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V ICT OR H UGO
QU A T REV I NGT - T REIZE
BI BEBO O KV ICT OR H UGO
QU A T REV I NGT - T REIZE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1083-9
BI BEBO OK
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sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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P REMI ÈRE P ART I E
EN MER
1I
LI V RE P REMI ER
LE BOIS DE LA
SA U DRAI E
2 jour s de mai 1793, un des bataillons p arisiens
amenés en Br etagne p ar Santer r e fouillait le r e doutable b ois deD la Saudraie en Astillé . On n’était p as plus de tr ois cents, car le
bataillon était dé cimé p ar cee r ude guer r e . C’était l’ép o que où, après
l’ Ar g onne , Jemmap es et V almy , du pr emier bataillon de Paris, qui était de
six cents v olontair es, il r estait vingt-sept hommes, du deuxième tr
entetr ois, et du tr oisième cinquante-sept. T emps des lues épiques.
Les bataillons env o yés de Paris en V endé e comptaient neuf cent douze
hommes. Chaque bataillon avait tr ois piè ces de canon. Ils avaient été
rapidement mis sur pie d. Le 25 av ril, Gohier étant ministr e de la justice
et Bouchoe étant ministr e de la guer r e , la se ction du Bon-Conseil avait
pr op o sé d’ env o y er des bataillons de v olontair es en V endé e ; le membr e
de la commune Lubin avait fait le rapp ort ; le 1 ᵉʳ mai, Santer r e était prêt
à fair e p artir douze mille soldats, tr ente piè ces de camp agne et un
bataillon de canonnier s. Ces bataillons, faits si vite , fur ent si bien faits, qu’ils
ser v ent aujourd’hui de mo dèles ; c’ est d’après leur mo de de comp osition
qu’ on for me les comp agnies de ligne ; ils ont chang é l’ancienne pr op
ortion entr e le nombr e des soldats et le nombr e des sous-officier s.
Le 28 av ril, la commune de Paris avait donné aux v olontair es de
San3atr e vingt- T r eize Chapitr e
ter r e cee consigne : Point de grâce. Point de quartier. A la fin de mai, sur
les douze mille p artis de Paris, huit mille étaient morts.
Le bataillon eng ag é dans le b ois de la Saudraie se tenait sur ses g ardes.
On ne se hâtait p oint. On r eg ardait à la fois à dr oite et à g auche , de vant
soi et der rièr e soi ; Kléb er a dit : Le soldat a un œil dans le dos . Il y avait
longtemps qu’ on mar chait. elle heur e p ouvait-il êtr e ? à quel moment
du jour en était-on ? Il eût été difficile de le dir e , car il y a toujour s une
sorte de soir dans de si sauvag es hallier s, et il ne fait jamais clair dans ce
b ois-là .
Le b ois de la Saudraie était tragique . C’était dans ce taillis que , dès
le mois de no v embr e 1792, la guer r e civile avait commencé ses crimes ;
Mousqueton, le b oiteux fér o ce , était sorti de ces ép aisseur s funestes ; la
quantité de meurtr es qui s’étaient commis là faisait dr esser les che v eux.
Pas de lieu plus ép ouvantable . Les soldats s’y enfonçaient av e c pré
caution. T out était plein de fleur s ; on avait autour de soi une tr emblante
muraille de branches d’ où tombait la char mante fraîcheur des feuilles ; des
ray ons de soleil tr ouaient çà et là ces ténèbr es v ertes ; à ter r e , le glaïeul,
la flamb e des marais, le nar cisse des prés, la gênoe , cee p etite fleur
qui annonce le b e au temps, le safran printanier , br o daient et p
assementaient un pr ofond tapis de vég étation où four millaient toutes les for mes
de la mousse , depuis celle qui r essemble à la chenille jusqu’à celle qui
r essemble à l’étoile . Les soldats avançaient p as à p as, en silence , en é
cartant doucement les br oussailles. Les oise aux g azouillaient au-dessus des
bay onnees.
