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01 janvier 1994
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60
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Français
Eric Dacheux
Les ONG sont-elles victimes des agences de communication ?
In: Communication et langages. N°102, 4ème trimestre 1994. pp. 93-103.
Résumé
Aujourd'hui, la plupart des ONG (Organisations non gouvernementales) cherchent à développer leur politique de communication.
Malheureusement, plutôt que d'essayer d'inventer leurs propres moyens de communication, les ONG font appel aux agences de
communication ou à des « professionnels » qui emploient les mêmes techniques persuasives que ces dernières. Or, ces
techniques persuasives ont été mises au point pour et par des organisations à but lucratif. Ces tech-niques s'avèrent donc
totalement inadaptées à la promotion de messages qui, par définition, ont une finalité non lucrative. De plus, non contentes de «
vampiriser » le message des ONG, ces techniques persuasives véhiculent un certain nombre de « nuisances invisibles » qui,
comme le montre l'exemple de la Fondation pour l'éducation à l'environnement en Europe, peuvent réduire à néant l'originalité
critique des organisations non gouvernementales.
Citer ce document / Cite this document :
Dacheux Eric. Les ONG sont-elles victimes des agences de communication ?. In: Communication et langages. N°102, 4ème
trimestre 1994. pp. 93-103.
doi : 10.3406/colan.1994.2552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1994_num_102_1_2552I ° Les ONG sont-elles des agences victimes
O § de communication ?
Eric Dacheux
niques s'avèrent donc totalement inadapAujourd'hui, la plupart des ONG (Organisations non
tées à la promotion de messages qui, par gouvernementales) cherchent à dévelop
per leur politique de communication. définition, ont une finalité non lucrative. De
plus, non contentes de « vampiriser » le Malheureusement, plutôt que d'essayer
d'inventer leurs propres moyens de com message des ONG, ces techniques per
suasives véhiculent un certain nombre de munication, les ONG font appel aux
« nuisances invisibles »' qui, comme le agences de communication ou à des
« professionnels » qui emploient les montre l'exemple de la Fondation pour
mêmes techniques persuasives que ces l'éducation à l'environnement en Europe,
dernières. Or, ces techniques persuasives peuvent réduire à néant l'originalité cr
itique des organisations non gouvernemont été mises au point pour et par des
organisations à but lucratif. Ces tech- entales.
^^
Pour préparer le « Sommet de la Terre » de Rio (juin 1992), des
organisations non gouvernementales de plus de cent pays se
sont réunies à Paris (décembre 1991), à une conférence intitu
lée « Les racines de la Terre ». Cette conférence s'est traduite
par la rédaction du programme « Ya Wananchi ». Programme
qui scelle l'alliance des différentes ONG et proclame la conver
gence de leurs actions : « Les groupements de citoyens, les
groupements communautaires et les organisations d'environne
ment, de développement et de consommateurs à travers le
monde, par opposition aux organisations associées à des institu
tions à but lucratif, sont unies dans leur désir ardent de renforcer
le rôle joué par la société civile l'action du gouvernement et
de réintégrer notre habitat d'une manière socialement juste,
équitable et soutenable pour l'environnement2. » On le voit, ici,
même si elles jouent un rôle de plus en plus important, les ONG
réaffirment le caractère non lucratif de leurs actions, « par oppo-
1 . Expression empruntée à A. Vitalis, « Les nuisances invisibles des techniques d'info
rmation et de communication », Terminal, n° 57, 1992.
2. Programme Ya Wananchi. Nairobi : CLEI, 1992, p. 16. 94 Déontologie
sition aux organisations associées à des institutions à but
lucratif». Pourtant, d'une manière tout à fait illogique, elles util
isent, pour diffuser ce projet « à but non lucratif », les techniques
mises au point par les agences de communication pour les
entreprises « à but lucratif ».
