Georges CourtelineLa Philosophie de Georges CourtelineVIRGINIE ET PAULIl est bien entendu que l’homme, être foncièrement libertin, pousse à l’excès le goûtdu changement et apporte dans la pratique de l’amour une brutalité donts’effarouche la femme, créature d’essence délicate, ô combien !… Ça n’empêchepas que le nombre des femmes trompées soit inférieur d’un bon tiers à celui deshommes cocus. Il n’y a pas que les instincts, en effet ; il y a aussi ce facteur : lapossibilité de les satisfaire, et on oublie que par centaines et par centaines demilliers, les employés de ministères, de commerce, de chemins de fer, de banque,n’ont ni le moyen d’entretenir des maîtresses, ni le temps qui leur serait nécessairepour déchaîner des passions.Et la réciproque n’est pas vraie. J’ai le regret d’être forcé de dire que, dans nombrede jeunes ménages choisis parmi le monde des petits fonctionnaires, le mari, quigagne 6.000 francs, vit sur le pied de 15.000 sans s’en apercevoir.— Chou, dit Virginie à Paul qui, avant de se rendre au bureau, trace sa raie devantl’armoire à glace, j’ai quelque chose à te demander. Je me trouve un peu à court ;pourrais-tu, sans te gêner, me faire une petite avance ?… Oh ! pas grosse !… Unetrentaine de francs ; de quoi atteindre la fin du mois.— Comment, une avance, fait Paul. Nous ne sommes qu’au 28 et tu n’as plus lesou ! Qu’est-ce que tu fais de ton argent ?Il s’étonne, et il en a le droit. Ce mois-ci encore, comme chaque mois depuis ...
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