandiose conception du chemin de fer du Cap au Caire trouvait d�s lors, de ce c�t�, une fondation puissante; il restait�en�tablir l'autre pilier en agglom�rant les moellons de l'Afrique du Sud par la r�duction du Transvaal, corps�tranger, dont la substance r�fractaire emp�chait le ciment de prendre. Il faudrait ensuite assurer le sout�nement de la vo�te m�diane par un accord,--il serait peut-�tre plus exact de dire par un raccord,--soit avec la colonie allemande de l'Est-Africain, soit avec l'�tat ind�pendant du Congo, qui s'�tendent, bout�bout, de l'un�l'autre oc�an, en travers de la route virtuelle du Nord au Sud. La souverainet�de l'Afrique tiendrait tout enti�re dans cette entreprise, qui pr�tend donner au continent noir une colonne vert�brale
_ _ gigantesque, un back-bone, dont le noeud vital serait le Caire et dont les circonvolutions c�r�brales auraient leur centre�Londres. Une fois pourvue de cet instrument de domination qui mettrait le Zamb�se et le Congo sous sa main d�j�pos�e sur tout le Nil et sur le Bas-Niger, l'Angleterre n'aurait plus qu'�s'installer�Delagoa-Bay, qui commande l'oc�an Indien, et c'en serait fait�l'instant de l'oeuvre coloniale patiemment�labor�e, au prix de quels sacrifices et de quels d�vouements par la France et, aussi, par l'Allemagne. La conqu�te du Transvaal repr�sente pour l'Angleterre trois�l�ments d'un int�r�t capital: c'est la cr�ation d'un empire sud-africain aussi puissant que celui des Indes et moins expos�aux convoitises de voisinage; c'est l'accaparement des richesses mini�res qui constituent un tr�sor dans lequel il n'y aura qu'�puiser pour alimenter les d�penses incalculables d'une installation de cette envergure; c'est enfin la prise de possession de la baie de Delagoa, qui sera dans le jeu de l'Angleterre un atout aussi pr�cieux que Gibraltar: la rade de Louren�o-Marqu�s�tant appel�e�fournir, au prix de certains travaux, l'un des plus beaux ports du monde, et�devenir le grand d�versoir des charbons de l'Afrique du Sud. Tout cela va tomber in�vitablement aux mains de l'Angleterre, qui, comme l'avare Ach�ron, ne l�che point sa proie, et c'en est fait de l'Afrique pour les autres nations de l'Europe,�moins qu'une voix ne se fasse entendre pour appeler le monde pacifique au soutien d'un�quilibre sud-africain qui pourrait�tre, avec une stabilit�infiniment moins pr�caire, l'utile contrepoids de cet�quilibre europ�en dont la recherche a troubl�plus de cervelles que la poursuite du mouvement perp�tuel. L'historique de la question sud-africaine a�t�trac�maintes fois depuis que le conflit anglo-transvaalien, passant graduellement de la forme chronique�l'�tat aigu, tient l'Europe en�moi. Il se lie d'ailleurs�troitement�la d�solante histoire de la comp�tition anglo-fran�aise en�gypte, qui marque la premi�re�tape de l'Imp�rialisme africain[1]. Depuis le temps o�lord Palmerston combattait l'oeuvre civilisatrice de Ferdinand de Lesseps par les proc�d�s inqualifiables que M. Charles Roux d�non�ait r�cemment dans une�tude magistrale[2] sur le canal de Suez--(l'un de ces moyens d'obstruction consistait�soulever les Fellahs)--jusqu'�M. Chamberlain, armant les noirs contre les colons hollandais, c'est la m�me lutte que soutient l'Angleterre contre quiconque porte ombrage�cette pr�potence de droit divin,�ce �Paramount Power�qu'elle revendique et dont les exigences dans l'Afrique du Sud rev�tent l'exclusivisme d'une sorte de doctrine de Monroe. [Note 1: Il ne nous appartient pas de nous arr�ter sur ce point et nous ne croyons pouvoir mieux faire que de signaler l'ouvrage de M. De _ Caix, pleinement document�, nettement d�duit, fermement conclu: Fachoda (la France et l'Angleterre). --Librairie Africaine et Coloniale J. _ Andr�.] _ _ [Note 2: Revue de Paris , n�des 1er, 15 octobre et 1er novembre.] Apr�s une vaine tentative pour enlever aux Hollandais leur florissante colonie du cap de Bonne-Esp�rance, en 1786,--attentat vivement ch�ti� par le bailli de Suffren au combat du Cap-Vert,--l'Angleterre profita de la R�volution fran�aise pour s'y insinuer adroitement, mais c'�tait cette fois-l�dans l'honorable dessein de la conserver�la Hollande, car la politique anglaise est un peu comme le sabre de M. Prudhomme �pour d�fendre ses amis, et au besoin pour les combattre�. Elle la
