Mark TwainPlus fort que Sherlock HolmèsMercure de France, 1907 (pp. 212-221).— Monsieur, dis-je, ne m’en voulez pas si je vous ai amené dans ma maison aussiglaciale et aussi triste !Il faut vous dire tout d’abord que j’ai été assez fou pour amener chez moi un ami, etqui plus est, un malade. Assis en chemin de fer en face de ce monsieur, j’eus l’idéediaboliquement égoïste de lui faire partager avec moi le froid de cette nuitbrumeuse.J’allai à lui et lui tapai sur l’épaule : « Ah ! » s’écria-t-il étonné.— Venez, lui dis-je, sur un ton engageant et parfaitement hypocrite, et que mamaison soit la vôtre. Il n’y a personne en ce moment, nous y passerons d’agréablesmoments. Venez donc avec moi.Aguiché par mon amabilité, cet homme accepta. Mais lorsque nous eûmes causéquelques instants dans la bibliothèque, nous sentîmes le froid.— Allons, dis-je, faisons un beau feu clair et prenons du thé bien chaud ; cela nousmettra de bonne humeur. Permettez-moi de vous laisser seul pour tout préparer, etdistrayez-vous en mon absence. Il faut que j’aille jusque chez Palmer pour luidemander de m’aider. Tout ira très bien.— Parfait, me répondit mon hôte.Palmer est mon bras droit. Il habite à quelques centaines de mètres de ma maison,une vieille ferme qui servait de taverne pendant la Révolution. Cette ferme s’estbeaucoup délabrée depuis un siècle ; les murs, les planchers ont perdu la notion dela ligne droite et l’allée qui mène à la maison a presque complètement ...
Voir