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ÉMI LE ZOLA
SON EX CELLENCE
EUGÈN E ROUGON
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
SON EX CELLENCE
EUGÈN E ROUGON
1876
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0255-1
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
encor e deb out, au milieu du lég er tumulte que
son entré e v enait de pr o duir e . Il s’assit, en disant à demi-v oix,L néglig emment :
― La sé ance est ouv erte .
Et il classa les pr ojets de loi, placés de vant lui, sur le bur e au. A sa
g auche , un se crétair e , my op e , le nez sur le p apier , lisait le pr o cès-v erbal
de la der nièr e sé ance , d’un balbutiement rapide que p as un député n’é
coutait. D ans le br ouhaha de la salle , cee le ctur e n’ar rivait qu’aux or eilles
des huissier s, très-dignes, très-cor r e cts, en face des p oses abandonné es
des membr es de la Chambr e .
Il n’y avait p as cent députés présents. Les uns se r env er saient à demi
sur les banquees de v elour s r oug e , les y eux vagues, sommeillant déjà .
D’autr es, pliés au b ord de leur s pupitr es comme sous l’ ennui de cee
corvé e d’une sé ance publique , baaient doucement l’acajou du b out de leur s
doigts. Par la baie vitré e qui taillait dans le ciel une demi-lune grise , tout le
1Son Ex cellence Eugène Roug on Chapitr e I
pluvieux après-midi de mai entrait, tombant d’aplomb , é clairant
régulièr ement la sé vérité p omp euse de la salle . La lumièr e descendait les gradins
en une lar g e napp e r ougie , d’un é clat sombr e , allumé e çà et là d’un r eflet
r ose , aux encoignur es des bancs vides ; tandis que , der rièr e le président,
la nudité des statues et des sculptur es ar rêtait des p ans de clarté blanche .
Un député , au tr oisième banc, à dr oite , était r esté deb out, dans l’étr oit
p assag e . Il fr oait de la main son r ude collier de barb e grisonnante , l’air
pré o ccup é . Et, comme un huissier montait, il l’ar rêta et lui adr essa une
question à demi-v oix.
― Non, monsieur K ahn, rép ondit l’huissier , monsieur le président du
conseil d’État n’ est p as encor e ar rivé .
Alor s, M. K ahn s’assit. Puis, se tour nant br usquement v er s son v oisin
de g auche :
― Dites donc, Béjuin, demanda-t-il, est-ce que v ous av ez v u Roug on,
ce matin ?
M. Béjuin, un p etit homme maigr e , noir , de mine silencieuse , le va la
tête , les p aupièr es baantes, la tête ailleur s. Il avait tiré la planchee de
son pupitr e . Il faisait sa cor r esp ondance , sur du p apier bleu, à en-tête
commer cial, p ortant ces mots : Béjuin et C, cristallerie de Saint-Florent .
― Roug on ? rép éta-t-il. Non, je ne l’ai p as v u. Je n’ai p as eu le temps
de p asser au Conseil d’État.
Et il se r emit p osément à sa b esogne . Il consultait un car net, il é
crivait sa deuxième ler e , sous le b ourdonnement confus du se crétair e , qui
ache vait la le ctur e du pr o cès-v erbal.
M. K ahn se r env er sa, les bras cr oisés. Sa figur e aux traits forts, dont
le grand nez bien fait trahissait une origine juiv e , r estait maussade . Il r
eg arda les r osaces d’ or du plafond, s’ar rêta au r uissellement d’une av er se
qui cr e vait en ce moment sur les vitr es de la baie ; puis, les y eux p erdus, il
p ar ut e x aminer aentiv ement l’ or nementation compliqué e du grand mur
qu’il avait en face de lui. A ux deux b outs, il fut r etenu un instant p ar les
p anne aux tendus de v elour s v ert, char g és d’aributs et d’ encadr ements
dorés. Puis, après av oir mesuré d’un r eg ard les p air es de colonnes, entr e
lesquelles les statues allég oriques de la Liberté et de l’ Ordre public
mettaient leur face de marbr e aux pr unelles vides, il finit p ar s’absorb er dans
le sp e ctacle du ride au de soie v erte , qui cachait la fr esque r eprésentant
2Son Ex cellence Eugène Roug on Chapitr e I
Louis-P hilipp e prêtant ser ment à la Charte .
