Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 13-30).
425. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN..
eÀ Paris, mercredi 7 août.
Quoi ! je ne vous ai point parlé de saint Marceau en vous parlant de sainte
[1]Geneviève ! Je ne sais pas où j’avois l’esprit. Saint Marceau vint prendre sainte
Geneviève jusque chez elle ; sans cela on ne l’eût pas fait aller : c’étoient les
orfèvres qui portoient la châsse du saint ; il y avoit pour deux millions de pierreries :
c’étoit la plus belle chose du monde. La sainte alloit après, portée par ses
[2]enfants , nu-pieds, avec une dévotion extrême. Au sortir de Notre-Dame, le bon
saint alla reconduire la bonne sainte jusques à un certain endroit marqué, où ils se
[3]séparent toujours mais savez-vous avec quelle violence ? Il faut dix hommes de
plus pour les porter, à cause de l’effort qu’ils font pour se rejoindre ; et si par hasard
ils s’étoient approchés, puissance humaine ni force humaine ne pourroit les
séparer : demandez aux meilleurs bourgeois et au peuple ; mais on les en
empêche, et ils font seulement l’un à l’autre une douce inclination, et puis chacun
s’en va chez soi. À quoi pouvois-je penser de ne vous point conter toutes ces
merveilles ?
Pour votre équipée du feu de saint Jean-Baptiste, je ne puis y penser sans que la
sueur m’en monte au front. Quelle folie en l’état où vous étiez ! quelle foule ! quelle
chambre ! quel échafaud ! Ma bonne, je ...
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