Au caféErrico Malatesta1920IPROSPER (Gras bourgeois qui possède un vernis d'économie politique et autressciences). — Mais oui... mais oui... nous le savons. Il y a des gens qui souffrent lafaim, des femmes qui se prostituent, des enfants qui meurent par manque de soins.Tu dis toujours la même chose... tu deviens ennuyeux, à la fin. Laisse-nous dégusteren paix nos glaces... —... Oui, oui, il y a mille maux dans la société: la faim,l'ignorance, la guerre, le crime, la peste, le diable qui t'emporte... et puis? Qu'est-ceque ça peut te faire?MICHEL (étudiant qui fréquente les socialistes et les anarchistes) — Comment ! Etpuis? Qu'est-ce que ça peut me faire? Vous avez une maison commode, une tableriche, des domestiques à vos ordres. Vous faites instruire vos fils au collège, vousenvoyez votre femme aux eaux: pour vous, tout va bien. Et que le monde s'écroule,peu vous importe ! Mais, Si vous aviez un peu de cœur, si...PROSPER. — Assez, assez, pas de sermons. Et puis, quitte ce ton, jeune homme.Tu me crois insensible, indifférent aux maux d'autrui. Cependant, mon cœur saigne(garçon, apportez un cognac et un havane), mon cœur saigne; mais ce n'est pasavec le cœur qu'on résoud les grands problèmes sociaux. Les lois de la nature sontimmuables et ce ne sont pas des déclamations, ce n'est pas un sentimentalismeefféminé qui peuvent rien y changer. L'homme sage se plie aux événements et jouitde la vie du mieux qu'il peut sans courir après des chimères.MICHEL. — ...
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