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ST EN DHAL
LE COF F RE ET LE
REV ENAN T
BI BEBO O KST EN DHAL
LE COF F RE ET LE
REV ENAN T
1927
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1148-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A V EN T U RE ESP A GNOLE
matiné e du mois de mai 182., don Blas Bustos y
Mosquera, suivi de douze cavalier s, entrait dans le villag e d’ Al-P colote , à une lieue de Gr enade . A son appr o che , les p ay sans
r entraient pré cipitamment dans leur s maisons et fer maient leur s p ortes.
Les femmes r eg ardaient av e c ter r eur p ar un p etit coin de leur s fenêtr es
ce ter rible dir e cteur de la p olice de Gr enade . Le ciel a puni sa cr uauté
en meant sur sa figur e l’ empr einte de son âme . C’ est un homme de six
pie ds de haut, noir , et d’une effrayante maigr eur ; il n’ est que dir e cteur de
la p olice , mais l’é vê que de Gr enade l ui-même et le g ouv er neur tr emblent
de vant lui.
Durant cee guer r e sublime contr e Nap olé on, qui, aux y eux de la p
ostérité , placera les Esp agnols du dix-neuvième siè cle avant tous les autr es
p euples de l’Eur op e , et leur donnera le se cond rang après les Français,
don Blas fut l’un des plus fameux chefs de guérillas. and sa tr oup e
n’avait p as tué au moins un Français dans la jour né e , il ne couchait p as dans
un lit : c’était un v œu.
A u r etour de Ferdinand, on l’ env o ya aux g alèr es de Ceuta, où il a p assé
huit anné es dans la plus hor rible misèr e . On l’accusait d’av oir été
capucin dans sa jeunesse , et d’av oir jeté le fr o c aux orties. Ensuite il r entra
1Le coffr e et le r e v enant Chapitr e
en grâce , on ne sait comment. D on Blas est célèbr e maintenant p ar son
silence ; jamais il ne p arle . A utr efois les sar casmes qu’il adr essait à ses
prisonnier s de guer r e avant de les fair e p endr e lui avaient acquis une
sorte de réputation d’ esprit : on rép était ses plaisanteries dans toutes les
ar mé es esp agnoles.
D on Blas s’avançait lentement dans la r ue d’ Alcolote , r eg ardant de
côté et d’autr e les maisons av e c ses y eux de ly nx. Comme il p assait
devant l’église on sonna une messe ; il se pré cipita de che val plutôt qu’il
n’ en descendit, et on le vit s’ag enouiller auprès de l’autel. atr e de ses
g endar mes se mir ent à g enoux autour de sa chaise ; ils le r eg ardèr ent, il
n’y avait déjà plus de dé v otion dans ses y eux. Son œil sinistr e était fix é
sur un jeune homme d’une tour nur e fort distingué e qui priait dé v otement
à quelques p as de lui.
― oi ! se disait don Blas, un homme qui, suivant les app ar ences,
app artient aux pr emièr es classes de la so ciété n’ est p as connu de moi ! Il
n’a p as p ar u à Gr enade depuis que j’y suis ! Il se cache .
D on Blas se p encha v er s un de ses g endar mes, et donna l’ ordr e
d’arrêter le jeune homme dès qu’il serait hor s de l’église . A ux der nier s mots
de la messe , il se hâta de sortir lui-même , et alla s’établir dans la grande
salle de l’aub er g e d’ Alcolote . Bientôt p ar ut le jeune homme étonné .
― V otr e nom ?
― D on Fer nando della Cue va.
L’humeur sinistr e de don Blas fut augmenté e , p ar ce qu’il r emar qua,
en le v o yant de près, que don Fer nando avait la plus jolie figur e ; il était
blond, et, malgré la mauvaise p asse où il se tr ouvait, l’ e xpr ession de ses
traits était fort douce . D on Blas r eg ardait le jeune homme en rê vant.
― el emploi aviez-v ous sous les Cortès ? dit-il enfin.
