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1997
Écrit par
Victor Karady
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Publié le
01 janvier 1997
Nombre de lectures
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Langue
Français
Poids de l'ouvrage
3 Mo
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Monsieur Victor Karady
Les Juifs et les États-nations dans l'Europe contemporaine
(XVIIIe-XIXe siècles)
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 118, juin 1997. pp. 28-54.
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Karady Victor. Les Juifs et les États-nations dans l'Europe contemporaine (XVIIIe-XIXe siècles). In: Actes de la recherche en
sciences sociales. Vol. 118, juin 1997. pp. 28-54.
doi : 10.3406/arss.1997.3221
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1997_num_118_1_3221Zusammenfassung
Die Juden und die Nationalstaaten im zeitgenössischen Europa.
Diese Studie der historischen Soziologie untersucht die Ursprünge der «Judenfrage» und die Lösungen,
die in den nachfeudalen Gesellschaften Europas jeweils darauf gefunden worden sind. Vereinfachend
lassen sich drei Modelle der politischen Behandlung der Juden unterscheiden. In den westeuropäischen
Gesellschaften tendiert man mehr als anderswo zur Lösung einer bedingungslosen Emanzipation, wie
es etwa im jakobinischen Frankreich im liberalen Konzept des Nationalstaates zum Ausdruck kommt,
das auf der Gleichheit aller Bürger vor dem Gesetz, sowie der freien Konkurrenz aller im ökonomischen,
politischen und kulturellen Feld beruht. Die zunächst von absolutistischen, sodann von
(parlamentarisch-) konstitutionellen Modellen der Modernisierung ausgehenden Reiche Mitteleuropas
(namentlich Östereich-Ungarns und Deutschlands) bringen eine auf Verhandlungen und dem Grad
erfolgreich vollzogener Assimilierung jüdischer Gemeinschaften beruhende, bedingte Emanzipation zur
Anwendung. Demgegenüber hatte in Osteu- ropa (Rußland und Rumänien) die verspätete und
begrenzte Modernisierung der Staaten (beziehungsweise Erlangung staatlicher Unabhängigkeit im Falle
Rumäniens) zur Institutionalisierung einer politisch antijudischen Haltung geführt, durch die bis zum
ersten Weltkrieg jede Form von Emanzipation ausgeschlossen blieb.
Abstract
Jews and the early modem European nation-states.
This study in historical sociology cleals with the construction of the «Jewish question» and the solutions
adopted in the post-feudal societies of Europe. The authors found three policy models. Western Europe
made an early move towards unconditional emancipation, which corresponded to the liberal conception
(in Jacobine France) of the nation-state, including equality of all citizens before the law and unfettered
competition in the fields of economy, politics and culture. In Central Europe (the Austro-Hungarian
Empire and. Germany), those empires involved in progams of first of all absolutist and then
(parliamentary) constitutional modernization proceeded with a negotiated conditional policy of
emancipation, based on the degree of assimilation of the Jewish communities. In Eastern European
States (Russia and Rumania), the slow, limited modernization (in Rumania, the advent of an
independent State) stemmed from the institutionalization of an anti-jewish policy which continued to
prohibit emancipation up until the First World War.
Résumé
Les Juifs et les États-nations dans l'Europe contemporaine.
Cette étude de sociologie historique porte sur la construction de la « question juive » et les solutions qui
y ont été apportées en Europe dans les sociétés post-féodales. Trois modèles du traitement politique
des Juifs s'en dégage. Dans les sociétés occidentales on achemine plus tôt qu'ailleurs vers
l'émancipation sans conditions, ce qui correspond à la conception libérale (en France jacobine) de
l'État-nation, comportant l'égalité des citoyens devant la loi et la concurrence libre de tous dans les
champs économique, politique ou culturel. En Europe centrale (Autriche-Hongrie, Allemagne) les
Empires qui s'engagent dans des programmes de modernisation d'abord absolutiste puis constitutionnel
(de type parlementaire) procèdent à une politique négociée et conditionnelle d'émancipation, en
fonction du degré d'assimilation réussie par les communautés juives. Dans l'Est européen (en Russie et
en Roumanie) la modernisation retardée et limitée des États (en Roumanie l'accès à l'indépendance
étatique) s'est fondée sur l'institutionnalisation de l'antijudaïsme politique, interdisant l'émancipation
jusqu'à la Première Guerre mondiale..
