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P I ERRE LO T I
REF LETS SU R LA
ROU T E SOMBRE
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
REF LETS SU R LA
ROU T E SOMBRE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1112-6
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
NO CT U RN E
1 matin, une nuit d’hiv er , loin de tout, dans la pr
ofonde solitude des camp agnes p y réné ennes.D Du noir intense autour de moi, et sur ma tête des scintillements
d’étoiles. Du noir , des confusions de choses noir es, ici, dans
l’infime région ter r estr e où vit et mar che l’êtr e infime que je suis ; un air pur
et glacé , qui dilate momentanément ma p oitrine d’atome et semble
doubler ma vitalité é phémèr e . Et là-haut, sur le fond bleu noir des esp aces,
les my riades de feux, les scintillements éter nels.
D eux heur es du matin, le cœur de la nuit, de la nuit d’hiv er . L’étoile
du Ber g er , r eine des instants plus my stérieux qui pré cèdent le jour , brille
dans l’Est de tout son é clat blanc.
La vie se tait p artout, en un fr oid sommeil qui r essemble à la mort ;
même les bêtes de nuit ont fini de rô der et sont allé es dor mir . D ehor s, p
ersonne . Les lab our eur s et les b er g er s, qui p ourtant se lè v ent avant l’aub e ,
sont blois p our des heur es encor e sous les toits des hame aux. Seuls p
eutêtr e , p ar les chemins, cir culant dans le grand silence , tr ouv erait-on les
hommes que tient é v eillés l’amour ou le vag ab ondag e , — ou encor e , en ce
p ay s-ci, la contr ebande . Sur la r oute où je mar che , la lumièr e p alpitante
des étoiles semble tomb er en pluie de phosphor e . Et cee r oute , sè che et
2Reflets sur la r oute sombr e Chapitr e
dur cie , résonne , vibr e comme si le sol était cr eux sous mes p as. D’ailleur s,
je mar che , je mar che sans m’ en ap er ce v oir , tant est vivifiant cet air de la
nuit ; mes jamb es, dirait-on, v ont d’ elles-mêmes, comme feraient des r
essorts une fois p our toutes r emontés, dont le mouv ement ne donnerait plus
aucune p eine .
Et je r eg arde , au-dessus du noir de la ter r e qui m’ entour e , scintiller
les mondes. Alor s, p eu à p eu, me r epr end ce sentiment p articulier qui est
l’ép ouvante sidérale , le v ertig e de l’infini. Je l’ai connu p our la pr emièr e
fois, ce sentiment-là , lor sque v er s mes dix-huit ans il fallut me plong er
dans les calculs d’astr onomie et les obser vations d’étoiles, p endant les
nuits de la mer . En g énéral, les g ens du monde ne song ent jamais à tout
cela, n’ ont même p our la plup art, sur les abîmes cosmiques, aucune notion
un p eu appr o ché e , — et c’ est fâcheux v raiment, car , en bien des cas, cela
ar rêterait p ar la conscience du ridicule leur s agitations lilliputiennes. . . La
connaissance et la quasi-ter r eur des duré es astrales sont bien ap aisantes
aussi, et, à pr op os des p etits é vénements humains, quel calme dé daigneux
cela pr o cur e , de se dir e : Mon Dieu, qu’imp ortera, dans vingt-cinq mille
ans, quand l’ax e ter r estr e aura accompli son tour ? ou bien dans deux ou
tr ois cent mille ?
L’atmosphèr e de la nuit, à cee heur e fraîche et vier g e , est comme
vide de toute senteur , si ce n’ est dans certains bas-fonds, au milieu des
b ois, où les e xhalaisons des mousses, du sol humide p er sistent encor e
sous le fouillis ine xtricable et lég er des ramur es d’hiv er . A utr ement, rien ;
il semble que l’ on r espir e la pur eté même , — tellement que l’ on de
vinerait au flair , le long de la r oute , les rar es métairies ép ar ses, d’ où sortent,
p ar b ouffé es bientôt p erdues, des o deur s de brûlé , de fumé e , de fauv e , de
r ep air e de bêtes. . .
