>Le syndicat ou la mortAlbert Libertad1906On dit que les loups ne se mangent pas entre eux. J’ai trop peu de notionspersonnelles sur les mœurs de ces bêtes pour me permettre de croire ce dictonmoins idiot que la plupart des dictons. Si par hasard il était exact, ça ne prouveraipour nous qu’une chose : c’est qu’entre les hommes et les loups il y a, par surcroîtdes distinctions zoologiques, une sacrée différence d’appétits.Il est probable et certain que la civilisation, si merveilleusement favorable audéveloppement de nos instincts les plus sauvages, a détruit chez nous les scrupulesque notre férocité avait peut-être de commun, en des âges meilleurs, avec celle desloups. Nous n’en sommes plus, hélas ! à l’anthropophagie vulgaire ; celle qui secontente d’égorger, de découper, de faire cuire et de digérer proprement notrehumaine viande. Ces procédés simplistes sont relégués sous quelques latitudestropicales, où de moins en moins, paraît-il, on les applique. Chez nous, dans nosbon pays privilégiés, où le progrès a fait son chemin, on s’entre-dévore avec unegloutonnerie d’autant moins scrupuleuse que de mille manières faciles, sinon trèsagréables, nous pouvons nous cuisiner.Mais naturellement, comme dans toutes les manifestations du progrès déjà nommé,c’est l’ouvrier, c’est le prolétaire qui marche toujours en tête. Souverains, financierset bourgeois ne dédaignent pas de se manger entre eux. Pourtant, soit leur goûtpeu friand d’une alimentation qu’ils ...
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