conserva si bien qu'elle l'a gard�e jusqu'�ce jour. Tous ses efforts s'appliqu�rent d�s lors�rendre le s�jour intol�rable aux Boers, peuple de paysans, comme le nom l'indique, form�des colons des Provinces-Unies (la Compagnie hollandaise s'�tait install�e aupr�s de Mount-Table en 1848) avec un fort apport de calvinistes fran�ais, jet�s hors de leur pays par la r�vocation de l'�dit de Nantes. Le g�n�ral Joubert est un descendant de ceux-ci, et une infinit�d'autres noms fran�ais subsistent au Transvaal. Reconnaissant la vie impossible pour eux sous la domination anglaise, les Boers, s'�loignant du rivage, franchirent le seuil montagneux et longtemps ils err�rent avec leurs troupeaux�travers la lande sud-africaine, dans la vaillante rudesse et la pastorale frugalit�des H�breux en Chanaan. Ce fut le grand trekk _ _ de 1833, o�figurait Kr�ger adolescent. Dans leur lutte incessante contre les animaux, dont les plus redoutables et les plus abondants �taient les Cafres et les Zoulous (le Hottentot est paisible), la race fut vite aguerrie, puis les Anglais se charg�rent de l'amener progressivement�une v�ritable perfection dans l'art de la guerre contre les armes europ�ennes. En 1848, on la pourchasse, on la d�fait �la bataille de Boomplatz et on pr�tend imposer la souverainet� britannique sur la r�gion de l'Orange-River; pour�chapper�une domination odieuse, les Boers les plus vaillants s'en vont au del�du Natal, sous la conduite de Pretorius, retrouver les hardis pionniers qui disputaient�la f�rocit�des Mat�b�l�s cette marche sud-africaine, o� le sol du Witwatersrand, exploit�aujourd'hui jusqu'�plus de trois mille pieds par la plus r�mun�ratrice industrie qui soit au monde,�tait alors foul�par des lions et par des rhinoc�ros. Combattant d'un c�t� les noirs et de l'autre les Anglais, les Boers eurent bient�t d�montr�� ceux-ci que le nouveau peuple d'Isra�l ne se laisserait pas r�duire en servitude, et le gouvernement britannique prit le parti de reconna�tre, au trait�de Sand-River (1852), la R�publique sud-africaine du Transvaal. On n'attribuait alors�ces terres sauvages pas plus de valeur que lord Salisbury n'en accordait�ces sables dans lesquels, selon son impertinente appr�ciation, le coq gaulois se pla�t�picorer. Un beau jour, il se trouva des diamants�Kimberley, chez les Boers de l'Orange: presque aussit�t la r�gion de Kimberley�tait annex�e�la Couronne (1871). On d�couvrit peu apr�d'or du Rand; le Transvaal prits les mines aussit�t le plus vif int�r�t aux yeux de l'Angleterre qui se l'annexa sans autre forme de proc�s (1877), et, il faut le dire aussi, sans r�sistance effective des Boers,�puis�s de forces et de ressources par leurs luttes meurtri�res contre les peuplades noires sur lesquelles ils avaient conquis ce pays. Le commissaire anglais Shepstone n'eut qu'�se montrer pour prendre possession, par ordre du gouverneur g�n�ral du Cap, sir Bartle Fr�re, dont la d�claration fut confirm�e l'an suivant par son successeur lord Wolseley, au m�pris du trait�de 1852. L'Angleterre triomphait. Elle a d�chant�depuis ce temps. Apr�s de vains et persistants efforts pour obtenir justice�Londres, les Boers, exasp�r�s par l'intol�rance maladroite des fonctionnaires locaux, comprirent qu'il n'y avait� compter que sur la force; dans une r�union solennelle des burghers� Pardekraal, le 16 d�cembre 1880, ils mirent�leur t�te le triumvirat Kr�ger, Brand et Joorissen, qui confia la direction des op�rations militaires au g�n�ral Joubert. Les Anglais furent battus� Potchefstroom, les passes du Drakenberg furent occup�es sur la fronti�re du Natal et les journ�es de Laings Neck et d'Iniogo, suivies de la double victoire de Majuba-Hill, mirent en d�route l'arm�e du g�n�ral sir Pomeroy Colley, qui fut trouv�parmi les morts. Le bruit courut qu'il s'�tait br�l�la cervelle. Des droits que l'on d�fendait avec une telle vigueur d'argumentation �taient dignes de l'attention du gouvernement anglais; il le comprit
