Jean-Jacques Ampère
Une course dans l’Asie-Mineure
Revue des Deux Mondes, Période initiale, 4eme série, tome 29, 1842 (pp. 161-
185).
LETTRE A M. SAINTE-BEUVE
Mon cher ami,
Après le plaisir de voyager, le plus grand est de raconter ses voyages; mais le
plaisir de celui qui raconte est rarement partagé par celui qui écoute ou qui lit.
Aujourd’hui nul pays n’est nouveau, tout le monde a été partout, et il faut avoir autant
de confiance que j’en ai dans votre amitié pour oser vous adresser le récit d’une
course en Ionie et en Lydie. Je n’ai qu’une excuse : cette course dans un pays un
peu moins connu que l’Italie et la Grèce m’a intéressé vivement, ce n’est pas une
raison pour que mon récit intéresse les autres, mais c’en est une pour moi de
chercher à communiquer à un ami le plaisir que j’ai éprouvé, et de ne pas lui
dérober sa part, comme dirait Montaigne. Ayant ainsi fait la paix avec ma
conscience, qui murmurait un peu quand j’ai pris la plume pour écrire des
impressions de voyage, je cède à la tentation, aux mauvais exemples, et je
commence mon odyssée, qui ne sera pas longue, heureusement.
Ayant une quinzaine de jours devant nous, Mérimée et moi, nous formâmes le projet
d’aller de Smyrne à Éphèse, de pousser jusqu’à Magnésie sur le Méandre, où les
ruines du temple ionique de Diane offraient une tentation puissante à notre ami,
grand amateur et vrai connaisseur en fait d’architecture hellénique, puis de gagner
Sardes, où il y avait encore des chapiteaux ioniques à ...
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