La Saudraie était un de ces hallier s où jadis, dans les temps p aisibles,
on avait fait la Houiche-ba, qui est la chasse aux oise aux p endant la nuit ;
maintenant on y faisait la chasse aux hommes.
Le taillis était tout de b oule aux, de hêtr es et de chênes ; le sol plat ; la
mousse et l’herb e ép aisse amortissaient le br uit des hommes en mar che ;
aucun sentier , ou des sentier s tout de suite p erdus ; des houx, des pr
unellier s sauvag es, des fougèr es, des haies d’ar rête-b œuf, de hautes r onces ;
imp ossibilité de v oir un homme à dix p as. Par instants p assait dans le
branchag e un hér on ou une p oule d’ e au indiquant le v oisinag e des
marais.
On mar chait. On allait à l’av entur e , av e c inquiétude , et en craignant
4atr e vingt- T r eize Chapitr e
de tr ouv er ce qu’ on cher chait.
D e temps en temps on r encontrait des traces de camp ements, des
places brûlé es, des herb es foulé es, des bâtons en cr oix, des branches
sanglantes. Là on avait fait la soup e , là on avait dit la messe , là on avait p ansé
des blessés. Mais ceux qui avaient p assé avaient disp ar u. Où étaient-ils ?
Bien loin p eut-êtr e ? p eut-êtr e là tout près, cachés, l’ esping ole au p oing ?
Le b ois semblait désert. Le bataillon r e doublait de pr udence . Solitude ,
donc défiance . On ne v o yait p er sonne ; raison de plus p our r e douter
quelqu’un. On avait affair e à une forêt mal famé e .
Une embuscade était pr obable .
T r ente gr enadier s, détachés en é clair eur s, et commandés p ar un
serg ent, mar chaient en avant à une assez grande distance du gr os de la
tr oup e . La vivandièr e du bataillon les accomp agnait. Les vivandièr es se
joignent v olontier s aux avant-g ardes. On court des dang er s, mais on va
v oir quelque chose . La curiosité est une des for mes de la brav our e
féminine .
T out à coup les soldats de cee p etite tr oup e d’avant-g arde eur ent ce
tr essaillement connu des chasseur s qui indique qu’ on touche au gîte . On
avait entendu comme un souffle au centr e d’un four ré , et il semblait qu’ on
v enait de v oir un mouv ement dans les feuilles. Les soldats se fir ent signe .
D ans l’ espè ce de guet et de quête confié e aux é clair eur s, les officier s
n’ ont p as b esoin de s’ en mêler ; ce qui doit êtr e fait se fait de soi-même .
En moins d’une minute le p oint où l’ on avait r emué fut cer né ; un
cer cle de fusils braqués l’ entoura ; le centr e obscur du hallier fut couché
en joue de tous les côtés à la fois, et les soldats, le doigt sur la détente ,
l’ œil sur le lieu susp e ct, n’aendir ent plus p our le mitrailler que le
commandement du ser g ent.
Cep endant la vivandièr e s’était hasardé e à r eg arder à trav er s les
br oussailles, et, au moment où le ser g ent allait crier : Feu ! cee femme
cria : Halte !
Et se tour nant v er s les soldats : — Ne tir ez p as, camarades !
Et elle se pré cipita dans le taillis. On l’y suivit.
Il y avait quelqu’un là en effet.
A u plus ép ais du four ré , au b ord d’une de ces p etites clairièr es r ondes
que font dans les b ois les four ne aux à charb on en brûlant les racines des
5atr e vingt- T r eize Chapitr e
arbr es, dans une sorte de tr ou de branches, espè ce de chambr e de feuillag e ,
entr’ ouv erte comme une alcô v e , une femme était assise sur la mousse ,
ayant au sein un enfant qui tétait et sur ses g enoux les deux têtes blondes
de deux enfants endor mis.
C’était là l’ embuscade .
― ’ est-ce que v ous faites ici, v ous ? cria la vivandièr e .
La femme le va la tête .
La viva