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UNIVERSITE PARIS IV - SORBONNE
ECOLE DOCTORALE V : CONCEPTS ET LANGAGES
RATIONALITES CONTEMPORAINES
Thèse de doctorat de philosophie
présentée par
Corinne BUISSON
JUSTICE ET SOLIDARITE :
POUR UNE REFONDATION PHILOSOPHIQUE DE L’ACTION SOCIALE
Directeur de thèse
Monsieur Alain RENAUT
Professeur à l’Université de Paris IV - Sorbonne
Date de soutenance
Mardi 6 janvier 2009
Jury :
Madame Brigitte BOUQUET, Professeure au Conservatoire National des Arts et
Métiers, Paris
Monsieur Stéphane CHAUVIER, Professeur à l’Université de Caen
Monsieur Didier LAPEYRONNIE, ersité de Paris - Sorbonne
Monsieur Alain RENAUT, Professeur à l’Université de Paris - Sorbonne
1REMERCIEMENTS
A Mr le Professeur Alain RENAUT pour avoir dirigé la recherche et accompagné ce
travail
A :
Sylvie FINCIAS-RIOUAL
Florence RIBAULT-LECLERC
Marylène SOLIVERET
Pour leurs patientes relectures
Isabelle BUISSON
Pour ses conseils de mise en page
Sylvie JOSPIN
Gisèle PREVOTEAU
Véronique QUET
ainsi que tous les travailleurs sociaux qui ont croisé mon chemin et nourri ma
réflexion de leurs connaissances et interrogations sur les pratiques sociales.
Que soient également remerciés : le personnel et plus particulièrement les
documentalistes du CERIS (Centre d’Etudes, de Recherches en Information Sociale)
– IDS-HN (Institut du Développement Social de Haute-Normandie) qui ont enrichi
cette recherche de leur savoir-faire documentaire.
Tous mes remerciements vont également à ma famille pour le soutien que m’ont
apporté les uns et les autres, avec une pensée particulière pour ma grand-mère dont
l’accompagnement social de la dépendance aura inspiré nombre de réflexions de ce
travail.
2INTRODUCTION
Tous les observateurs, sociologues et politiques, voient se dérouler devant leurs
yeux la crise de l’action sociale. La détresse des populations fragilisées dont la seule
issue consiste à émarger aux prestations et services mis en place dans le cadre de
l’Etat-providence rejoint le malaise des travailleurs sociaux qui ne savent plus, face à
l’exclusion grandissante d’une partie de la population, quelle est leur mission et quel
est le sens de celle-ci, les pouvoirs publics restant de ce point de vue dans une
relative confusion. Cette crise de l’action sociale, si l’on regarde son histoire, est
quasi constitutive de l’avènement de la démocratie et de la république en France.
L’action sociale s’est créée, dans sa forme actuelle, aux interstices du
développement économique et des conflits politiques issus du choc provoqué par
l’arrivée sur la scène politique de la souveraineté populaire, en d’autres termes de la
démocratie. Ce choc s’actualise au sein d’un développement économique de type
capitaliste dont la logique interne n’est pas la réalisation d’une société démocratique,
mais la poursuite du plus grand profit possible et la lutte qui en résulte pour s’assurer
l’exclusivité de ses bienfaits et privilèges. Pendant la période dite des « Trente
Glorieuses », une certaine forme d’harmonie s’était plus ou moins installée par
l’établissement d’un Etat dit « Providence », dont l’objectif était de redistribuer la
richesse nationale, collectivement produite, et d’atténuer ainsi la violence des
rapports de production. L’action sociale, dans ce contexte, constituait, en quelque
sorte, le bras armé de cette politique de redistribution et y trouvait sa légitimation, fût-
elle, cette légitimation, objet de critiques incessantes tant des sociologues que des
élites politiques et économiques. Les sociologues y voyaient, en effet, une tentative
masquée de normaliser les populations jugées déviantes du seul fait de leur non
adhésion ou de leur indifférence aux nécessités et contraintes de la croissance. Les , quant à elles, tantôt y distinguaient la mainmise de
plus en plus grande des pouvoirs publics sur les mécanismes économiques
reprenant par là les thèmes de prédilection du libéralisme, tantôt reprochaient à ces
actions « de replâtrage » de retarder l’avènement d’un régime politique susceptible
de trancher sur les conflits de classe et d’intérêts, reprenant cette fois les thèmes
chers au socialisme révolutionnaire. Dans ce contexte, l’Etat-Providence n’en
constituait pas moins un compromis acceptable pour les deux parties, pourvu que
chacune de ces deux parties puisse, dans leur affrontement politique et idéologique,
3jouer à la marge sur les quantités de biens et de richesses ainsi redistribuées. C’est
le sens qu’il convient d’accorder au développement du droit social pour l’ensemble
de ces périodes. La valeur à laquelle il était essentiellement fait référence pour
légitimer l’action sociale et l’intervention des travailleurs sociaux, était la solidarité.
