"Le cyclisme n'est pas mon sport. Je ne l'ai pas choisi. C'est le vélo qui m'a choisi. Je n'aime pas le vélo, le vélo m'aime. Il va le payer." Jacques Anquetil n'a jamais mâché ses mots. La mythologie qui accompagne sa mémoire depuis sa mort en regorge. Sous la plume de Paul Fournel, auteur de Anquetil tout seul (aux éditions Seuil), ils font en tous cas sens. Dans cet ouvrage, l'écrivain féru de cyclisme, fait parler Anquetil, l'homme et le coureur. Un Anquetil glorifié et magnifié. "Il était le plus beau cycliste possible, écrit Paul Fournel. Je l'ai suivi, je l'ai admiré sans jamais chercher à le comprendre, ajoutant du mystère à son mystère. Il avait l'âme complexe, ses motivations étaient contradictoires, son élégance tranchait dans le peloton, sa vie de château sentait le parfum et la poudre. (...) Mais ce cycliste de génie aimait-il vraiment le vélo ?" Comme d'autres avant lui, Paul Fournel s'est essayé à percer le mystère qui entoure le Normand. "Môme, tournant dans la cour de la ferme, j'étais Anquetil", avoue de son côté Cyrille Guimard qui a couru au sein du même peloton. Tous se posent la même et lancinante question : pourquoi Anquetil était-il Anquetil ?
Qu'est-ce qui expliquait que cet homme parvienne à disposer des autres avec une telle aisance ? Guimard encore : "Il vous mettait K.-O. sans bouger. On avait l'impression qu'on ne pouvait pas le toucher." Anquetil était ce coureur capable de glaner un Tour avec une hépatite virale ou de rester compétitif malgré un régime alimentaire épicurien. Chez le Normand, à l'heure du petit déjeuner, aux côtés d'une bonne douzaine d'huitres, il n'était pas rare de voir une blanquette ou des oeufs au plat arrosés de vin blanc. Anquetil, c'était aussi un athlète en mesure de remporter le Dauphiné Libéré et Bordeaux-Paris dans la foulée - l'arrivée de la première épreuve ne se tenant que 7 heures avant la suivante... Une prouesse qui dépasse l'entendement."C'est son plus grand exploit, juge Raphaël Géminiani, son directeur sportif durant sept années et celui qui lui a soufflé cette idée insensée. C'est quelque chose d'inhabituel et ça impose le respect. Son arrivée au Parc des Princes a suscité une explosion de joie, c'est d'ailleurs ce qu'il recherchait." Car face à la popularité de Poulidor, Anquetil passait pour le prétentieux, antipathique, amoral, le type si facile à admirer et si difficile à aimer.