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P I ERRE LO T I
P ÊCH EU R D’ISLAN DE
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
P ÊCH EU R D’ISLAN DE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1108-9
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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compris à Bib eb o ok.MAD AME AD AM
( JU LI ET T E LAMBERT)A Hommage d’affection filiale.
P I ERRE LO T I
n
1Pr emièr e p artie
2CHAP I T RE I
, aux car r ur es ter ribles, accoudés à b oir e , dans une
sorte de logis sombr e qui sentait la saumur e et la mer . Le gîte ,I tr op bas p our leur s tailles, s’ effilait p ar un b out, comme
l’intérieur d’une grande mouee vidé e ; il oscillait faiblement, en r endant une
plainte monotone , av e c une lenteur de sommeil.
D ehor s, ce de vait êtr e la mer et la nuit, mais on n’ en savait tr op rien :
une seule ouv ertur e coup é e dans le plafond était fer mé e p ar un couv er cle
en b ois, et c’était une vieille lamp e susp endue qui les é clairait en vacillant.
Il y avait du feu dans un four ne au ; leur s vêtements mouillés
séchaient, en rép andant de la vap eur qui se mêlait aux fumé es de leur s pip es
de ter r e .
Leur table massiv e o ccup ait toute leur demeur e ; elle en pr enait très
e x actement la for me , et il r estait juste de quoi se couler autour p our
s’asse oir sur des caissons étr oits scellés aux murailles de chêne . D e gr osses
p outr es p assaient au-dessus d’ eux, pr esque à toucher leur s têtes ; et,
der3Pê cheur d’Islande Chapitr e I
rièr e leur s dos, des couchees qui semblaient cr eusé es dans l’ép aisseur
de la char p ente s’ ouv raient comme les niches d’un cav e au p our mer e
les morts. T outes ces b oiseries étaient gr ossièr es et fr ustes, imprégné es
d’humidité et de sel ; usé es, p olies p ar les fr oements de leur s mains.
Ils avaient bu, dans leur s é cuelles, du vin et du cidr e , aussi la joie de
viv r e é clairait leur s figur es, qui étaient franches et brav es. Maintenant ils
r estaient aablés et de visaient, en br eton, sur des questions de femmes et
de mariag es.
Contr e un p anne au du fond, une sainte vier g e en faïence était fix é e
sur une planchee , à une place d’honneur . Elle était un p eu ancienne , la
p atr onne de ces marins, et p einte av e c un art encor e naïf. Mais les p
ersonnag es en faïence se conser v ent b e aucoup plus longtemps que les v rais
hommes ; aussi sa r ob e r oug e et bleue faisait encor e l’ effet d’une p etite
chose très fraîche au milieu de tous les gris sombr es de cee p auv r e
maison de b ois. Elle avait dû é couter plus d’une ardente prièr e , à des heur es
d’ang oisses ; on avait cloué à ses pie ds deux b ouquets de fleur s artificielles
et un chap elet.
Ces cinq hommes étaient vêtus p ar eillement : un ép ais tricot de laine
bleue ser rant le tor se et s’ enfonçant dans la ceintur e du p antalon ; sur la
tête , l’ espè ce de casque en toile g oudr onné e qu’ on app elle suroît ( du nom
de ce v ent de sud-ouest qui dans notr e hémisphèr e amène les pluies).
Ils étaient d’âg es div er s. Le capitaine p ouvait av oir quarante ans ; tr ois
autr es, de vingt-cinq à tr ente . Le der nier , qu’ils app elaient Sylv estr e ou
Lurlu, n’ en avait que dix-sept. Il était déjà un homme , p our la taille et la
for ce : une barb e noir e , très fine et très frisé e , couv rait ses joues ;
seulement il avait g ardé ses y eux d’ enfant, d’un gris bleu, qui étaient e
xtrêmement doux et tout naïfs.
T rès près les uns des autr es, faute d’ esp ace , ils p araissaient épr ouv er
un v rai bien-êtr e , ainsi tapis dans leur gîte obscur .
