Brest à deux époquesEmile SouvestreRevue des Deux Mondes T.6, 1836Brest à deux époques[1]Brest à deux époques Quoique située à l’extrémité de la Bretagne, la ville de Brest n’est pas une ville bretonne : c’est une colonie maritime composée detransfuges de toutes les provinces de la France, et dans laquelle s’est formée je ne sais quelle race douteuse sans caractère propreet sans aspect spécial. L’observateur attentif peut bien découvrir, dans cette population habillée de toile cirée et de cuir bouilli, qui vit[2]les pieds dans l’eau et la tête dans les brumes, quelque chose des durs garçons de l’Armorique ; mais ce n’est qu’une tracefugitive. La ville n’a Éguère mieux conservé son air matelot. On sent bien encore un peu le goudron dans le premier port de France ;on entend bien encore des marteaux de calfats sous les bassins couverts ; on rencontre bien encore, dans la rue des Petits-Moulins,quelque vaillant maître au teint bistré, à la chique proéminente, aux escarpins enrubannés, venant de manger en trois jours la paie dequinze mois, et cherchant d’un œil curieux un pousse-cailloux à éreinter ; mais, à part ces quelques traits maritimes, répandus çà etlà comme des vestiges d’antique beauté sur un visage décrépit, le grand port n’offre plus à l’œil rien de saillant ni d’animé. On sentque le vent de la faveur a cessé de souffler sur ce Versailles maritime, et que ses jours de splendeur sont passés. Ses longues filesde vaisseaux désarmés dorment sous leurs ...
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