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P I ERRE LO T I
RAP PORT SU R LES
P RIX DE V ERT U
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
RAP PORT SU R LES
P RIX DE V ERT U
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1111-9
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LU D ANS LA SÉANCE
P U BLIQU E AN N U ELLE DE
L’A CADÉMI E F RANÇAISE DU
17 NO V EMBRE 1898
ESSI EU RS, A v e c humilité pr ofonde , dans un sentiment de
vénération pr esque r eligieuse p our ceux et p our celles que jeM vais nommer ici, j’ essaie d’accomplir la tâche que v ous
m’av ez confié e .
C’ est encor e en p arlant de moi-même que je commencerai mon
discour s, et cee façon de fair e , sans doute , ne sera p oint p our v ous
surpr endr e , puisqu’ elle constitue , p araît-il, un de mes défauts coutumier s.
Mais b e aucoup d’âmes, en ces temps de v ertig e , r essemblent à la
mienne , et, p our l’adr esser à plusieur s qui m’é coutent ici, je p our rais
empr unter à Victor Hug o son étrang e phrase : « Ah ! insensé , qui cr ois que tu
n’ es p as moi ! » D onc, un enseignement p eut-êtr e jaillira p our
quelquesuns, lor sque j’aurai dit en toute sincérité comment mon âme , d’ab ord
ennuyé e et hautaine de vant cee tâche que l’ on m’imp osait, est p eu à p eu
1Rapp ort sur les prix de v e rtu Chapitr e
de v enue r esp e ctueuse et aendrie . A ceux qui sont mes frèr es p ar la
souffrance , mes frèr es p ar l’ or gueil, mes frèr es p ar le doute et p ar le tr ouble ,
combien je v oudrais p ouv oir communiquer le bien que je me suis fait à
moi-même et l’ap aisement que j’ai tr ouvé , en vivant p ar la p ensé e , durant
quelques semaines, au milieu de ces simples et de ces admirables que l’ A -
cadémie française glorifie en ce jour !
T ous, n’ est-ce p as ? nous av ons fait, au cour s de notr e vie , quelque
bien, çà et là ; du bien qui, en g énéral, nous a donné p eu de p eine , nous
a privés de p eu de chose . Et nous nous sommes magnifiés alor s, disant
en nous-mêmes : La b onté habite notr e cœur . Comme nous étions loin
cep endant, loin et au-dessous du moindr e , du der nier de ces apôtr es
obscur s, dont j’ai mission de v ous entr etenir ! Nous, g ens du monde , quelles
que soient nos détr esses intimes et caché es, nous r estons les fav orisés sur
cee ter r e . T ous, brûlés plu s ou moins de désir s inassouvis, d’ambitions,
de conv oitises, tour mentés d’ir ré alisables rê v es, nous puisons en notr e
pr opr e cœur nos souffrances, — p arfois infinies, je le sais bien, mais qui
s’aénueraient p ar la p atience et l’ oubli de soi-même . En somme , nous
av ons la fortune , le lux e , ou bien la fumé e d’un p eu de gloir e , ou tout
au moins les commo dités de la vie , nos lendemains assurés, du bien-êtr e
en p er sp e ctiv e jusqu’à l’heur e de la mort. Ceux dont je vais v ous p arler
n’ ont rien, n’ ont jamais eu rien ; p our la plup art, ils n’ ont plus la santé ni
la jeunesse , p as seulement le p ain de chaque jour , et ils tr ouv ent le mo y en
d’êtr e b ons, de l’êtr e inépuisablement, à toute heur e , durant des mois et
des anné es ; ils tr ouv ent le mo y en d’êtr e se courables et doux, de donner
p ar miracle ce qu’ils n’ ont p as, — et, dans leur dénuement sublime , ils
sont heur eux p ar la charité . . .