D'ABORD UNE COMMUNICATION MILITANTE
Pendant longtemps, la communication persuasive des ONG
internationales ne s'est guère différenciée de la communication
des associations locales. Elles utilisaient les mêmes outils, à
savoir :
- L'imprimé. L'imprimé3 était le premier des instruments de com
munication des ONG, sans doute en raison de son coût relativ
ement peu élevé4.
- La réunion publique. Meetings, conférences, débats et col
loques sont encore couramment utilisés pour informer et sensibil
iser l'opinion.
- La manifestation. Hier silencieuses et solennelles, les manifest
ations associatives sont aujourd'hui beaucoup plus bruyantes et
hédonistes, puisqu'elles se terminent souvent par un concert
(rock de préférence).
- La pétition. Ce moyen de pression qui exige l'engagement
moral des citoyens est loin d'être tombé en désuétude comme
en témoigne, chaque jour, Amnesty International.
- Le boycott. C'est l'outil le plus original de la communication
persuasive des ONG. Il ne réclame pas une grande logistique, il
est peu onéreux et s'avère parfois (cf. Nestlé, Sandoz ou Exxon)
d'une redoutable efficacité. Surtout, il invite chaque citoyen à
une participation active et lui offre un moyen de retrouver une
certaine maîtrise, un certain pouvoir sur le monde dans lequel il
^ vit : « Le boycott apprend qu'en changeant ses habitudes on
S peut changer le monde5. »
| PUIS UNE COMMUNICATION PROFESSIONNELLE
^ Aujourd'hui, les ONG complètent et parfois remplacent ces cinq
5 techniques traditionnelles par les techniques promues par les
.o c agences de communication :
•y 3. L'imprimé (tracts, journaux internes, etc.).
§ 4. Chaque numéro de Convergence, mensuel de 20 pages distribué aux membres et aux
| donateurs du Secours populaire français, revient à 1 F(*).
* Source : Convergence, n° 1 1 1 , 1 99 1 , p. 1 0. §
O 5. M. Bernard, « Goutte d'eau », Silence, n° 1 47, 1 991 , p. 3. Les ONG sont-elles victimes des agences de communication ? 95
- Création d'événements médiatiques. Les ONG multiplient les
opérations « coup de poing », comme le Téléthon, le « Global
Forum » de Rio, ou « les Journées mondiales de... » qui focali
sent intensément, mais très brièvement, l'attention des médias.
- Mailing. À l'opposé de la création d'événements dont l'impact
est très fugace, le mailing est utilisé pour fidéliser le donateur. Il
est exactement calqué sur le même modèle que les mailings
envoyés par les entreprises de presse ou de vente par corre
spondance : enveloppe qui « amorce » le client6; textes où les
phrases clefs sont soulignées ou imprimées en couleur; valori
sation de l'interlocuteur : « Oui, monsieur Dupont, vous pou
vez... »; demande d'une réponse rapide pour éviter que le
mailing ne sombre dans l'oubli; coupon-réponse pré-imprimé et
enveloppe à l'adresse de l'association pour « faciliter la tâche du
donateur ».
- Utilisation de stars « ombrelles ». Comme les publicitaires, les
ONG font appel à cette technique pour deux raisons : attirer
l'attention des médias; bénéficier du capital de sympathie dont
jouit la star. Les exemples sont nombreux, mais le plus éclairant
est celui de C. Deneuve. Après avoir enregistré des messages
publicitaires pour un savon (Lux), pour une banque (Suez),
l'actrice a soutenu la campagne « Afrique verte » lancée par
Frères des hommes.
- Messages publicitaires. Médecins sans frontières et Amnesty
International ont fait appel à des agences de publicité pour la
réalisation de campagnes multimédias. Pour la réalisation de
spots télévisés, le Secours populaire français a même fait appel
à J.-P. Mondino, réalisateur des clips de Madonna!
- Communication par l'objet. Elle répond à un double but :
imprégnation culturelle (intégrer le nom et les idées de l'associa
tion dans la vie quotidienne de tous les citoyens) et autonomie
financière (se procurer des ressources propres). C'est pourquoi
les ONG ont considérablement développé leurs catalogues. À
côté des objets classiquement vendus