K. GorbounofUne Ophélie tchérémisseEsquisse de mœursTraduction parue dans la Revue des Deux Mondes, 71e année, tome CIVSommaire1 I.2 II.3 III.4 IV.5 V.I.Deux misérables rosses de la poste locale me traînaient dans les montagnes del’Oural, par-delà le Volga, d’un village à un autre, dévoré par la plus vive impatiencede parvenir à la grande route, dans la naïve conviction que j’y trouverais un terme àtous les maux, à toutes les incommodités de mon voyage. Ai-je besoin d’ajouterque je fus cruellement désillusionné ?Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit pour le moment, et je n’ai nullement l’intentiond’agacer les nerfs de mon lecteur par une description minutieuse de toutes leshorreurs des routes vicinales.Chez nous, dans la Russie centrale, ces chemins sont devenus un anachronisme.Mais dans ces régions lointaines, que les chemins de fer ne sillonnent pas encoreen tout sens, la route postale existe toujours, avec toutes ses vicissitudes, danstoute sa poésie primitive, enivrante, dont on se souvient longtemps, non sans unfrémissement mêlé d’une douce tristesse.Ma mémoire évoque les tableaux des villages tchérémisses se suivant l’un l’autre…La pensée travaille fiévreusement… Je vois dans mon imagination les huttesnoircies par le temps… De cœur, je participe à l’existence de ces pauvres gens,aux petites joies conformes à leur misérable condition, rares éclaircies d’une vietoute de privations et d’un dur labeur… Puis le craquement des poutres ...
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