Le Philosophe allemand Jacob Boehme
Émile Boutroux
« Gott ist von der Natur frei und die Natur ist doch seines Wesens. »
J. BOEHME, Vom dreifachen
Leben des Menschens, 16, 37
(Boehme’s Werke, édit. Schiebler, t. IV, p. 249).
Sommaire
1 I
2 II
3 III
4 IV
5 V
6 VI
I
Ce n’est pas l’usage, même en Allemagne, d’assigner au cordonnier théosophe de
la Renaissance, Jacob Boehme, une place importante dans l’histoire de la
philosophie. On reconnaît en lui, avec Hegel, un esprit puissant ; mais, quand on
accorde que de son œuvre obscure et confuse se dégage un certain nombre de
doctrines à peu près saisissables pour l’intelligence, on range ces doctrines du
côté de la théologie et de l’édification chrétienne, plutôt qu’on n’y voit des
monuments de la science profane et rationnelle. Une telle appréciation est naturelle
en France, où la philosophie, selon l’esprit de Descartes, relève surtout de
l’entendement et se défie de tout ce qui ressemble au mysticisme. Mais en
Allemagne la philosophie n’a pas revêtu d’une façon aussi constante la forme
rationaliste. À côté de la lignée des Leibnitz, des Kant, des Fichte et des Hegel, qui
sont comme les scolastiques de l’Allemagne moderne, il y a la série des
philosophes de la croyance, de la religion ou du sentiment : les Hamann, les
Herder, les Jacobi, le Schelling théosophe, et l’illustre philosophe chrétien Franz
von Baader. Ceux-ci sont, en face de ceux-là, les dissidents mystiques, comme
jadis les Eckhart et les Tauler en face du ...
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