Étude Spéciale A travers le monde, 1,2 milliard d’individus sont extrêmement pauvres (subsistent avec moins de 1 dollar par jour), et les trois quarts vivent en milieu rural1. La pauvreté est un phénomène à prédominance rurale. Les personnes extrêmement pauvres dépensent plus de la moitié de leurs revenus pour se procurer (ou produire) des aliments de base, qui constituent plus des deux tiers de leur consommation en calories. La plupart de ces personnes souffrent de déficiences nutritionnelles et nombreuses sont celles qui souffrent de la faim à certaines périodes de l’année.
Étude Spéciale
o
N 11 AOÛT 2005
MICROFINANCE AGRICOLE : GÉRER LES RISQUES ET CONCEVOIR
DES PRODUITS ADAPTÉS — LES CARACTÉRISTIQUES D’UN MODÈLE
ÉMERGENT
Introduction
À travers le monde, 1,2 milliard d’individus sont extrêmement pauvres (subsistent
1avec moins de 1 dollar par jour), et les trois quarts vivent en milieu rural . La pau-
Les auteurs de l'Étude
o vreté est un phénomène à prédominance rurale. Les personnes extrêmement pauvres spéciale N 11 sont Robert
Peck Christen et Douglas dépensent plus de la moitié de leurs revenus pour se procurer (ou produire) des ali-
Pearce, du UK Department for
ments de base, qui constituent plus des deux tiers de leur consommation en calories.
International Development.
La plupart de ces personnes souffrent de déficiences nutritionnelles et nombreuses
Joao Pedro Azevedo, Amitabh sont celles qui souffrent de la faim à certaines périodes de l’année.
Brar et Myka Reinsch ont
Ces dernières années, comme le démontrent les objectifs du Millénaire pour le
contribué à la réalisation
développement (OMD), certains organismes de développement et pouvoirs publics des recherches du CGAP
sur le microfinancement de ont renouvelé leur engagement en faveur de la réduction de la pauvreté, de la faim et
l'agriculture, qui ont bénéficié
d'autres formes de privation humaine. Entre autres, les OMD visent à réduire de moi-
de l’appui financier du Fonds
tié d’ici à 2015 le nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour (l'année international de développe-
ment agricole (FIDA). George 1990 constitue le point de départ). Cela équivaut à réduire le nombre de personnes
Ayee, Frank Rubio et Fion de
extrêmement pauvres qui vivent dans des pays à revenus faibles et moyens de 28% à
Vietter, consultants du CGAP,
14%. Les OMD prévoient aussi, au plus tard en 2015, une réduction de moitié du se sont rendus sur le terrain
pour visiter plusieurs institu- nombre de personnes souffrant de la faim.
tions qui ont servi d’exemples
Entre 1975 et 1990, la pauvreté et la faim en milieu rural ont nettement diminué
pour les besoins de cette
mais, depuis lors, le rythme de la réduction de la pauvreté a fléchi. L’aide nette (c’est-étude. En outre, le CGAP a
réalisé cinq études de cas à-dire l’assistance officielle au développement) apportée aux pays en développement a
sur le microfinancement de
baissé : elle est passée de 0,35% du revenu national brut des pays de l’OCDE pour la
l’agriculture qui complètent
2période 1982–1983 à 0,24% pour la période 2002–2003 . Selon le FIDA, à la fin des cette étude. Les auteurs
remercient Richard Meyer, J.D. années 90, la valeur réelle de l’aide nette allouée à l’agriculture ne représentait que
von Pischke et Mark Wenner
335% du montant alloué à la fin des années 80 . Aussi, bien que la part de la popula-
pour leurs précieux com-
tion économiquement active engagée dans des activités agricoles ait diminué dans les mentaires ainsi que Richard
Rosenberg et Brigit Helms du régions en développement, elle dépasse quand même le taux de 50% en Afrique et en
CGAP pour leurs critiques et
Asie (tableau 1).
leurs suggestions.
Le financement de l’agriculture est l’un des éléments dominants des stratégies de déve-
loppement rural déployées par les agences de développement et les pouvoirs publics.
