LES COMPETENCES TRANSVERSALES : UNE INCITATION A FAIRE APPRENDRE A APPRENDRE. par Langouche A. S., Petit V., Philippe M. C. & Romainville M. Facultés Universitaires de Namur 1Département Education et Technologie Professeur Jean DONNAY
1 Rue de Bruxelles, 61 - 5000 NAMUR ( 081/72.50.69-68 - Fax 081/72.50.64 Informations Pédagogiques n°24 - mars 1996 19Les compétences transversales : une incitation à faire apprendre à apprendre L’esprit général de la réforme du premier degré vise à promouvoir un certain nombre de changements fondamentaux dont l’apparition du terme « compétence » peut être considérée comme le reflet. Ainsi, trois options majeures pourraient être dégagées (Fourez, 1994; Romainville, 1995) : • apprentissage centré sur l'élève plutôt que sur les matières; • apprentissage centré sur le potentiel des élèves, sur ce qu’ils seront capables de mettre en oeuvre à l’avenir plutôt que sur l’acquis, sur les choses apprises par le passé; • apprentissage de savoir-faire voire de savoir-réfléchir, de démarches plutôt qu’un apprentissage de connaissances, de contenus. Dans cette optique, il est proposé de compléter l’observation de ce que l’élève apprend (quels contenus) par l’analyse du comment il apprend (quelles méthodes, quels processus, quelles stratégies). Le défi est donc lancé de s’intéresser à l'acte d'apprendre lui-même, le processus, et ...
par Langouche A. S., Petit V., Philippe M. C. & Romainville M.
Facultés Universitaires de Namur Département Education et Technologie 1 Professeur Jean DONNAY
LES COMPETENCES TRANSVERSALES : UNE INCITATION A FAIRE APPRENDRE A APP.RENDRE
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Les compétences transversales : une incitation à faire apprendre à apprendre
Le’ sprit général de la réforme du premier degré vise à promouvoir un certain nombre de changements fondamentaux dont la’ pparition du terme « compétence » peut être considérée comme le reflet. Ainsi, trois options majeures pourraient être dégagées (Fourez, 1994; Romainville, 1995) : · apprentissage centré sur l'élève plutôt que sur les matières; · apprentissage centré sur le potentiel des élèves, sur ce qui’ls seront capablesdemettreenoeuvreàl’avenirplutôtquesurla’cquis,surles choses apprises par le passé; · apprentissage de savoir-faire voire de savoir-réfléchir, de démarches plutôt quu’ n apprentissage de connaissances, de contenus. Danscetteoptique,ilestproposédecompléterl’observationdecequel’élève apprend (quels contenus) par la’ nalyse du comment il apprend (quelles méthodes, quels processus, quelles stratégies). Ledéfi est donc lancé de si’ntéresser à l'acte d'apprendre lui-même, le processus, et non plus seulement à ses résultats (Romainville, 1994). Dans ce contexte général, il ne’ st pas étonnant que les compétences dites transversales , et en particulier celles liées au développement cognitif (par exemple, mémoriser,gérersontempsd’étude,retirerlesidéesprincipalesd’untexte,prendre conscience de ses manières da’ pprendre, etc.), occupent le devant de la scène. Du’ncôté,ellessontaunombredesobjectifsprioritairesàatteindre.Dela’utre, elles constituent des outils précieux pour relever le défi de mieux comprendre comment les élèves apprennent. Cet article est le fruit du’ ne recherche menée en collaboration avec une dizained'équipesd'enseignantsdupremierdegrédel’enseignementsecondairede tous les réseaux sur le thème du développement des compétences transversales 2 . Elle poursuit trois objectifs principaux. 1. Description de la’ pprentissage des compétences transversales au premier degré : · approche conceptuelle de la notion de « compétences transversales »; · observation des difficultés des élèves quant à la mise en oeuvre de ces compétences; · décomposition, classification et modélisation de ces compétences. 2. Elaboration do’ utils de développement de ces compétences : · construction do’ utilsde développement et de régulation formative de ces compétences; · mise à lé’ preuve et amélioration de ces outils. 2 Cetterechercheporteexclusivementsurcequelo’npourraitappelerles compétences transversales cognitives ,c’est-à-direcellesliéesaudéveloppementdelapensée(démarches mentales et compétences méthodologiques dans le document « Socles de compétences »). Ce’ st de ces compétences uniquement qui’l sera question dans la suite de cet article. Informations Pédagogiques n°24 - mars 1996 20
