La Guerre de JugurthaSallusteTraduit du latin par Charles Durozoir, 1865I. C'est à tort que les hommes se plaignent de leur condition, sous prétexte que leurvie, si faible et si courte, serait gouvernée par le hasard plutôt que par la vertu. Loinde là ; quiconque voudra y penser reconnaîtra qu'il n'y a rien de plus grand, de plusélevé, que la nature de l'homme, et que c'est moins la force ou le temps qui luimanque, que le bon esprit d'en faire usage. Guide et souveraine de la vie humaine,que l'âme tende à la gloire par le chemin de la vertu, alors elle trouve en elle saforce, sa puissance, son illustration : elle se passe même de la fortune, qui ne peutdonner ni ôter à personne la probité, l'habileté, ni aucune qualité estimable. Si, aucontraire, subjugué par des passions déréglées, l'homme s'abandonne àl'indolence et aux plaisirs des sens, à peine a-t-il goûté ces funestes délices, il voits'évanouir et s'éteindre, par suite de sa coupable inertie, et ses forces, et sesannées, et son talent. Alors il accuse la débilité de son être et s'en prend auxcirconstances du mal dont lui seul est l'auteur. Si les humains avaient autant desouci des choses vraiment bonnes que d'ardeur à rechercher celles qui leur sontétrangères, inutiles et même nuisibles, ils ne seraient pas plus maîtrisés par lesévénements qu'ils ne les maîtriseraient eux-mêmes, et s'élèveraient à ce point degrandeur, que, sujets à la mort, ils devraient à la gloire un nom impérissable.II. ...
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