Cep endant, le se crétair e s’était assis. Le br ouhaha continuait dans la
salle . Le président, sans se pr esser , feuilletait toujour s des p apier s. Il
appuya machinalement la main sur la p é dale de la sonnee , dont la gr osse
sonnerie ne dérang e a p as une seule des conv er sations p articulièr es. Et,
deb out au milieu du br uit, il r esta là un moment, à aendr e .
― Messieur s, commença-t-il, j’ai r e çu une ler e . . .
Il s’inter r ompit p our donner un nouv e au coup de sonnee , aendant
encor e , dominant de sa figur e grav e et ennuyé e le bur e au monumental,
qui étag e ait au dessous de lui ses p anne aux de marbr e r oug e encadrés
de marbr e blanc. Sa r e ding ote b outonné e se détachait sur le bas-r elief
placé der rièr e le bur e au, où elle coup ait d’une ligne noir e les p eplums de
l’ Agricultur e et de l’Industrie , aux pr ofils antiques.
― Messieur s, r eprit-il, lor squ’il eut obtenu un p eu de silence , j’ai r e çu
une ler e de monsieur de Lamb erthon, dans laquelle il s’ e x cuse de ne
p ouv oir assister à la sé ance d’aujourd’hui.
Il y eut un lég er rir e sur un banc, le sixième en face du bur e au.
C’était un député tout jeune , vingt-huit ans au plus, blond et adorable , qui
étouffait dans ses mains blanches une g aieté de jolie femme . Un de ses
collègues, énor me , se rappr o cha de tr ois places, p our lui demander à l’
or eille :
― Est-ce que Lamb erthon a v raiment tr ouvé sa femme . . . ?
Contezmoi donc ça, La Rouquee .
Le président avait pris une p oigné e de p apier s. Il p arlait d’une v oix
monotone ; des lamb e aux de phrase ar rivaient jusqu’au fond de la salle .
― Il y a des demandes de cong é . . . monsieur Blachet, monsieur
Buquin-Le comte , monsieur de la Villardièr e . . .
Et, p endant que la Chambr e consulté e accordait les cong és, M. K ahn,
las sans doute de considér er la soie v erte tendue de vant l’imag e sé ditieuse
de Louis-P hilipp e , s’était tour né à demi p our r eg arder les tribunes. A
udessus du soubassement de marbr e jaune v einé de laque , un seul rang de
tribunes meait, d’une colonne à l’autr e , des b outs de ramp e de v elour s
amarante ; tandis que , tout en haut, un lambr e quin de cuir g aufré
n’arrivait p as à dissimuler le vide laissé p ar la suppr ession du se cond rang,
réser vé aux jour nalistes et au public, avant l’ empir e . Entr e les gr osses
3Son Ex cellence Eugène Roug on Chapitr e I
colonnes jaunies, dé v elopp ant leur p omp e un p eu lourde autour de
l’hémicy cle , les étr oites log es s’ enfonçaient, pleines d’ ombr e , pr esque vides,
ég ayé es p ar tr ois ou quatr e toilees clair es de femme .
― Tiens ! le colonel Job elin est v enu, mur mura M. K ahn.
Il sourit au colonel, qui l’avait ap er çu. Le colonel Job elin p ortait la
r e ding ote bleu foncé qu’il avait adopté e comme unifor me civil, depuis sa
r etraite . Il était tout seul dans la tribune des questeur s, av e c sa r osee
d’ officier , si grande , qu’ elle semblait le nœud d’un foulard.
P lus loin, à g auche , les y eux de M. K ahn v enaient de se fix er sur un
jeune homme et une jeune femme , ser rés tendr ement l’un contr e l’autr e ,
dans un coin de la tribune du Conseil d̵