― J’étais au collèg e de Sé ville en 1823 ; j’avais alor s quinze ans, car je
n’ en ai que dix-neuf aujourd’hui.
― Comment viv ez-v ous ?
Le jeune homme p ar ut ir rité de la gr ossièr eté de la question ; il se
résigna et dit :
― Mon pèr e , brig adier des ar mé es de don Carlos Cuarto ( que Dieu
bénisse la mémoir e de ce b on r oi !), m’a laissé un p etit domaine près de
2Le coffr e et le r e v enant Chapitr e
ce villag e ; il me rapp orte douze mille ré aux (tr ois mille francs) ; je le
cultiv e de mes pr opr es mains av e c tr ois domestiques.
― i v ous sont fort dé v oués sans doute . Ex cellent no yau de guérilla,
dit don Blas av e c un sourir e amer .
― En prison et au se cr et ! ajouta-t-il en s’ en allant, et laissant le
prisonnier au milieu de ses g ens.
elques moments après, don Blas déjeunait.
― Six mois de prison, p ensait-il, me fer ont justice de ces b elles
couleur s et de cet air de fraîcheur et de contentement insolent.
Le cavalier en sentinelle à la p orte de la salle à mang er haussa viv
ement sa carabine . Il l’appuyait p ar trav er s contr e la p oitrine d’un vieillard
qui cher chait à entr er dans la salle à la suite d’un aide de cuisine app
ortant un plat. D on Blas cour ut à la p orte ; der rièr e le vieillard, il vit une
jeune fille qui lui fit oublier don Fer nando .
― Il est cr uel qu’ on ne me donne p as le temps de pr endr e mes r ep as,
dit-il au vieillard ; entr ez cep endant, e xpliquez-v ous.
D on Blas ne p ouvait se lasser de r eg arder la jeune fille ; il tr ouvait
sur son fr ont et dans ses y eux cee e xpr ession d’inno cence et de piété
céleste qui brille dans les b elles madones de l’é cole italienne . D on Blas
n’é coutait p as le vieillard et ne continuait p as son déjeuner . Enfin il sortit
de sa rê v erie ; le rép était p our la tr oisième ou quatrième fois les
raisons qui de vaient fair e r endr e la lib erté à don Fer nando de la Cue va,
qui était depuis longtemps le fiancé de sa fille Inès ici présente , et allait
l’ép ouser le dimanche suivant. A ce mot, les y eux du ter rible dir e cteur de
p olice brillèr ent d’un é clat si e xtraordinair e , qu’ils fir ent p eur à Inès et
même à son pèr e .
― Nous av ons toujour s vé cu dans la crainte de Dieu et sommes de
vieux chrétiens, continua celui-ci ; ma race est antique , mais je suis
p auv r e , et don Fer nando est un b on p arti p our ma fille . Jamais je n’ e x er çai
de place du temps des Français, ni avant, ni depuis.
D on Blas ne sortait p oint de son silence far ouche .
― J’app artiens à la plus ancienne noblesse du r o yaume de Gr enade ,
r eprit le vieillard ; et, avant la ré v olution, ajouta-t-il en soupirant, j’aurais
coup é les or eilles à un moine insolent qui ne m’ eût p as rép ondu quand je
lui p arle .
3Le coffr e et le r e v enant Chapitr e
Les y eux du vieillard se r emplir ent de lar mes. La timide Inès tira de
son sein un p etit chap elet qui avait touché la r ob e de la madone del pillar ,
et ses jolies mains en ser raient la cr oix av e c un mouv ement conv ulsif.
Les y eux du ter rible don Blas s’aachèr ent sur ces mains. Il r emar quait
ensuite la taille bien prise , quoique un p eu forte de la jeune Inès.
Ses traits p our raient êtr e plus régulier s, p ensa-t-il ; mais cee grâce
céleste , je ne l’ai jamais v ue qu’à elle .
― Et v ous v ous app elez don Jaime Ar r egui ? dit-il enfin au vieillard.
― C’ est mon nom, rép ondit don Jaime en assurant sa p osition.
― Ag é de soix ante et dix ans ?