Léon TolstoïDernières ParolesMercure de France, 1905 (pp. 141-157).LA RELIGION ORTHODOXEILa religion orthodoxe ?Ce mot, maintenant, n’évoque en moi pas autre chose que quelques hommes auxcheveux longs, très arrogants, peu instruits, vêtus de soie et de velours, ornés depierreries, qu’on appelle archevêques et métropolites, et des milliers d’autreshommes aux cheveux non taillés qui se trouvent sous la dépendance la plus servilede ces dizaines d’individus occupés, eux, sous couleur de sacrements, à tromper età piller le peuple. Comment donc puis-je avoir confiance en cette Église, y croire,quand, à l’homme qui l’interroge du fond de son âme, elle répond par les plusmisérables tromperies, par des insanités, en affirmant que personne n’a le droit derépondre autrement à ces questions, que dans tout ce que ma vie a de plusprécieux je n’ai pas le droit de prendre d’autre guide que ses indications ? Je puischoisir la couleur de mes pantalons, prendre une femme à mon goût, mais le reste,ce par quoi je me sens homme, je dois le demander à ces gens oisifs, trompeurs etignorants. Pour guide de ma vie, dans l’intimité de mon âme, j’ai le pasteur, leprêtre de ma paroisse qui est sorti du séminaire, un garçon superficiel, presqueillettré, ou un vieil ivrogne dont le seul souci est de récolter le plus d’œufs et desous. Or, quand le diacre, pendant la prière, demande longue vie pour lafornicatrice dévote Catherine II ou pour Pierre, le brigand, l’assassin ...
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