Homère et la philosophie grecque
L. A. Binaut
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 25, 1841
Homère et la philosophie grecque
[1]Bibliothèque grecque
Y a-t-il une philosophie dans Homère ? Trouve-t-on, dans cette poésie grande et
simple, les élémens de la fonction rationaliste que la Grèce exerça dans l’histoire ?
Y trouve-t-on l’origine intellectuelle de la lutte de l’Europe progressive contre l’Orient
enterré dans ses symboles ; lutte continuée, souvent par les armes, toujours par les
idées, à travers la monarchie d’Alexandre, l’empire romain et la chrétienté du
moyen-âge, jusqu’au temps présent, qui paraît appelé à la finir par la victoire
définitive de la civilisation européenne ? Cette question reste encore à traiter.
Il faut d’abord signaler dans Homère les traces d’un fait fondamental, reproduit
depuis dans la formation des sociétés modernes, mais qui, au temps où nous nous
reportons, était nouveau dans le monde, et détermina la destinée toute spéciale de
la nation des Hellènes. Je veux parler de la lutte séculaire entre la cité théocratique
et la tribu conquérante, entre une autorité de tradition et de pensée, et une liberté
d’instinct, de nature, de force ; en un mot, entre le sacerdoce et l’ordre militaire.
Il est hors de doute en effet que, durant l’intervalle de six ou sept cents ans, qui
séparent l’époque d’Inachus de celle d’Homère, de nombreuses colonies,
principalement d’Égyptiens et de Phéniciens, vinrent fonder la cité sacerdotale chez
les Pélages, ...
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