Journal des économistes, février 1845
Frédéric Bastiat
Un économiste à M. de Lamartine
À l'occasion de son écrit intitulé : Du droit au travail
Un économiste à M. de Lamartine
[1]Monsieur ,
Le talent prodigieux dont vous a doué la nature, talent que rehausse une réputation
sans tache, après avoir fait de vous le point de mire des partis, vous a signalé
comme l’attente des doctrines. Vos opinions, à demi voilées, laissaient à chaque
école l’espoir de vous rallier. Le catholicisme, le néo-christianisme, la liberté, et
même ces modernes excentricités qu’on nomme saint-simonisme, fouriérisme,
communisme, comptaient sur vous, espéraient en vous. Le système qui se résume
par le mot concentration forcée, celui qui se formule par le mot libre concurrence,
la théorie qui veut imposer au travail, aux facultés, aux capitaux une organisation
artificielle, celle qui ne voit pas de meilleure organisation des forces sociales que
leur naturelle gravitation, toutes les écoles, en un mot, vous désiraient pour
auxiliaire et vous eussent accepté pour chef.
Car il n’en est pas dont vous n’eussiez été le plus puissant interprète. Que faut-il à
une idée qui porte en elle-même l’élément du triomphe, la vérité ? Être connue, être
comprise, être vulgarisée ; et, pour cela, il lui faut des expressions saisissantes,
des formules lumineuses qui, par leur clarté soudaine, aillent réveiller dans tous les
cœurs cette sympathie innée pour le vrai et le juste que la libéralité de la
Providence y a ...
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