Elle emboîtait en cela le pas à une théorie sociologique naissante dont le principal
tenant en France était Durkheim et qui donnait de la société et de l’organisation
sociale une conception de type holiste, consacrant le primat fonctionnel de la totalité
sociale sur l’individu. Ce faisant, elle imprimait à l’intégration sociale une double
dynamique ascendante/descendante, sommant d’un côté les individus de s’intégrer,
et confiant, d’autre part, à l’Etat, ou plus largement à la puissance publique, le soin
de corriger les déficits d’intégration créés par les dysfonctionnements économiques
et politiques, par la mise à disposition de ressources d’intégration (institutions,
normes, prestations compensatoires) dont les seuls pouvoirs publics garantissaient
la justice par le biais des administrations concernées. Or, depuis environ vingt-cinq
ans, le compromis que constituait l’Etat-Providence ne cesse de se défaire, en
grande partie en raison des déplacements d’un capitalisme rompu aux techniques de
récupération des conflits sociaux et d’une mobilisation de ses ressources à l’échelle
mondiale. Sans que la base du compromis de l’Etat-Providence ne soit
fondamentalement remise en question, celui-ci s’est vu mis en difficulté par le
ralentissement de la croissance et la montée des difficultés sociales résultant du
fonctionnement de l’économie. L’action sociale, assise sur les capacités de
redistribution de ce qui constituait les surplus de la richesse, a perdu en crédibilité et
en légitimité. Les ressources de solidarité mises à sa disposition pour légitimer ses
diverses interventions, se sont amenuisées en même temps qu’ont rétréci les marges
de redistribution des richesses laissées à sa disposition. L’action sociale s’est ainsi
1retrouvée « dans la tourmente » , attaquée de toutes parts, sous couvert d’une
argumentation invoquant son inefficacité, puisqu’elle ne parvenait plus à remplir son
rôle, tant du point de vue des élites politiques qui l’accusaient de coûter trop cher,
que du point de vue des populations subissant de plein fouet la crise économique et
qu’elle ne parvenait plus à maintenir à flots, à savoir au-delà du seuil à partir duquel,
participation et citoyenneté politiques, gardent encore un sens dans le cadre d’une
démocratie.
1 F. Pinaud, C. Aubert, 1999, « Le social dans la tourmente », Paris, Editions La Découverte-Syros.
4
La thèse dont nous tenterons de démontrer la pertinence, consiste à affirmer, à la
2suite des travaux d’Alain Renaut et de Jürgen Habermas , que la crise traversée par
l’action sociale, n’est autre qu’une crise de légitimité et que cette crise de légitimité
repose, entre autres, sur l’étroitesse et la rigidité des concepts de société, d’individu
et d’intégration sociale sur lesquels l’action sociale et les travailleurs sociaux qui en
sont les acteurs, s’appuient. La question de la légitimation de l’action n’est pas une
question sans répercussion sur la pratique des travailleurs sociaux, pas plus qu’elle
n’est neutre du point de vue des populations concernées. Assurer l’autonomie du
champ de l’action sociale, c’est-à-dire son rapport à la vérité et à la rationalité,
constitue pour ce champ, un enjeu fondamental. En effet, les travailleurs sociaux
dont les représentations de la situation sociale se forgent en lien direct avec le
terrain, auraien