Rosine SCHAUTZ
APPRENDRE A LIRE EN FRANÇAIS A DES
MIGRANTES ANALPHABETES NON
FRANCOPHONES
On trouve dans les Mille et une nuits l'histoire d'un loup
qu'on envoie à l'école afin qu'il apprenne à lire. Le maître commence
par lui demander de répéter les premières lettres de l'alphabet "A,
B, C, aliph, ba, ta..." Mais le loup répond invariablement: "mouton,
chevreau, brebis... mouton, chevreau, brebis...", parce que ces
animaux de chair sont si désirables, si connus de lui, qu’ils habitent
constamment sa pensée ; il ne peut les en chasser...
Cette anecdote en préambule pour montrer combien l'accès à
l'école, aux études, demande d'efforts, en termes de certitudes à
perdre, d'automatismes à reconquérir, voire d'identités nouvelles à
s'approprier.
Je vais vous exposer dans cette thématique, et plus
précisément dans le cadre de "la langue comme véhicule de pensée",
quelques exemples tirés de ma pratique d'enseignante de français
langue étrangère à des migrantes, principalement arabophones,
analphabètes tant dans leur langue d'origine qu'en français. Il s’agira
aussi de mettre l'accent sur le sens que représente un tel
enseignement, non pas du seul point de vue pédagogique, mais aussi
par rapport à ce qu'implique la transmission d'une culture à des
apprenants étrangers, en très grande précarité intellectuelle,
matérielle et sociale.
J'ai mis sur pied, depuis 2003, une méthode qui s'articule en
deux parties. Il s'agit d'un ...
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