Victor Karady
Les Juifs et les Etats-nations
dans l'Europe contemporaine
(xvif-xix? siècles)
la création des États-nations ou du moins des États (ou
empires) centralisés et fortement structurés. Certes, ces
projets ont été conçus et ont reçu un début d'applicaguère place des de ontrairement vrai extrême questions. Juifs par dans dont les Constamment le aux les manifestations féodalisme Juifs apparences, furent cantonnés européen souvent de confortées la ne l'objet, à violence la posait il périest la
tion dans des conditions très différentes selon la nature
elle-même très variable de la féodalité aux quatre coins
de l'Europe où des Juifs étaient implantés. Pourtant, phérie de ces sociétés d'ordres en tant qu'éléments
tous avaient un volet tendant à redéfinir la place des hors système en raison de leur statut de non-chrétiens,
Juifs dans la société, soit — dans le cas plus général - en voire même absents (par suite d'expulsions) de la plu
les y intégrant davantage par des mesures d'émancipatpart des formations étatiques de l'Occident du xve ou
xvie jusqu'au xvne ou xvme siècle, les Juifs n'interve ion et d'association, soit en leur assignant une nouvelle
position plus ou moins distanciée par rapport aux naient guère en tant qu'acteurs de l'histoire jusqu'au
autres éléments constitutifs de l'État et de la société xixe siècle. Cela ne veut à coup sûr pas dire qu'ils furent
redéfinie en tant que « communauté nationale »> Dans complètement «hors l'histoire», comme l'avanceront
ce processus extrêmement diversifié, il convient d'identcertains historiens, puisqu'ils ne cessaient d'être au
ifier dès l'abord deux nouveaux phénomènes. cœur de bien des conflits économiques, politiques,
D'une part les Juifs eux-mêmes disposeront — grâce voire religieux opposant diverses puissances féodales
notamment aux programmes de modernisation mêmes (les patriciats urbains, la noblesse, les souverains, la
en cours et aux transformations internes des communhiérarchie des Églises). Dans ces contentieux, ils ne
autés juives - d'un pouvoir élargi pour participer plus détenaient certes qu'une marge étroite de manœuvre,
activement qu'auparavant dans la négociation de leur donc une faible capacité d'action. Toutefois, en tant
place dans la société. De victimes passives ou résignées qu'intermédiaires économiques entre les ordres au
de la violence subie ou de partenaires faibles et soumis point de servir (comme en Pologne ou en Moldavie)
des puissances féodales, ils deviennent des agents de d'une sorte de tiers état avant la lettre, en concurrence
plus en plus créateurs de leur destin - ceci en dépit des avec le patriciat et la bourgeoisie corporatiste, les Juifs
contraintes qui continuent à peser sur leur action. Les jouissaient partout d'une certaine autonomie commun
politiques d'émancipation ou de répression seront le autaire, au moins pour l'organisation du culte et pour
résultat des interactions locales entre les élites dirla police des mœurs, ce qui revenait parfois (comme en
igeantes et l'establishment juif. D'où partout l'éclatPologne) à l'autogestion politique. En tout cas, leur
ement et la diversification croissante des milieux juifs situation, quelque précaire qu'elle fût, n'était générale
selon les stratégies de comportement qu'ils adoptent ment pas mise en cause.
face aux défis de la modernité, qu'ils soient perçus Cette situation de longue durée est bouleversée par
comme chance ou comme source de danger. Le suite de l'émergence, au cours du xvme et de la pre
consensus, généralement acquis jusqu'au xvme siècle, mière moitié du xixe siècle, des projets de modernisat
quant à la religion comme base de l'identité juive, vole ion politique et économique des sociétés européennes
dorénavant en éclats. comportant en règle l'abolition des d'ordres et :
Les Juifs et les États-nations dans l'Europe contemporaine 29
D'autre part, on observe sinon un mouvement de tions, pour acquérir une formation supérieure, ou
« globalisation » (avant l