Mark TwainPlus fort que Sherlock HolmèsMercure de France, 1907 (pp. 188-203).On a raconté tant d’histoires invraisemblables sur ma chasse à l’ours de l’étédernier, à Adirondack, qu’en bonne justice je dois au public, à moi-même et aussi àl’ours, de relater les faits qui s’y rattachent avec la plus parfaite véracité. Etd’ailleurs il m’est arrivé si rarement de tuer un ours, que le lecteur m’excusera dem’étendre trop longuement peut-être sur cet exploit.Notre rencontre fut inattendue de part et d’autre. Je ne chassais pas l’ours, et je n’aiaucune raison de supposer que l’ours me cherchait. La vérité est que nouscueillions des mûres, chacun de notre côté, et que nous nous rencontrâmes parhasard, ce qui arrive souvent. Les voyageurs qui passent à Adirondack ont souventexprimé le désir de rencontrer un ours ; c’est-à-dire que tous voudraient enapercevoir un, de loin, dans la forêt ; ils se demandent d’ailleurs ce qu’ils feraient enprésence d’un animal de cette espèce. Mais l’ours est rare et timide et ne semontre pas souvent.C’était par une chaude après-midi d’août ; rien ne faisait supposer qu’unévénement étrange arriverait ce jour-là. Les propriétaires de notre chalet eurentl’idée de m’envoyer dans la montagne, derrière la maison, pour cueillir des mûres.Pour arriver dans les bois, il fallait traverser des prairies en pente, toutentrecoupées de haies, vraiment fort pittoresques. Des vaches pâturaient paisibles,au milieu de ces haies touffues dont elles ...
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