Dans les années 60, le public massé sur les routes du Tour de France brûlait de passion pour Raymond Poulidor, éternel dauphin de son rival Jacques Anquetil sur la Grande Boucle (en 1962, 1963 et 1965), tandis que le champion normand était, au contraire, trop lisse et honni par l'opinion publique pour sa propension à enchaîner les succès avec une régularité et une insolence incroyable. En 1961, "Maître Jacques" poussait l'arrogance jusqu'à remporter l'épreuve en portant le maillot jaune du premier jour (après avoir remporté la seconde demie-étape en contre-la-montre) au dernier, s'attirant carrément les foudres du directeur de l'épreuve, Jacques Godet, qui l'accusait carrément de "tuer la course".
Une accusation dont a également fait l'objet Bradley Wiggins et toute son équipe Sky au fur et à mesure que les jours de course s'enchaînaient sur le Tour de France 2012, sans que le Britannique ne soit jamais dépossédé du maillot jaune qu'il s'était adjugé après une semaine de course à la Planche des Belles Filles, en profitant de la défaillance du Suisse Fabian Cancellara, le précédent porteur, et de la victoire d'étape de son second et futur dauphin à Paris, Christopher Froome. Froome-Wiggins, les deux ont fait la paire sur la Grande Boucle, alors que le second avait déjà remporté les autres grandes courses à étapes du début de saison (Paris-Nice, Tour de Romandie et Critérium du Dauphiné). Grâce au concours d'une équipe Sky magnifiquement huilée, malgré la présence en son sein du sprinteur Mark Cavendish qui aurait pu dérégler la machine en exigeant qu'elle soit à son service pour les sprints. Mais non seulement l'équipe mise sur pied par David Brailsford depuis 2010 pour "remporter le Tour de France dans les cinq ans" a atteint son but via Bradley Wiggins, mais le champion du monde 2011, pourtant privé d'une bonne partie du train qui l'emmenait vers la victoire les saisons précédentes, a pu s'imposer trois fois sur des sprints massifs, dont le plus prestigieux sur les Champs-Elysées. Là même où quelques minutes plus tard, l'Union Jack saluant la victoire de "Wiggo" allait flotter.