. . . D ehor s, ce de vait êtr e la mer et la nuit, l’infinie désolation des e aux
noir es et pr ofondes. Une montr e de cuiv r e , accr o ché e au mur , mar quait
onze heur es, onze heur es du soir sans doute ; et, contr e le plafond de b ois,
on entendait le br uit de la pluie .
Ils traitaient très g aîment entr e eux ces questions de mariag e , — mais
sans rien dir e qui fût déshonnête . Non, c’étaient des pr ojets p our ceux
4Pê cheur d’Islande Chapitr e I
qui étaient encor e g ar çons, ou bien des histoir es drôles ar rivé es dans le
pays, p endant des fêtes de no ces. elquefois ils lançaient bien, av e c un
b on rir e , une allusion un p eu tr op franche au plaisir d’aimer . Mais
l’amour , comme l’ entendent les hommes ainsi tr emp és, est toujour s une
chose saine , et dans sa cr udité même il demeur e pr esque chaste .
Cep endant Sylv estr e s’ ennuyait, à cause d’un autr e app elé Je an (un
nom que les Br etons pr ononcent Y ann), qui ne v enait p as.
En effet, où était-il donc ce Y ann ; toujour s à l’ ouv rag e là-haut ?
Pourquoi ne descendait-il p as pr endr e un p eu de sa p art de la fête ?
― T antôt minuit, p ourtant, dit le capitaine .
Et, en se r e dr essant deb out, il soule va av e c sa tête le couv er cle de
b ois, afin d’app eler p ar là ce Y ann. Alor s une lueur très étrang e tomba
d’ en haut :
― Y ann ! Y ann !. . . Eh ! l’ homme !
L’ homme rép ondit r udement du dehor s.
Et, p ar ce couv er cle un instant entr’ ouv ert, cee lueur si pâle qui était
entré e r essemblait bien à celle du jour . — « Bientôt minuit. . . » Cep endant
c’était bien comme une lueur de soleil, comme une lueur crépusculair e
r env o yé e de très loin p ar des mir oir s my stérieux.
Le tr ou r efer mé , la nuit r e vint, la p etite lamp e p endue se r emit à briller
jaune , et on entendit l’ homme descendr e av e c de gr os sab ots p ar une
é chelle de b ois.
Il entra, oblig é de se courb er en deux comme un gr os our s, car il était
pr esque un g é ant. Et d’ab ord il fit une grimace , en se pinçant le b out du
nez à cause de l’ o deur âcr e de la saumur e .
Il dép assait un p eu tr op les pr op ortions ordinair es des hommes,
surtout p ar sa car r ur e qui était dr oite comme une bar r e ; quand il se
présentait de face , les muscles de ses ép aules, dessinés sous son tricot bleu,
for maient comme deux b oules en haut de ses bras. Il avait de grands y eux
br uns très mobiles, à l’ e xpr ession sauvag e et sup erb e .
Sylv estr e , p assant ses bras autour de ce Y ann, l’aira contr e lui p ar
tendr esse , à la façon des enfants ; il était fiancé à sa sœur et le traitait
comme un grand frèr e . L’autr e se laissait car esser av e c un air de lion câlin,
en rép ondant p ar un b on sourir e à dents blanches.
5Pê cheur d’Islande Chapitr e I
Ses dents, qui avaient eu chez lui plus de place p our s’ar rang er que
chez les autr es hommes, étaient un p eu esp acé es et semblaient toutes p
etites. Ses moustaches blondes étaient assez courtes, bien que jamais
coup é es ; elles étaient frisé es très ser ré en deux p etits r oule aux sy métriques
au-dessus de ses lè v r es qui avaient des contour s fins et e x quis ; et puis
elles s’éb ouriffaient aux deux b outs, de chaque côté des coins pr ofonds
de sa b ouche . Le r este de sa barb e était tondu ras, et ses joues coloré es
avaient g ardé un v elouté frais, comme celui des fr uits que p er sonne n’a
touchés.
On r emplit de nouv e au les v er r es, quand Y ann fut assis, et on app ela
le mousse p our r eb our r er