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3.Descriptiondel’appropriationduconcept«compétencestransversales»et des outils de leur développement par les enseignants; description des changements liés à ces appropriations. La démarche suivie dans notre recherche tente de respecter deux options de base issus de nos choix théoriques : · une approche descriptive des compétences transversales, centrée sur la compréhension de leur mise en oeuvre par les élèves, plutôt quu’ ne démarche normative,prescriptivedéfinissantaprioricequ’ellesdoiventêtre; · une approche qui dépasse lo’ pposition compétence/connaissance en travaillant les compétences transversales à la fois en interdisciplinarité et dans des situations spécifiquement disciplinaires. En accord avec ces deux options, la méthodologie se veut résolument inductive . Evitant la décomposition a priori des compétences transversales, pratiquée jadis à propos des objectifs, lé’ quipe de recherche privilégie leur description via des enquêtes 3 auprès des élèves et la confrontation de leurs résultats à l’expériencedesenseignants .L’objectifestdoncdeconstruireune modélisation de chaque compétence 4 travaillée à partir, du’ ne part, de ce que les élèves nous disent, via des questionnaires, de leurs difficultés à mettre en oeuvre telle compétence transversale et, da’ utre part, des observations des enseignants. Le but de cette modélisation est de mettre à plat toutes les composantes de la compétence et de les organiser entre elles. Ce’ st sur la base de cette carte sémantiquequedesoutilsd’exercisationetderégulationformativeserontalors construits pour tenter de développer ces compétences chez les élèves. Au cours de la première année de cette recherche (planifiée sur trois ans), il nous est rapidement apparu indispensable de réaliser un recadrage théorique tant cesnotionsencoreflouesfontl’objetdu’nlargedébat.Cetarticleprésente essentiellement ce cadre conceptuel. La première partie est consacrée aux compétences transversales et la deuxième à leur régulation formative.
Les compétences transversales
Un des points clés de la réforme, en se recentrant sur lé’ lève, est de se penchersurl’enseignementetla’pprentissagedecompétencestransversales.On peut ainsi observer, dans les écoles, diverses tentatives pour intégrer cette préoccupationdanslespratiques.Ici,oncréeuncoursdeméthodesd’étude;là,on constitue des groupes de besoin sur tels et tels aspects; là encore, chaque enseignantcontribueàl’élaborationdegrillesdecritèrespourlesbulletins.A l’occasiondecestentativesda’ménagements,noscontactsavecleséquipes d’enseignantsontfaitémergerquatrequestionsdebase: 3 Unexempled’enquêteestprésentéenannexe1. 4 Une première ébauche concernant la mémorisation est présentée en annexe 2. Informations Pédagogiques n°24 - mars 1996
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· Qu’est-cequu’necompétencetransversale? · Quelle classification des compétences transversales ? · Quelle place donner aux compétences transversales ? · Comment exercer les compétences transversales et comment les « enseigner » ?
Qu’est-cequ’unecompétencetransversale?
Danslesenslepluslarged’abord,lescompétencestransversalessont envisagées comme étant une base, un point da’ ppui pour les apprentissages futurs. Ainsi, Rogier (1994, p. 34) les présente comme «leterreauquipermettral’éclosion du’nadultelucide,dynamique,responsable,capabledes’adapteretdê’tre heureux. » En effet, les compétences transversales concernent non seulement le développement intellectuel (comme les capacités cognitives de base de De Ketele, 1982-83) mais aussi lé’ panouissement humain et li’nsertion sociale des élèves. Signalons ensuite quu’ ne compétence transversale est un « construit », un modèle . Il faut bien insister sur ce caractère car le modèle utilisé nous fait voir la réalité du’ ne certaine manière. Ainsi, parler de compétence transversale qui « facilite la’ cquisition de connaissances disciplinaires » (C.C.E.F.C., 1993-94) serait unpremiermodèle:ilpostuleraitle’xistenced’unesortedecapacitégénérale, construite on ne sait où, qui expliquerait pourquoi certains élèves réussissent et d’autreséchouentàunensembledetâchesconsidéréescommeproches.Par exemple, un élève qui résume correctement un texte au cours de français et au cours dh’ istoirepourrait être étiqueté comme possédant une compétence transversalegénérique«résumer».Maisils’agitlàd’unereconstructiona