Le CGAP, Groupe consultatif
Ces 40 dernières années, des milliards de dollars ont servi à appuyer la production
d’assistance aux pauvres, est
4agricole et la révolution verte . Cependant, ce financement a longtemps été caractérisé un consortium composé de 31
agences de développement qui
appuient la microfinance. Pour
de plus amples renseigne-
ments, visitez le site du CGAP
Edifier des systèmes financiers accessibles aux pauvres.
à l’adresse www.cgap.org.
990832_1-60_R1.indd 10832_1-60_R1.indd 1 77/11/06 9:31:50 AM/11/06 9:31:50 AMpassé de 410 millions de dollars durant la période
Tableau 1 La part importante de l’agriculture dans
l’activité économique de certaines régions en 1986–1990 à 2,9 milliards de dollars durant la
développement
8période 1991–1995 .(part de la population économiquement active)
Le regain d’intérêt à l’échelle internationale pour
Région 1961 1980 2001
la réduction de la pauvreté a remis les populations Afrique 79 69 57
rurales, particulièrement les ménages agricoles, au Asie 76 67 56
centre des interventions de développement. Les Europe de l’Est 50 28 15
Amérique latine et programmes de développement agricole englobent 48 34 19
Caraïbes
souvent des composantes de crédit à la production
agricole, qui ont relancé le débat sur les modalités Source: Buchenau, “Innovative Products and Adaptations for Rural
Finance,” 2003. de financement dans les zones rurales. Les presta-
taires traditionnels de crédit agricole affirment avec
par de faibles taux de remboursement de crédit et
insistance qu’il est temps de reconnaître leur rôle 5des subventions non pérennes . En conséquence,
dans le crédit spécialisé pour respecter les cycles des
le crédit agricole accordé par certains bailleurs de
petits exploitants agricoles régis par les cultures et
fonds et banques de développement multilatérales
les flux de trésorerie— à l’heure où les institutions a baissé considérablement ces dernières décennies
de microfinance ont réussi à élargir leurs opérations et, aujourd’hui, il est souvent jugé trop risqué.
pour atteindre les zones rurales en employant leurs Par exemple, durant la période 1979–1981,
techniques universelles.l’agriculture représentait 31% des crédits accordés
D’une manière générale, les institutions de par la Banque mondiale ; durant la période 2000–
6 microfinance ont très bien géré le risque d’insol-2001, elle ne représentait plus que 10% à peine .
vabilité, tandis que les prêteurs traditionnels du Cette diminution brutale était en partie attribuable
secteur agricole ont mis au point des produits qui à la déception vis-à-vis des grands projets de finan-
sont bien adaptés aux cycles de trésorerie et aux cement de l’agriculture, et en partie au fait que
relations commerciales au sein des communautés les financements de la Banque mondiale alloués
agricoles. Cependant, il importe de se rappeler au secteur rural transitaient de plus en plus par
que, pour un grand nombre de petits agriculteurs, d’autres secteurs : par l’intermédiaire de projets de
la source principale de crédit n'est pas une banque, microfinance ou dans le cadre de projets de déve-
ni même une institution de microfinance, mais des loppement communautaire, d’infrastructure ou
acteurs agro-industriels comme les fournisseurs encore de développement rural. Les crédits accor-
d’intrants (par exemple, les vendeurs de semences dés par d’autres banques multilatérales de déve-
ou d’engrais), les négociants et les acteurs de la loppement et agences d’aide bilatérale confirment
transformation. De plus, l’autofinancement conti-cette tendance. À la Banque interaméricaine de
nue de remplir une fonction essentielle dans la développement (BID), le montant total des prêts
production agricole.accordés aux projets de crédit agricole dans la caté-
gorie « crédit agricole mondial », qui était de 1,6
Les risques du crédit à l’agriculturemilliard de dollars durant la période 1986–1990,
est devenu inexistant durant la période 1991–1995. En général, on considère que l’agriculture est plus
Les prêts sectoriels visant à