tout de suite,�tant de ceux-l�qui pensent que bon accommodement est pr�f�rable�mauvais proc�s, et l'accommodement fut tout�son avantage, car,�la faveur d'un ing�nieux artifice diplomatique, il maintenait le protectorat sur le peuple qui venait d'infliger un si rude�chec�son protecteur. Les Boers protest�rent l�contre, tant et si bien, qu'�la suite de la mission en Europe de MM. Kr�ger, devenu pr�sident de la R�publique, Jacob du Toit et g�n�ral Smit, lord Derby, devant l'insistance de M. Gladstone, substitua�la convention ant�rieure le trait�de 1884, dans lequel�taient nettement r�gl�s les rapports de l'Angleterre avec la R�publique sud-africaine et qui ne portait plus trace d'une suzerainet�, dont la suppression faisait la base du nouvel accord. Le Transvaal�tait r�int�gr�dans tous ses droits nationaux, sous cette seule r�serve que l'Angleterre b�n�ficierait d'une facult� _ de veto sur les trait�s conclus avec d'autres�tats que l' Orange Free State , pendant un d�lai de six mois apr�s leur r�daction. _ C'est pour le r�tablissement de cette suzerainet�, jamais exerc�e et promptement d�nonc�e, que le gouvernement britannique fait la guerre, apr�s avoir jou�longtemps d'un autre pr�texte aussi peu fond�, la revendication des droits politiques des uitlanders (r�sidents �trangers), en d�pit du trait�de 1884, dont l'article 4 pr�cise la nature de ces droits, exclusivement commerciaux, et sans la moindre pr�tention�une ing�rence politique. M. Kr�ger avait pourtant,�une �poque o�il se faisait encore illusion sur la sinc�rit�de certaines dol�ances, ouvert la porte du second Raad aux uitlanders justifiant comme�lecteurs de deux ans de s�jour et de quatre ans comme�ligibles, sous la seule condition, bien entendu, qu'ils renon�assent�la nationalit�anglaise. Le nombre fut infime de ceux qui mirent�profit cette occasion d'�chapper�leur sort de uitlanders pers�cut�s. Ils voulaient bien partager les avantages des burghers, mais ils ne songeaient pas un seul instant�renoncer aux pr�rogatives des citoyens britanniques. Les�ph�m�res exploitants de ce camp minier qu'est la ville de Johannesburg, selon l'expression de M. Paul Leroy-Beaulieu, pr�tendaient faire la loi aux ma�tres du sol transvaalien,�ceux qui l'avaient conquis de leurs armes, arros�de leur sang, d�fendu de toutes leurs �nergies et constitu�en un�tat qui repr�sente, observons-le en _ _ passant, avec l' Orange Free State , la seule r�publique contemporaine vraiment digne de ce nom. Jameson pr�tendit r�gler la question d'un coup de main; on lui donna sur les doigts; M. Chamberlain l'a rouverte avec une poigne plus exerc�e, mais qui ne para�t pas devoir�tre plus heureuse. La politique imp�rialiste avait, il faut le reconna�tre,�t�fort habilement men�e jusqu'�l'�clat malencontreux du raid de ce Jameson, dont le z�le intempestif compromit tout pour longtemps. On avait patiemment travaill��investir le Transvaal, d'abord en lui coupant toute communication avec la mer; apr�s avoir inutilement tent�de ravir la baie de Delagoa au Portugal, auquel elle fut rendue par l'arbitrage du mar�chal de Mac-Mahon en 1875, on passait, en 1884, avec les tribus du Tongaland un trait�qui�tendait la puissance britannique sur la c�te de l'oc�an Indien jusqu'aux possessions portugaises. Puis, sans perdre de temps, on op�ra du c�t�de la terre ferme, sous l'inspiration �nergique et pr�voyante de Cecil Rhodes, poussant vigoureusement le protectorat du Bechuanaland entre la R�publique sud-africaine et la colonie allemande du Damaraland, qui manifestaient des vell�it�s de se rejoindre, et devan�ant, bient�t apr�s, l'expansion transvaalienne dans le Mashonaland, o�elle�tait�la veille de s'installer en vertu d'un trait�pass�avec Lobengula par le pr�sident Kr�ger. Puis la Compagnie anglaise de l'Afrique du Sud, habituellement d�sign�e sous le nom de Chartered,�tait cr��e par Cecil Rhodes, entre les mains duquel elle est actuellement un instrument politique redoutable apr�s avoir�t�un