La charité , que v ous m’av ez confié la mission, p our moi un p eu é
crasante , de célébr er aujourd’hui, je la tr ouv e glorifié e d’une façon définitiv e
et magnifique dans un liv r e qui résistera à l’é cr oulement des r eligions et
de la foi, dans le liv r e éter nel qui sur viv ra à toutes choses et qui se nomme
l’Évangile :
« and même , dit saint Paul, je p arlerais toutes les langues des
hommes et des ang es, si je n’ai p oint la charité , je ne suis que comme
l’airain qui résonne et comme la cy mbale qui r etentit.
» Et quand même je connaîtrais tous les my stèr es et la science de
2Rapp ort sur les prix de v e rtu Chapitr e
toutes choses, et quand même j’aurais la foi jusqu’à transp orter les
montagnes, si je n’ai p oint la charité , je ne suis rien.
» Et quand même je distribuerais tout mon bien p our la nour ritur e
des p auv r es, et que je liv r erais mon cor ps p our êtr e brûlé , si je n’ai p oint
la charité , cela ne me sert à rien. »
Oh ! ils ont la charité , ceux-ci, tous ces ignorés d’hier , aux quels
nous allons offrir aujourd’hui, av e c un semblant d’é clat, de bien
insuffisantes ré comp enses : travailleur s à la jour né e accablés p ar les ans,
vieilles ser vantes que la fatigue épuise , p auv r es et p auv r esses, infir mes,
p aralytiques, aux quels nous faisons en ce moment une tr op mesquine
ap othé ose , av e c nos admirations distraites et mondaines, av e c un p eu
d’ar g ent que nous leur donnons et que , so y ez-en sûr s, ils ne g arder ont
p oint p our eux-mêmes.
Ils ont la charité , et la v raie , ainsi qu’ elle est définie p ar saint Paul,
que je v eux citer encor e ; car il ne suffit p as de fair e le bien, il faut surtout
le fair e comme ils l’ ont fait, d’une façon p atiente et tendr e , d’une façon
aimable et av e c un b on sourir e . . .
« La charité , é crit l’apôtr e à ses amis de l’église de Corinthe ; la charité
est p atiente , elle est pleine de b onté ; la charité n’ est p oint envieuse ; la
charité n’ est p oint insolente ; elle ne s’ enfle p oint d’ or gueil.
» Elle n’ est p oint malhonnête ; elle ne cher che p oint ses intérêts ; elle
ne s’aigrit p oint ; elle ne soup çonne p oint le mal.
» Elle e x cuse tout, e lle cr oit tout, elle espèr e tout, elle supp orte tout. »
C’ est bien cela. D epuis deux mille ans, la charité n’a p oint varié , et,
telle la compr enait l’apôtr e , telle la pratiquent à notr e ép o que ces êtr es
d’ e x ception et d’élite que l’ A cadémie , tous les ans, va r e cher cher et
découv rir , étonnés et confus, dans les faub our gs p opulair es, au fond des
pr o vinces, dans les camp agnes ignoré es.
J’ai dit : étonnés et confus, — car ils ont aussi la mo destie , et ils sont
tous inconscients de ce que vaut leur cœur . Ils n’ ont p oint sollicité nos
suffrag es ; oh ! non, et la plup art d’ entr e eux appr endr ont aujourd’hui
seulement, av e c stup eur , que nous les av ons distingués. Ils nous ont été
désignés d’ab ord p ar la r umeur publique , — qui s’ég ar e si souv ent dans
ses haines, mais qui si rar ement se tr omp e lor squ’il s’agit au contrair e de
r emer cier et de bénir . T oute la p opulation d’un villag e , ou d’un canton, ou
3Rapp ort sur les prix de v e rtu Chapitr e
d’une banlieue , s’ est unie p our nous dir e ce ci, p ar quelque ler e couv erte
de naïv es signatur es : « Il y en a un p ar mi nous qui n’ est p a s comme les
autr es, qui ne sait fair e que du bien à tout le monde , qui est un mo dèle de
douceur et de dé v ouement ; v ous qui donnez des prix de v ertu, v enez donc
y v oir . » Alor s, l’ enquête a été commencé e , av e c discrétion, av e c my stèr e ,
p our ne p as effar oucher le candidat, — et l’ enquête pr esque toujour