posteriori,d’unehypothèseinterprétativedeperformancesconcrètesdé’lèves. Un autre modèle pourrait prétendre que des capacités spécifiques sont construites à lo’ ccasion de la découverte des connaissances disciplinaires. Dans cette hypothèse, ce même élève serait considéré comme possédant les compétences « résumer en français » et « résumer en histoire ». Un autre modèle encore pourrait critiquer li’mportance accordée aux capacités générales. Il affirmeraitalorsquele’xplicationdel’échecetdelaréussiteauxdifférentestâches est à chercher dans des compétences locales, spécifiques aux domaines disciplinaires couverts voire dans les connaissances disciplinaires elles-mêmes. Ainsi, tel élève serait capable de « synthétiser en français » et « de synthétiser en histoire » parce qui’l posséderait une solide base de connaissances en français et en histoire. Que’ ntend-on par « transversal » ? Li’dée la plus généralement répandue est qui’l sa’ git de « compétences que lo’ n peut exercer dans plusieurs voire dans toutes les disciplines. » (F.E.Se.C., 1995; idée également développée dans le document «Soclesdecompétences»).Quoiquu’necompétencetransversalenes’exercepas de la même manière dans toutes les disciplines, comme le fait remarquer Romainville (1994). Celui-ci relève des différences dans les démarches relatives aux disciplines mais en dégage également des points communs.
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« Même si résumer un texte en histoire et en français ne sont pas des démarches intellectuelles identiques, il n'en reste pas moins vrai que certaines composantes sont communes aux deux opérations : le repérage des mots liens (donc, parce que, ...), par exemple. Les compétences transversales désignent peut-être alors cette partie du savoir, profondément disciplinaire mais qu'on espère un minimum exportable : les micro expertises communes aux tâches proposées dans les différentes disciplines. » Da’ utres introduisent li’dée de transférabilité, comme par exemple Fourez (1994, p. 2) qui parle de compétences «quipeuventêtretransféréesd’undomaineà un autre ». Si la compétence transversale est acquise dans le cadre de tel cours, on espère qu'elle puisse être réutilisée dans d'autres situations. Or, ce transfert de compétence du’ nediscipline à une autre constitue aussi un problème (Liemans & Rensons, 1994). Pour da’ utres encore, ces compétences sont considérées comme transversales, non seulement au niveau des disciplines, des domaines, mais aussi au niveau de lé’ quipe éducative. Ces compétences représentent un objet de travail commun aux enseignants. On le voit, les discussions épineuses sur le sens à attribuer au terme « compétence transversale » témoignent du’ n vif débat en cours sur les orientations àdonneràlé’cole:s’agit-ildedévelopperdesdémarchesgénéralesdepensée? Dans ce cas, quel est le rôle des savoirs de chaque discipline ? Quelle place leur accorder?Si’ls’agitdeformeràdescontenus,quelestalorsleursensetleur pertinence en regard de la formation générale des élèves ? ... Sans vouloir prolonger les discussions sans doute stériles de terminologie auxquelles on assiste actuellement à propos de ce terme, nous nous contenterons d’enproposerunedéfinitionprovisoire,inspiréedeTardif(1994),MettoudietYaïche (1993) et Paquay (1995). Elle a trait uniquement aux compétences transversales faisantl’objetdenotrerecherche,c’est-à-direcellesquirelèventdudomainecognitif (voir la figure 1).
Par compétence transversale cognitive, on entend un ensemble organisé de savoirs cognitifs et métacognitifs (savoirs, savoir-faire, savoir-être)quipermetàl’élève,àli’ntérieurd’unefamilledesituations, des’adapter,derésoudredesproblèmesetderéaliserdesprojets.
Le mérite de cette définition est double. Du’ ne part, elle tente de dépasser lo’ pposition peu féconde entre connaissances et démarches. Elle postule quu’ ne compétence transversale est constituée tout à la fois de savoirs déclaratifs (savoirs) et de savoirs procéduraux (savoir-faire), sans établir de hiérarchie. Ainsi, la compétence transversale « résumer » fait tout a utant intervenir des éléments de la basedeconnaissancesdel’élève(surledomainedutexteàrésumer,surlestypes de textes, sur les indices typographiques, etc.) que des stratégies de traitement de li’nformation(savoirisolerunmot-clé,distinguerl’exempledelarègle,etc.). Informations Pédagogiques n°24 - mars 1996 23