Et je r eg arde toujour s, sur le bleu noir du ciel, scintiller la p oussièr e
de feu. . . Cela, c’ est l’ensemble de ce qui est , et que nous cachent le plus
souv ent nos p etits nuag es, l’av euglante lumièr e de notr e p etit soleil ; du
r este , dans quel but nous l’a-t-on laissé v oir , puisque la faculté de sonder
et de compr endr e de vait se dé v elopp er en nous av e c les siè cles, et que
tout cela était app elé à de v enir alor s ter rifiant ? . . . V oici qu’ elles me font
p eur , cee nuit, les constellations — ces dessins familier s, qui sont quasi
éter nels p our les y eux humains sitôt fer més p ar la mort, mais qui, en ré
a3Reflets sur la r oute sombr e Chapitr e
lité , p our des y eux plus durables que les nôtr es, se défor ment aussi vite
que des figur es chang e antes et furtiv es app ar ues un instant dans un v ol
d’étincelles. . . Combien ce ci dér oute et confond : p enser que ces choses
làhaut, sy mb olisant p our nous le calme et l’immuabilité , sont au contrair e
en plein v ertig e de mouv ement ; sav oir que le p euple sans nombr e des
soleils, les non condensés encor e , les flamblo yants ou les éteints,
tourbillonnent tous, affolés de vitesse et de chute !. . .
L’air vif de cee nuit donne assez neement l’impr ession glacé e du
grand vide sidéral, de même que cee nuance sombr e du ciel imite le noir
funèbr e des esp aces où les soleils p ar my riades s’épuisent à flamb o y er
sans p ar v enir à y jeter un p eu de chaleur , ni seulement un p eu de lumièr e ,
sans y fair e autr e chose que le p onctuer d’un semis de p etits brillants qui
tr emblent. . . Bien p etits en effet, ces soleils, qui brûlent dans le noir , et
consument dans le fr oid leur initiale chaleur ! elle misérable p oussièr e
ils figur ent, er rant ainsi p ar gr oup es et p ar nuag es, p erdus dans l’
obscurité souv eraine , tombant toujour s, depuis des milliards et des milliards de
siè cles, dans un vide qui de vant eux ne finira jamais de s’ ouv rir !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D es p as résonnent en avant de moi, au milieu de la micr oscopique
solitude ter r estr e ; un br uit de vie qui me sur pr end au trav er s de toute cee
obscurité , de tout ce silence . Et deux silhouees humaines cr oisent ma
r oute , mar chant lentement, le fusil à l’ép aule . . . Ah ! des douanier s ! J’
oubliais, moi, les p etites affair es d’ici-bas, la fr ontièr e d’Esp agne qui est là
tout pr o che . . . Ils font une r onde , et v ont deux p ar deux, comme toujour s,
p ar crainte des r encontr es mauvaises. . . Mon Dieu, quelle capitale affair e
si quelques brimb orions pr ohibés allaient cee nuit p asser de chez les
p y gmé es de France aux mains des p y gmé es esp agnols !. . . elle imp
ortance cela pr endrait, v u seulement des mondes les plus v oisins du nôtr e ,
de V ég a, de Bellatrix ou d’ Ataïr !. . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Est-ce que v raiment ce serait toute la réser v e du Feu, est-ce que ce
serait tout ce qu’il y en a, tout ce qu’il en e xiste dans le Cosmos, ces miees
4Reflets sur la r oute sombr e Chapitr e
qui tourbillonnent, pr omené es comme le sable des dunes quand il v ente ,
qui tourbillonnent dans le grand noir glacial et vide — et qui, fatalement,
p ar la suite des âg es incalculés, doiv ent se r efr oidir et s’éteindr e ? . . . P lutôt
ne serait-ce p as les minuscules débris, les étincelles p erdues de quelque
autr e réser v e mille et mille fois plus inépuisable et situé e plus loin que
notr e humble p etite v ue , plus loin que la p orté e de nos plus p énétrants
p etits télescop es, plus loin, des millions de millions de fois plus loin,